Les enfants « invisibles » des parents détenus : un sujet tabou en République tchèque
Plus de 800 000 enfants à travers l’Europe se trouvent séparés de leurs parents incarcérés. En République tchèque, environ la moitié des 22 000 détenus ont des enfants mineurs qui souffrent, parfois inconsciemment, de cette séparation. Ce lundi 6 juin a commencé la Semaine de soutien aux enfants des parents détenus, lancée par le réseau européen Eurochips dont le siège se trouve à Montrouge, près de Paris. Membre de ce réseau, le Comité tchèque d’Helsinki s’engage depuis quatre ans pour le rétablissement des liens familiaux rompus par l’incarcération.
« Ces chiffres n’intéressent personne. Même si l’Etat fait des statistiques sur les détenus, le fait qu’ils soient parents ou pas n’intéresse vraiment personne, sauf si le détenu a une obligation alimentaire envers ses enfants. Nos activités dépendent des financements dont nous disposons et qu’il est très difficile d’obtenir, car ce sujet n’est pas une priorité pour l’Etat. Par exemple, nous organisons des ‘visites assistées’ des enfants dans les centres de détention. L’objectif est que ces visites parloirs ressemblent, dans la mesure du possible, à des rencontres familiales, qu’elles ne soient pas traumatisantes pour les enfants : c’est-à-dire qu’il y ait des rafraîchissements, des jouets. Nous faisons aussi appel à un médiateur : souvent, c’est un psychologue qui aide par exemple à surmonter les difficultés liées à une longue séparation pour que l’ambiance soit chaleureuse et agréable pour tous. »
Il s’avère qu’en République tchèque, l’incarcération est presque un sujet tabou : les enfants, qu’ils vivent dans leur famille d’origine, chez des parents adoptifs ou encore dans des foyers pour enfants, ne sont fréquemment pas confrontés à la réalité, mais vivent dans l’illusion que leur parent absent est malade, qu’il est parti travailler ou vivre ailleurs. Certains parents détenus refusent eux-mêmes tout contact avec leur progéniture, par peur, par timidité ou carrément par sentiment de honte. Un problème auquel l’équipe du Comité Helsinki réussit à faire face, grâce à une coopération étroite avec les foyers pour enfants et les services sociaux qui s’est, paraît-il, beaucoup améliorée ces dernières années. Mais d’autres difficultés persistent. Markéta Kovaříková explique :
« Les gardiens dans les services pénitenciers devraient être spécialement formés pour savoir bien communiquer avec les enfants. Souvent, ils ne savent pas comment réagir et ne respectent pas l’autorité parentale du détenu. Un autre problème est que les détenus sont fréquemment placés dans des prisons loin de leur domicile. Pour une famille avec enfants, il est compliqué de traverser chaque mois tout le pays, de s’organiser : il faut prendre congé, parce que les visites n’ont pas lieu le week-end, il faut se déplacer en voiture car les prisons sont éloignées des villes… Dans certains cas, les visites se déroulent sans contact physique. Souvent, il y a des barrières du côté des parents. Dans le centre pénitencier de Světlá nad Sázavou, un des plus humains et des plus progressistes en République tchèque, les femmes peuvent mettre leurs propres vêtements pour les visites parloirs, ce qui n’est pas le cas dans les autres prisons. Cela change complètement l’ambiance ! »Vous trouverez plus de détails sur les événements de la « Semaine des enfants invisibles » et sur les activités du Comité tchèque d’Helsinki au www.helcom.cz. A savoir que le réseau Eurochips a lancé une pétition en faveur des droits des enfants des parents détenus : il est possible de la signer en ligne au www.eurochips.org.