Les courts métrages, la porte de nouvelles possibilités

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Directeur du festival du film international d'Amiens, critique de cinéma, Fabien Gaffez est membre du jury de la 11e édition du Fresh Film Fest, qui se déroule actuellement à Prague et met à l'honneur le cinéma étudiant et les premiers longs métrages de jeunes réalisateurs. Sa présence dans la capitale tchèque est également liée à la projection ce week-end au cinéma Ponrepo de la sélection officielle des court-métrages présentée à Cannes dans le cadre de la Semaine de la Critique. Fabien Gaffez est revenu sur ces deux événements au micro de Radio Prague.

Fabien Gaffez,  photo: Site officiel du festival Fresh Film Fest
« J’ai une expérience de juré dans divers festivals de courts métrages ou de longs métrages notamment au Cinéma du réel à Paris ou dans d’autres grands festivals de courts métrages. C’est quelque chose que j’aime faire. Je monte aussi les jurys pour mon festival et je sais à quel point c’est important pour la vie d’un festival d’avoir des personnalités différentes qui vont ensuite devenir des ambassadeurs du festival en question. »

Dans ce jury de la catégorie Confrontations du Fresh Film Fest, catégorie qui présente 17 courts et moyens métrages étudiants, quel type de personnalité êtes-vous ?

« J’ai l’expérience d’avoir vu beaucoup de courts métrages via mon travail de sélectionneur pour Cannes et la Semaine de la critique. J’ai aussi l’expérience d’un festival et je sais à peu près quels sont les équilibres à donner dans un palmarès. Je pense que c’est cela mon expertise. »

Comment avez-vous été sélectionné pour être membre de ce jury ?

« Cela se fait très souvent par des connaissances. J’ai été invité par la Cinémathèque de Prague et c’est par ce biais-là que le festival m’a approché ensuite pour intégrer le jury du Fresh Film Festival. »

Qu’attendez-vous des films que vous allez voir ?

« J’attends toujours de découvrir quelque chose de nouveau parce que je vois beaucoup de films. Mais quand il s’agit de courts métrages, le plus souvent de jeunes réalisateurs, encore plus quand il s’agit de films d’école, j’adore le fait de n’avoir aucun repère, on ne sait pas du tout ce que l’on va voir et il y a toujours quelque chose qui nous surprend et qui nous donne confiance dans l’avenir du cinéma. Mon travail sur les courts métrages, il est à la fois pour découvrir des choses et pour me recharger moi-même en énergie pour croire que des choses nouvelles sont encore possibles. »

Avez-vous pu récemment voir des films qui vous ont conforté dans cette perspective ?

« Dernièrement, j’ai découvert un réalisateur en qui je crois beaucoup qui s’appelle Carlos Conceição et qui est un réalisateur portugais dont le dernier film était dans la Semaine de la critique à Cannes et qui sera présenté à la Cinémathèque de Prague vendredi ou samedi soir. Il a déjà réalisé quatre ou cinq courts métrages. Le dernier s’appelle Good night Cinderella en anglais. Pour moi, c’était un vrai choque esthétique, une vraie découverte de quelqu’un qui à mon avis va devenir un grand cinéaste dans les dix prochaines années. »

C’est un film que le public pragois pourra découvrir ce weekend, pourriez-vous en dire plus ?

« La Cinémathèque reprend les deux programmes de courts métrages que l’on a présenté en première mondiale au festival de Cannes. Il y a dix réalisateurs très différents sur lesquels on parie sur l’avenir. On a dix films très différents qui vont d’un slasher espagnol à ce film portugais qui est plutôt un film d’auteur de méditation autour du mythe de Cendrillon du point de vue du prince. C’est le plus grand conte de fée queer. C’est vraiment un grand cinéaste. Voilà, on va présenter ces deux programmes. Je crois que c’est très rare de pouvoir voir ce genre de films et c’est une bonne chose que la Cinémathèque fasse ce genre de travail aussi parce que le court métrage a besoin d’exposition et que ce sont à mon avis déjà des grands cinéastes. »

Vous êtes ici en Europe centrale, à Prague. Voyez-vous géographiquement des régions qui sont plus dynamiques dans la production des premiers films, des moyens ou des courts métrages ? « Il y a eu longtemps une école asiatique, notamment coréenne où il y avait beaucoup de films produits à travers les écoles. Aujourd’hui je trouve que le nouveau cinéma européen est en train de reprendre du poil de la bête. Pour moi, les cinématographies fortes sont le Portugal, la France aussi qui a de nouveaux auteurs, et le Brésil. Voilà les grandes tendances que j’ai pu observer mais je suis convaincu qu’à Prague je vais découvrir une nouvelle tendance du cinéma européen. Je l’espère en tous cas. »

Pour l’heure, connaissez-vous le cinéma tchèque, tchécoslovaque ?

« J’avoue que je suis en demande de découvrir cela. Je connais les classiques sur cette nouvelle vague ou sur quelques films que j’ai pu voir au fil des ans, mais je suis incapable de déterminer s’il y a une nouvelle tendance, une nouvelle génération ou pas. Je pense qu’elle existe et c’est aussi pour cela d’ailleurs que je voyage à travers les festivals pour sentir le pouls d’un pays à travers son cinéma et pour interroger les gens qui font ce cinéma. J’espère que je repartirai de Prague enrichi d’une nouvelle connaissance du cinéma tchèque. »

Vous êtes aussi le directeur du festival international du film d’Amiens depuis 2011. Comment articulez-vous les différentes casquettes car vous êtes aussi critique de cinéma ? Comment vous voyez ces films-là, c’est d’un œil du critique, du jury ou du directeur de festival…

« Ce qui relie toutes ces activités, c’est le cinéphile. Tout est partie d’une cinéphilie, d’une passion profonde pour le cinéma et je cherche à garder cet œil qui n’est pas usé. Je ne me considère pas comme un vrai critique, je suis plutôt historien du cinéma. Je suis plutôt sur l’histoire du cinéma ou sur des films qui me touchent vraiment. Je ne suis pas dans la critique de l’actualité même si je la respecte, c’est un métier. Voilà, j’arrive quand même à garder un regard frais sur ce que je vois et j’essaie de transmettre, de communiquer, cette passion à travers ces différentes activités. Le point commun est la volonté de transmettre et la cinéphilie. »

Comment est née cette cinéphilie ?

« J’allais dire par hasard un peu comme tout le monde, on voit des films, et le cinéma entre petit à petit dans votre vie par effraction parfois et on se rend compte à un moment que l’on a vu beaucoup de films et que l’on a envie de les partager. Moi, j’avais deux passions, l’écriture et le cinéma et à un moment j’ai commencé à écrire sur des films. C’est né comme ça des rencontres, je n’avais pas du tout pour objectif de devenir directeur du festival. C’est arrivé et j’en suis très heureux parce que ça permet de faire des recherches sur l’histoire du cinéma et d’aller chercher des tendances méconnues du cinéma tout en découvrant des jeunes auteurs. Ce sont vraiment les deux objectifs de mon métier. »

Quels ont été les films qui ont suscité cette passion ?

« Je sais que le tout premier film que j’ai vu, c’est Le Bon, la brute, et le truand. C’est un film qui m’a tellement marqué que je peux reconstruire ma cinéphilie à travers Sergio Leone et le western. J’aime beaucoup le cinéma de Clin Eastwood. C’est également l’Italie et le cinéma italien. C’est également cette idée quand on revoit le film, la couleur politique qu’il peut avoir. Sous ses décors de film picaresque, il y a quelque chose qui est dit sur la guerre qui avance tout au long du film. Quand on se souvient du film, la guerre avance en arrière-plan et sur cette tragédie-là qui nous dit que la guerre est quelque chose qui est installée et qui est là. Ce n’est pas quelque chose qui éclate, c’est quelque chose qui est là, qui s’installe dans la durée. Cela, je l’ai compris très tard en ayant revu le film. Je pense que cela aiguise aussi une conscience politique. Si je devrais citer un film, ça serait donc celui-ci parce que c’est le premier que j’ai vu en salle, j’avais sept ans. »

Depuis, est-ce qu’il y avait des chocs comme ça, des films particuliers qui vous ont marqué ?

« C’est toujours une question difficile car il y a des œuvres aussi qui m’ont marqué. J’ai appris par exemple ce qu’était la mise en scène à travers Hitchcock. Je vais vraiment vous citer des classiques. J’ai appris ce qu’était un cinéaste à travers le cinéma d’Orson Welles, que l’on pouvait faire du cinéma quoi qu’il arrive. Pour moi, c’est le premier grand cinéaste indépendant. Il se plaignait toujours ne pas avoir d’argent pour faire ces films et du coup il a construit une nouvelle économie. J’ai compris ce qu’était construire une œuvre à travers le cinéma de Truffaut que l’on célèbre cette année. C’est plutôt des cinéastes de ce type qui m’ont marqué et qui me marquent encore aujourd’hui. »

Pour revenir un peu à festival, avez-vous déjà participé aux festivals en Tchéquie, à Karlovy Vary ou à Jihlava pour les films documentaires ?

« Pas du tout. Je suis heureux parce que c’est ma toute première fois ici et notamment à Prague. Je connais ces festivals, notamment Karlovy Vary qui à mon avis est un très grand festival. Quand on travaille dans les festivals on observe ce qui se passe dans les sélections des autres événements de ce type et il y a toujours une très belle sélection à Karlovy Vary. Par exemple, à Amiens pour la compétition qui aura lieu en novembre prochain, certains films viennent de Karlovy Vary. Donc je sais que c’est un repère dans l’année du cinéma. »

A Amiens, quel fil directeur avez-vous dans la direction du festival ? Quelle ambition avez-vous pour ce festival ?

Photo: Facebook du festival international du film d’Amiens
« Cette année, cela va être la 34e édition du festival. Je n’étais pas là au tout début évidemment mais l’ambition c’est de remettre le plaisir du cinéma et du spectacle au centre du festival, ne pas oublier que le festival est riche et qu’il s’adresse à tous les publics. On le décrit comme un festival gourmand. Parfois on en fait peut-être un peu trop mais cela va d’un hommage à un acteur français jusqu’à un hommage à un réalisateur obscur portugais. Cet ensemble, il a plus de 300 films, dans la compétition, des rétrospectives, des hommages. C’est de se dire que pendant dix jours, on va voir de quoi le cinéma est le nom, mais au pluriel. C’est ce qu’aime le public. Je défends l’idée que dans un festival le cinéma devient un spectacle vivant. Ce n’est pas seulement de voir un film dans une salle, mais ce sont aussi les rencontres avec les réalisateurs qui en parlent et il y a aussi des rencontres entre artistes dans ces festivals qui peuvent ensuite créer des projets. C’est ce que j’aime, ce plaisir pur du cinéma. »

Avez-vous aussi des films tchèques qui sont programmés dans les dernières éditions du festival d’Amiens ?

« Je crois même que l’on a programmé pas mal de courts métrages, notamment du cinéma d’animation, mais j’ai envie de consacrer une rétrospective soit à un studio soit à une grande tendance du cinéma tchèque contemporain. J’avais cette idée derrière la tête en acceptant l’invitation à Fresh Film Fest. »