Les énergies renouvelables, enjeux d’échanges économiques entre la France et la République tchèque

Photo: Commission européenne

Un colloque franco-tchèque a été organisé cette semaine sur le thème des énergies renouvelables en République tchèque. Olivier Bertrand, chef du département Bioénergie du syndicat des énergies renouvelables en France revient sur la nature de ces énergies, leurs avantages et les enjeux économiques qu’elles représentent, en France et en République tchèque.

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« Les énergies fossiles sont des énergies qui fonctionnent sur des stocks. On va puiser dans les sous-sols pour pomper du pétrole, du gaz naturel, on va exploiter des mines pour trouver de l’uranium. L’uranium, qui sert pour les centrales nucléaires, n’est pas renouvelable, c’est une énergie fossile. Donc contrairement aux énergies fossiles, les énergies recouvrables sont des énergies de flux. C’est-à-dire le vent, le soleil, l’eau, et ce qu’on appelle la biomasse, à savoir les végétaux, aussi bien les végétaux agricoles que forestiers. Ce qu’on met sous le vocable renouvelable sont des sources d’énergies, ou des matières premières, ou des flux qui se régénèrent, dans lesquels on ne puise pas et qui se révèlent un beau jour épuisés. Voila la façon dont un peut définir les énergies renouvelables. »

Est-ce qu’une énergie renouvelable est forcément une énergie propre ?

« Le grand intérêt des énergies renouvelables, c’est que ce sont des énergies qui n’émettent pas de gaz carbonique – le gaz carbonique étant un des principaux gaz à effet de serre. Or le vent et le soleil ne produisent pas de CO2. Pour ce qui est de la biomasse ou le bois, au sens large, on va certes le brûler soit dans une cheminée, soit dans une chaudière et on va émettre du CO2, mais ce CO2 est en fait réabsorbé par les plantes pour leur propre croissance. Lorsque vous brûlez quatre ou cinq bûches de bois, le CO2 qui est émis est recapté par la parcelle forestière que vous avez exploitée pour utiliser ce bois de chauffage parce qu’elle en a besoin via la photosynthèse du CO2 pour sa propre croissance. Donc c’est un cycle neutre vis-à-vis de l’effet de serre. Ensuite, l’intérêt des énergies renouvelables est multiple. Ce sont le plus souvent des énergies locales, qui peuvent être utilisées localement. Ça se comprend assez facilement avec l’exemple du bois. Ça se comprend également très facilement avec l’énergie photovoltaïque, qui consiste à produire de l’électricité avec du solaire et des panneaux solaires. Ce qui est important de retenir, c’est que les énergies renouvelables permettent d’utiliser des ressources locales, donc des ressources forestières, agricoles, et d’optimiser au mieux soit la présence du vent, soit la présence du soleil, selon les zones géographiques concernées. »

Nous nous trouvons aujourd’hui à Prague dans un colloque sur les énergies renouvelables en République tchèque. Vous avez présenté ce matin l’expérience française dans les énergies renouvelables. Quelle est cette expérience ?

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« L’idée de ce colloque était de faire un partage d’expérience. Chaque pays a ses propres spécificités, en matière de climat et en termes de profil énergétique. En France, on a un panel d’énergies renouvelables, des industries qui se sont développées autour de ces énergies renouvelables et qui proposent des solutions techniques qui peuvent être intéressantes. Un des intérêts de ces énergies est aussi qu’elles ne sont pas ou peu délocalisables. La plupart des producteurs d’énergies renouvelables sont bien ancrés dans leur pays. Ils essaient aussi d’exporter les progrès qu’ils ont pu faire technologiquement parlant. Nous nous retrouvons aujourd’hui à Prague avec des partenaires publics, avec des acteurs locaux, privés, qui souhaitent développer ces énergies renouvelables dans leur propre pays. Il y a déjà beaucoup de choses qui existent en République tchèque. Mais on peut peut-être trouver des solutions chez l’un ou chez l’autre. L’Europe a décidé de développer de manière importante les énergies renouvelables à l’horizon 2020 et chaque pays a des objectifs à respecter. C’est dans ce cadre que nous sommes ici, pour échanger des expériences, et si possible nouer des partenariats économiques qui permettront à la fois aux filières françaises et aux acteurs tchèques d’aller dans la même voie d’un développement de ces énergies. »

La France utilise actuellement environ 10% d’énergies renouvelables sur l’ensemble de l’énergie produite et consommée. La République tchèque se situe autour de 6%. Pouvez-vous nous faire un tableau comparatif de la production et de la consommation de ces énergies renouvelables entre la France et la République tchèque ?

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« Je ne peux pas faire un comparatif précis parce que je n’ai pas les chiffres en tête, mais en France, on est à 12% d’énergies renouvelables dans notre consommation énergétique totale, et l’objectif est de passer à 23% en 2020. Effectivement, on a aujourd’hui un pourcentage qui est un peu plus important que la République tchèque. Ceci étant, la République tchèque a des objectifs ambitieux et se développe à son rythme. Au niveau français, on doit doubler d’ici 2020 notre consommation d’énergies renouvelables. Je crois qu’au niveau tchèque, cela doit être équivalent. Tout le monde doit se retrousser les manches, mais ce qui est surtout important, c’est que chaque filière a sa place. Il n’y a pas de concurrence à avoir entre les énergies renouvelables elles-mêmes. Le marché est suffisamment grand, et les perspectives de développement suffisamment importantes pour que tout le monde arrive à se positionner, et qu’au final on réponde aux objectifs européens. »

Quelles sont les énergies qui sont les plus utilisées en France et ici en République tchèque ?

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« En France, en volume d’énergie renouvelable consommée, les principales filières sont ce qu’on appelle la biomasse, donc le bois et toutes les matières végétales utilisées pour produire de la chaleur et l’hydro-électricité. Vient en troisième position les biocarburants, le monde des déchets. Ensuite viennent toutes les filières qui sont au niveau technologique très performantes à savoir l’éolien, le photovoltaïque, mais aussi d’autres filières comme la géothermie ou les pompes à chaleur. Au niveau tchèque, d’après ce que j’ai pu entendre pendant cette journée, l’accent est mis sur la biomasse, donc la production de chaleur et d’électricité à partir du bois essentiellement. Le photovoltaïque prend beaucoup d’importance et a visiblement besoin d’être un peu mieux encadré. Victime de son succès, le coût général de la politique de soutien au photovoltaïque s’avère très important. Les représentants des pouvoirs publics tchèques nous ont fait comprendre, de manière claire, qu’il y aurait sans doute une révision du tarif d’achat de l’électricité produite à partir du photovoltaïque, et donc une révision à la baisse pour essayer de mieux contrôler la facture pour les finances publiques de ce type de politique. »

Est-ce que les entreprises tchèques que vous avez rencontrées ici proposent des technologies pour les industriels français ?

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« Il est difficile de donner une réponse précise mais ce qui est sûr, c’est qu’on a à apprendre les uns des autres. Il y a des entreprises très performantes en République tchèque, que ce soit sur la filière photovoltaïque dont je parlais à l’instant, que ce soit aussi sur le chauffage au bois domestique, donc la fabrication de poêles à bois, d’inserts, de chaudières bois. Il y a une expérience tchèque qui est reconnue au niveau européen, et les confrères allemands et autrichiens le savent bien. Les professionnels français qui sont ici ne viennent pas en conquérants. Beaucoup de choses existent déjà en République tchèque, mais il y a des perspectives de marchés. Ça intéresse les pouvoirs publics tchèques que des acteurs industriels étrangers soient intéressés par investir en République tchèque, et à créer de l’emploi. L’idée, c’est que ce soit bénéfique et gagnant-gagnant. »