« Les danses swing connectent les générations »

Photo: Vojtěch Ruschka

Des robes des années 1930, de belles coiffures, un jazz band et des gens qui dansent… Ce n’est pas une scène d’un vieux film. Depuis quelques années, les danses dites swing, ainsi que leur époque, vivent en effet une vraie renaissance. De nombreuses écoles proposent des cours de swing, alors que des soirées sont organisées régulièrement dans la plupart de grandes villes européennes. Et bien évidemment, ces danses que connaissaient déjà nos grands-parents et leurs parents avant eux sont très à la mode également en République tchèque. Reportage.

Le Harlem à la tchèque

Photo: Vojtěch Ruschka
Ça swingue le mercredi soir au café à la Bibliothèque nationale technique, dans le 6e arrondissement de Prague ! Des gens de tout âge et toute profession s’y rencontrent pour danser au rythme du swing et du jazz.

Aude : « Le swing est sympa à écouter. C’est une musique joyeuse et, concernant la danse, on peut s’amuser même quand on a un niveau débutant. C’est un bon moyen de décompresser un peu après le boulot. »

Camille : « Je fais de la danse depuis longtemps. J’ai fait différents styles mais j’ai toujours eu envie de me mettre au swing parce que j’adore sa musique. Ce qui me plaît sur cette danse, c’est donc d’abord la musique jazz mais aussi son esprit ou par exemple le style vestimentaire. De plus, c’est une danse qui peut être de couple ou solo. J’apprécie donc tout l’univers qui est autour. »

Environ une fois par mois, les danseurs sont accompagnés de musique live. Cette fois, c’était au tour du groupe Swing mustard. Tereza est une des chanteuses du groupe :

Photo: Vojtěch Ruschka
« Notre famille est une famille de musiciens. Je chante toute ma vie et j’adore le jazz depuis toujours. Mais nous avons formé ce groupe un peu par chance. Ma sœur est allée en Espagne et elle y a vu des gens danser le swing sur une plage. Elle est revenue toute enthousiaste et elle a commencé à chercher des cours de swing ici à Prague. Nous avons trouvé, nous avons commencé à danser et puis nous avons decidé de former ce groupe musical. Nous sommes sept : la guitare, la batterie, le saxophone, trois chanteuses et l’ukulélé basse – un instrument très bizarre mais qui est parfait pour cette musique. »

Mais que peut-on donc imaginer concrètement sous le terme de danses swing ? Guillaume et Marine, deux danseurs français installés à Prague, expliquent la complexité de cette notion :

Guillaume et Marine : « Les danses swing, c’est une appellation très large qui englobe beaucoup de danses. Nous pratiquons du lindy hop, une danse de la fin des années 1920. Mais les danses swing englobent aussi la balboa, le shag, le blues qui sont d’autres styles dansés à l’époque sur de la musique swing et jazz. »

Zdeněk Pilecký,  photo: Archives de Zdeněk Pilecký
Développé dans la communauté afro-américaine aux Etats-Unis et très populaire en Europe notamment avant la Seconde Guerre mondiale et jusqu’aux années 1950, le lindy hop est aujourd’hui le plus connu et le plus répandu de toute la famille des danses swing. A la mode de nouveau depuis les années 1980, cette danse est réapparue en République tchèque après la chute du régime communiste. Zdeněk Pilecký est le principal pionnier du lindy hop dans le pays :

« En 1991, les Américains ont tourné à Prague le film culte Swing Kids. Je travaillais à l’époque comme danseur au Théâtre de Karlín et j’ai eu de la chance d’avoir été choisi pour le film. A l’époque, je donnais des cours de claquettes, le lindy hop m’a donc plu et me semblait utile pour ma carrière. J’ai commencé à voyager pour apprendre cette danse à l’étranger. Quand j’ai commencé à enseigner le lindy hop à Prague, j’étais tout seul. Un autre club a ensuite ouvert à Hranice, en Moravie. Mais pendant longtemps, nous n’étions que deux clubs de lindy hop en République tchèque. »

Depuis environ six ans, la musique et les danses swing, mais aussi par exemple le style vestimentaire de cette époque, vivent un vrai boom un peu partout en Europe. D’autres écoles se sont ainsi formées au fur et à mesure à Prague et dans plusieurs autres villes tchèques, de nouveaux cours pour les débutants ouvrent plusieurs fois par an. Petra fréquente ces cours depuis quelques mois déjà :

Photo: Archives de Zdeněk Pilecký
Petra : « J’aime beaucoup l’époque des années 1950, notamment son style vestimentaire et son atmosphère. J’ai même commencé à suivre des cours de couture de l’époque. Et c’est aussi la raison pour laquelle j’ai décidé de fréquenter des cours de lindy hop et de charleston. »

Fondateur du club Zig Zag, une des plus grandes écoles de danses swing dans le pays, Zdeněk Pilecký organise deux fois par an également un grand festival international auquel il invite des professeurs de danse de renom mondial. Des danseurs de différents pays se rendent alors à Prague pour apprendre un peu plus de cette danse très riche en pas et variations :

« Cette danse est beaucoup basée sur l’improvisation. Quand vous savez bien improviser, vous pouvez danser avec n’importe qui. C’est ce qui est le plus important dans le lindy hop et c’est très amusant ! »

« C’est une autre façon de faire la fête »

Guillaume et Marine enseignent aujourd’hui les danses swing dans plusieurs écoles tchèques. Nous les avons rencontrés après un de leurs cours publics :

Guillaume et Marine,  photo: Barbora Chmelařová
Guillaume : « Nous sommes venus pour faire un workshop en République tchèque. Cela nous a vraiment plu mais nous sommes ensuite repartis en France. Marine était encore dans ses études, moi je faisais déjà de la danse. J’ai donc décidé de partir pour la République tchèque et de commencer à enseigner à Brno. J’ai travaillé aussi un peu en Autriche. J’ai rencontré aussi des gens de Prague, nous nous sommes liés d’amitié avec plusieurs danseurs et responsables d’écoles pragoises. C’est ainsi que je me suis retrouvé à Prague. Une fois que Marine a fini sa thèse, elle m’a rejoint pour que nous puissions travailler ensemble. »

Marine : « Guillaume est en République tchèque depuis trois ans et demi et moi depuis un an. »

Guillaume, vous avez dansé à Montréal, puis à Vienne, et vous, Marine, en Angleterre et à Paris, mais tous les deux, vous avez dansé aussi par exemple aux Etats-Unis… Pouvez-vous comparer la communauté de swing à Prague et à l’étranger ?

Marine : « Comparée à Paris, la communauté à Prague est beaucoup plus petite et le style de soirées est différent aussi. A Paris, c’est une grande communauté avec plus de dix grosses écoles et des milliers de danseurs. Il y a donc beaucoup de pratiques et de cours pendant la semaine et une ou deux soirées chaque week-end, quasiment toujours avec un orchestre. Ici, c’est plus petit, il existe seulement deux grandes écoles à Prague (Zig Zag et Swing Busters, ndlr). »

Photo: Vojtěch Ruschka
Guillaume : « C’est une scène qui n’est pas toute jeune parce qu’elle a été créée il y a longtemps. De plus, en République tchèque, vous avez une connexion étroite avec la danse, grâce aux bals de fin d’études et aux cours de danses de salon que fréquentent quasiment tous les élèves du secondaire. Nous n’avons pas cette connexion avec la danse en France. Les Tchèques sont donc plus ouverts à la danse. Quant à la scène de swing, la ville est bien évidemment beaucoup plus petite que Paris mais il existe à Prague un corps solide. Ce n’est pas seulement un phénomène de mode, les danseurs de swing et de lindy hop sont motivés, ils ont envie de perfectionner leur danse. Cela prend donc de plus en plus d’ampleur. De plus en plus de danseurs tchèques voyagent aussi à l’étranger et les communautés à Prague et à Brno sont de plus en plus connues. Il existe actuellement en République tchèque deux ou trois grands événements annuels qui sont mondialement connus. »

Quand quelqu’un veut apprendre à danser ou au moins essayer cette activité, que peut-il faire ?

Guillaume : « Il existe beaucoup de soirées avec de petits cours d’introduction, notamment le mercredi au café à la Bibliothèque technique ou le lundi au Jam Café à Prague. »

Photo: Vojtěch Ruschka
Marine : « Ou bien les personnes intéressées peuvent rejoindre les cours réguliers qui se tiennent tout au long de l’année dans ces écoles de danses swing. »

Pour ces soirées de swing, faut-il s’habiller de manière spéciale ? On imagine souvent des gens vêtus dans des habits des années 1920 et 1930…

Marine : « L’habit fait aussi partie du contexte de la danse. Les danses swing, c’est une époque – notamment la fin des années 1920 et le début des années 1930, c’est une musique, c’est une façon de s’habiller… Donc certains s’habillent selon le style vestimentaire de l’époque. Mais après, il y a des gens, y compris nous, qui vont danser comme ils sont habillés, en jeans, en casual. »

Outre Prague et Brno, y a-t-il d’autres endroits où les danses swing sont dansées en République tchèque ?

Guillaume : « Ce qui est intéressant, c’est qu’il existe plein de petites villes en République tchèque où existent des communautés de swing. Elles sont souvent créées par exemple autour d’un couple passionné. Et puis, c’est une activité multigénérationnelle. C’est une danse que nos grand-parents ont connu et elle connecte donc un peu toutes les générations. C’est la raison pour laquelle des communautés se créent même dans des petites villes. Puisque cela rapproche des gens. C’est une autre façon de faire la fête.

Photo: Vojtěch Ruschka
Le lindy hop et cette communauté, c’est beaucoup plus que de la musique et de la danse. Ce sont aussi des valeurs intrinsèques d’amour qui sont véhiculées à traver cette danse. C’est d’ailleurs cela qui a rendu cette danse populaire car elle est accessible à tout le monde, peu importe l’âge, le poids, la corpulence, la taille, les conditions sociales ou même un handicap. Il y a des personnes handicapées qui dansent. On peut vraiment s’adapter à la musique jazz et s’amuser même si on ne connaît pas beaucoup de pas. Cela aussi aide les gens à connecter, ils dansent autrement que dans les clubs et les discothèques où la danse est très individuelle. »

Marine : « Le lindy hop crée une grande connexion entre les personnes. »