Les chlebíčky, des amuse-bouches fédérateurs pour toutes les occasions

Photo: Archives de Radio Prague

Notre série culinaire de l’été touche lentement à sa fin. Mais rassurez-vous, il vous reste à découvrir encore deux spécialités tchèques avant la fin des grandes vacances. Aujourd’hui, ce sont les chlebíčky, amuse-bouches typiquement tchèques, qui occuperont toute notre attention.

Štěpánka Čermáková,  photo: Archives de Radio Prague
Pris mot à mot, chlebíček signifie « petit pain ». En France, cette dénomination désigne les viennoiseries de type croissant dans l’est du pays, le reste de la France le comprenant comme un pain de petite taille. En pays tchèques toutefois, le chlebíček recouvre une toute autre réalité : il s’agit de canapés, généralement servis comme apéritif lorsqu’il s’agit de célébrer un événement.

Un anniversaire, Noël ou Nouvel an, un départ à la retraite : les raisons ne manquent pas pour faire appel à cette tranche de pain blanc au goût neutre, la « veka », mais surplombée de divers ingrédients goûteux, comme le rappelle Štěpánka Čermáková, manager à l’épicerie fine Jan Paukert, dans le quartier en vogue de Karlín à Prague :

« J’aime vraiment beaucoup les chlebíčky. D’ailleurs bien avant d’avoir commencé à travailler chez Jan Paukert. Les Tchèques sont habitués aux chlebicky, et chaque foyer qui organise une fête, une soirée, ou les entreprises qui préparent un événement, commandent en général des chlebíčky pour l’occasion. »

Car le chlebíček a vu le jour en 1916, précisément dans l’épicerie fine Jan Paukert à Prague. La petite histoire veut qu’un ami de l’épicier, le peintre Jan Skramlík ait particulièrement apprécié ses amuse-bouches. Grand mangeur devant l’éternel, Jan Skramlík aurait toutefois regretté leur petite taille et demandé la confection de ces canapés de façon à ce qu’il puisse les avaler en deux ou trois bouchées plutôt qu’une.

Photo: Archives de Radio Prague
Le chlebíček était né, devenant la coqueluche du Tout-Prague, les plus grandes stars de la Première république tchécoslovaque se pressant chez Jan Paukert pour déguster le précieux pain. Mais qu’en est-il aujourd’hui ? Et particulièrement dans le quartier gentrifié de Karlín où l’épicerie a déménagé ses locaux en 2015 et où travaillent de nombreux expatriés. Réponse de Štěpánka Čermáková :

« Je pense que cette tradition du chlebíček les intéresse. Souvent, des étrangers nous appellent, ils demandent s’ils peuvent venir dans notre bistrot et ils se font préparer une sélection de différents types de chlebíčky. Je pense qu’ils aiment beaucoup et nous n’avons eu que de bons retours. »

Préparer un chlebíček, c’est tout un art : la tranche de pain garnie doit être belle visuellement, que ce soit au niveau des couleurs ou de l’agencement des ingrédients, mais elle doit être également élaborée de telle façon à résister aux lois de la gravitation universelle. En effet, rien de plus désagréable que de croquer à belles dents dans un chlebíček dont la moitié de la garniture s’effondre à la première bouchée.

Photo: Archives de Radio Prague
Une gageure toutefois tant les petites mains chargées de la confection des chlebíčky rivalisent d’imagination pour composer des constructions sophistiquées : sur un lit de salade de pommes de terre à la mayonnaise, terreau préposé à cimenter les ingrédients, viennent se greffer tranches de saucisson ou de jambon enroulées, feuille de salade, brin de persil, quartier d’œuf dur et tomate cerise.

Les variations sont infinies, l’époque actuelle ayant rajouté le saumon fumé, le rosbif et même le pain complet à la sélection proposée. Vertige du chlebíček exposé ainsi à nos yeux gourmands derrière les vitrines des épiceries ou boulangeries, dont les arrangements n’ont rien à envier à ceux des extravagants chapeaux des Anglaises à la course hippique Royal Ascot.

Un tel art de la composition mérite bien d’être mis en valeur lors d’événements spéciaux… Et pourtant, les Tchèques aiment tant les chlebíčky que ces derniers sont souvent la gourmandise qu’on s’accorde au petit déjeuner en allant au travail ou bien même en lieu et place d’un repas cuisiné à midi ou le soir. Preuve que quand on aime, on ne compte pas… même en matière de nourriture !

Photo: Archives de Radio Prague