Les droits de l’Homme, mais aussi les intérêts économiques, au cœur de la nouvelle conception de la diplomatie tchèque

Lubomír Zaorálek, photo: ČTK

Le ministère des Affaires étrangères a mis au point sa nouvelle conception de la politique étrangère tchèque. Contrairement à une première version de travail qui avait fuité dans les médias et en avait affolé quelques-uns pour son absence de références aux droits de l’Homme, la nouvelle version de cette feuille de route entend trouver un équilibre entre ceux-ci et les intérêts économiques du pays.

Lubomír Zaorálek,  photo: ČTK
Depuis la chute du régime communiste et la présidence de Václav Havel, la politique étrangère tchèque a toujours mis un point d’honneur à considérer la défense des droits de l’Homme comme un élément essentiel de sa diplomatie. Il y a six mois de cela, une première version de la nouvelle conception de la politique étrangère de la coalition gouvernementale, dévoilée par les médias, avait fait grincer des dents, certains estimant qu’elle s’éloignait par trop de l’héritage « havelien ». Pour le chef de la diplomatie, ce n’était toutefois qu’un malentendu, et à quelques jours de la présentation officielle de la feuille de route, Lubomír Zaorálek insiste sur une certaine continuité d’esprit :

« Nous n’affaiblissons en rien ce pilier fondamental de la politique étrangère tchèque. Mais nous souhaitons l’appréhender de manière plus large : aux droits politiques de l’Homme, nous ajoutons les droits liés à l’environnement, les droits sociaux. Nous nous réclamons de la théorie qui dit que, selon les pays, il faut mettre l’accent sur différents droits humains. En tout cas, je pense qu’il est évident que nous ne cédons en rien sur les droits de l’Homme. Nous soulignons qu’il faut chercher différentes stratégies sur la manière de mener le débat, selon le pays, selon le continent, les cultures. Cette conception s’efforce d’envisager la complexité du monde d’aujourd’hui de manière globale. »

Miloš Zeman | Photo: Archives de CNTV
La précédente version de la feuille de route semblait avoir par exemple omis la question des droits de l’Homme dans les relations tchéco-chinoises. D’ailleurs, les dernières rencontres bilatérales avaient tourné avant tout autour des échanges économiques. Ainsi, l’an dernier, le Château de Prague avait accueilli un forum d’investissement chinois et le président Miloš Zeman s’était rendu en Chine en octobre, insistant sur le fait qu’il n’entendait faire la leçon à personne sur la question du respect des droits de l’Homme. Désormais, la nouvelle conception préparée par le ministère des Affaires étrangères entend mettre l’accent sur les droits de l’Homme autant que sur les questions économiques.

Les relations avec la Russie sont également un point clé : le pays y est en effet mentionné en tant que partenaire économique mais aussi comme un facteur de déstabilisation pour la sécurité européenne. Le ministre des Affaires étrangères souligne toutefois que la République tchèque ne doit pas fermer ses portes à cette grande puissance, malgré les sanctions de l’Union européenne vis-à-vis de Moscou, en lien avec la crise ukrainienne :

« Cette conception a beau avoir été rédigée maintenant, elle a pour objectif d’être valable pendant au moins cinq ans, quitte à être actualisée en cours de route. Or, qui sait ce qu’il peut se passer en cinq ans ? Nous ne savons pas où en sera la Russie dans cinq ans. Et nous ne voulons pas préjuger du fait que la situation actuelle de la Russie soit similaire ou qu’elle ne puisse pas être revenue à la table des négociations. Comme l’a dit un homme politique important, nous faisons face à de nombreux problèmes : des problèmes globaux, des problèmes environnementaux, l’existence de l’Etat islamique, et nous avons besoin d’alliés pour les régler. Nous appelons la Russie à respecter des règles de base et à nous aider à trouver une solution à ces problèmes. Cette invitation est toujours valable. Je ne veux pas croire que la Russie soit la même dans deux ans, et qu’il soit impossible qu’elle redevienne un partenaire commercial et politique qui respecte les règles internationales. »

La Russie, un des thèmes clés que Lubomír Zaorálek aura à aborder lorsqu’il présentera cette nouvelle conception au président Miloš Zeman qui ne cache pas ses affinités pro-russes. Jiří Ovčáček, porte-parole du chef de l’Etat :

« Pour le président, il est important que cette conception prenne en compte la coopération économique avec la Russie. Ce qui signifie que les contacts avec ce pays ne sont pas interrompus. »

Traditionnellement, cette feuille de route de la diplomatie tchèque souligne encore l’importance des Etats-Unis comme principaux garants de la sécurité euro-atlantique et celle du partenariat stratégique avec Israël.

Cette conception, qui table sur une durée de cinq ans, devrait être présentée officiellement dans quelque temps, une fois intégrés certaines modifications et rectificatifs apportés par les différents partenaires de la coalition gouvernementale.