Presse : qui était le candidat favori des Tchèques pour la Maison blanche ?
Cette nouvelle revue de presse s’intéresse à l’élection américaine vue de Tchéquie.
L’éditorialiste du site Seznam Zprávy a étudié un graphique publié à la veille de l’élection présidentielle américaine sur le réseau X qui intègre les données de plusieurs sondages réalisés ces dernières semaines pour déterminer quelles seraient, de manière tout à fait hypothétique, les préférences électorales des Européens et des Tchèques. Il en ressort clairement que l’Europe voterait massivement pour Kamala Harris. C’est dans les pays nordiques et d’Europe occidentale que cette préférence domine, tandis qu’en allant vers l’est et le sud-est, on voit davantage la couleur du parti de Trump :
« Cette tendance n’est pas accidentelle. Le fort nationalisme de Trump, son scepticisme à l’égard de l’immigration, l’accent mis sur le pragmatisme économique et la critique des institutions supranationales résonnent fortement dans les pays qui n’ont pas assez confiance dans le système et les valeurs libérales de l’Occident. Leurs propres expériences politiques et leur méfiance historique à l’égard des ‘grands systèmes’ sont à l’origine de cette approche assez conservatrice. »
Pour l’éditorialiste de Seznam Zprávy, la Tchéquie constitue un phénomène particulier sur ce graphique. Le score de 54 % pour Harris et de 46 % pour Trump suggère que le pays est à la frontière entre l’Europe de l’Ouest et l’Europe de l’Est non seulement géographiquement, mais aussi mentalement et en matière de valeurs :
« Les Tchèques sont sceptiques à l’égard des autorités absolues qu’il s’agisse de l’UE ou des représentations politiques locales. Ils ont tendance à sympathiser à la fois avec les idées libérales et avec le pragmatisme et le nationalisme que Trump représente. Des personnes comme Trump qui perturbent l’ordre établi trouvent un certain écho en Tchéquie, car une partie de la population veut un changement et cherche ‘une main forte’ menant le pays vers la prospérité. Mais une autre partie importante de la population se sent liée à l’Europe occidentale ».
Toujours en lien avec les faveurs des Tchèques concernant les deux candidats à l’élection présidentielle américaine, le quotidien Deník N rapporte que de nombreux députés du Parti civique démocrate (ODS), le principal parti gouvernemental tchèque, préféraient voir Donald Trump à la tête des Etats-Unis. Et ce en dépit du fait que la majorité des électeurs de ce parti de droite préfèrent son opposante. Le journal cite à ce propos le politologue Lukáš Jelínek, selon lequel « le fait que les électeurs de ce parti soient beaucoup plus raisonnables que ses représentants eux-mêmes est un signal alarmant » :
« C’est surprenant. Cela arrive au moment où même des Républicains durs comme Dick Cheney et d’autres représentants du GOP se sont détournés de Trump. Si les représentants de l’ODS estiment que la sortie de la crise qu’ils sont en train de traverser, eu égard notamment à la faible popularité du gouvernement, consiste à parier sur Trump, il s’agit d’un raisonnement très dangereux. Ce n’est pas un hasard si ce dernier a ses plus grands partisans en Tchéquie dans les rangs du parti populiste d’extrême droite SPD, du Parti communiste ou du mouvement ANO d’Andrej Babiš. Bref, dans des partis qui ont tendance à gouverner de manière autoritaire et à rejeter la démocratie libérale ».
Selon le politologue, on peut ainsi imaginer quels sont les éléments sur lesquels s’appuierait une coalition entre ANO et l’ODS si d’aventure une telle formation advenait après les prochaines élections législatives qui auront lieu à l’automne 2025.
La victoire de Donald Trump vue par les médias tchèques
Les médias locaux portent des regards assez divers sur la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle. Le journal en ligne forum24.cz, par exemple, s’intéresse notamment à ses impacts sur le soutien américain à l’Ukraine et sur le partenariat avec l’Europe :
« Après la Deuxième guerre mondiale, l’Europe s’est habituée à ce que les Américains se chargent de sa sécurité. C’est désormais l’occasion pour elle de voler de ses propres ailes et de cesser de se cacher derrière l’Amérique. Mais l’image d’une Ukraine souffrante qui perd ce qui lui reste de soutien occidental, est terrible. C’est quelque chose de cruel et injuste. Au-delà de l’humiliation pour l’Ukraine, la victoire de Trump est aussi un encouragement pour les voyous de la périphérie orientale de l’Europe centrale, pour les chefs de gouvernement slovaque et hongrois, Robert Fico et Viktor Orbán, ainsi que pour Andrej Babiš, en Tchéquie. »
L’éditorialiste du site Novinky.cz selon lequel « la seconde victoire des Républicains est un choc pour l’Amérique et le monde entier », est plus catégorique encore :
« Donald Trump à la Maison blanche et les deux chambres du Congrès entre les mains des Républicains signent une grande victoire pour Poutine et une défaite pour l’Ukraine. Rien ne sert de peindre la situation en rose. La victoire de Trump est une catastrophe géopolitique. S’il veut poursuivre son ‘programme’ de guerres commerciales avec le monde, expulser de force des millions d’immigrants illégaux et ‘arrêter’ la guerre de la Russie en Ukraine en un seul jour, les Etats-Unis et l’Europe en particulier ont devant eux une course sauvage et dangereuse. La victoire de Trump renforce également les populistes illibéraux et antidémocratiques dans le monde entier, y compris en Europe. »
L’éditorialiste de l’hebdomadaire libéral Respekt écrit pour sa part :
« La seconde victoire de Donald Trump est associée aux fantasmes et aux craintes les plus sombres, qui peuvent ou non se réaliser. Ce qui caractérise le style du nouveau président, c’est son imprévisibilité tout à fait systématique. De toute façon, aux Etats-Unis, une décision démocratique a été prise, qui ne peut être remise en question de quelque manière que ce soit. L’Amérique, et avec elle le monde entier, entre dans une ère d’incertitude radicale. »
Le ton du rédacteur en chef du journal en ligne de droite echo24.cz est totalement différent :
« Le triomphe électoral de Donald Trump est une victoire pour la démocratie, et non une menace pour elle, une victoire sur le moralisme complaisant, une victoire du pragmatisme sur le faux idéalisme. Trump est un leader authentique qui a vaincu une préfabrication marketing. Certes, l’Europe n’aura certainement pas la vie facile avec la nouvelle administration américaine, on peut s’attendre à ce que Donald Trump soit un défenseur acharné des intérêts américains. Les Etats-Unis ont sauvé l’Europe à de nombreuses reprises dans l’histoire. Or, paradoxalement, la victoire spectaculaire de Donald Trump à l’élection américaine pourrait y contribuer. »
La couronne tchèque, grande perdante de la victoire de Donald Trump
Quelles seront les retombées de l’élection de Donald Trump sur l’économie tchèque ? Une question soulevée par le quotidien économique Hospodářské noviny qui s’est à ce sujet adressé à une dizaine d’experts qui se sont mis tous d’accord, dans leurs réponses, sur un point : l’affaiblissement de la couronne tchèque. Ainsi, comme le précise l’un d’entre eux, la couronne tchèque est l’une des plus grandes perdantes de cette élection :
« De toutes les monnaies du monde, c’est la monnaie mexicaine qui s’est le plus affaiblie à la suite des élections, suivie par les monnaies hongroise, polonaise et tchèque. La perte de la couronne par rapport au dollar est actuellement d’environ 1,6 %, comparé à la situation avant l’élection. En théorie, si Kamala Harris avait gagné, la couronne se serait probablement renforcée. Voilà pourquoi, dans l’ensemble, la couronne a certainement ‘perdu’ encore davantage avec ce résultat électoral, peut-être plus de 2 %. Une retombée qui a été immédiatement ressentie. »
C’est bien sûr également la politique commerciale protectionniste envisagée par le nouveau président américain qui aura, comme le constatent les experts interrogés par le journal, un impact négatif sur l’économie tchèque.