Les époux Cori, prix Nobel de médecine de 1947

Gerty Cori (Photo: www.nobel.se)

Nous vous présenterons aujourd'hui les époux Cori, prix Nobel de médecine de 1947. L'existence de ces originaires de Prague est presque ignorée dans leur pays natal. Très peu de gens savent qui étaient les époux Carl et Gerty Cori. Le régime communiste tchécoslovaque n'a admis aucun rappel de ces chercheurs ayant rendu notre pays célèbre dans le monde. Ce n'est qu'aujourd'hui qu'on essaie de payer cette dette : des plaques commémoratives créées par le sculpteur Olbram Zoubek ont été dévoilées à la maison natale de Carl Cori, rue Salmovska, et à celle de son épouse Gerty, rue Petrska, les deux dans la Nouvelle-Ville de Prague.

Trois couples ont reçu le prix Nobel, et, comme par hasard, leurs noms riment et risquent d'être confondus: les époux Curie, en 1903, les époux Joliot-Curie, en 1935, et Gerty et Carl Cori, en 1947. Grâce aux époux Cori, le nombre des lauréats tchèques a augmenté pour arriver à celui de cinq: en 1905, le prix Nobel de la paix a été attribué à Bertha Kinsky-Suttner, romancière autrichienne née à Prague, en 1959, Jaroslav Heyrovsky a obtenu le prix Nobel de chimie et, en 1984, Jaroslav Seifert a été récompensé du prix Nobel de littérature.

Les époux Cori ont reçu, en 1947, le prix Nobel de médecine pour leur découverte de la transformation catalytique du glycogène, qui a marqué une contribution fondamentale à la connaissance du métabolisme des sacharides dans le corps humain. De quoi il s'agit? Le cours continu de l'énergie et des informations dans notre corps est assuré par l'ensemble des transformations chimiques et physiques dans tous les tissus de l'organisme vivant. Le sens, le déroulement, la rapidité et la coordination de ces transformations sont catalysés par plusieurs milliers d'agents catalytiques - les enzymes. La source énergétique essentielle des réactions métaboliques - ce sont les monosaccharides, dont la plus connue est le glucose. Des milliers de molécules de glucose composent le polysaccharide qui s'appelle le glycogène.

C'est en 1943, que les époux Cori ont réussi, en tant que premiers dans le monde, la synthèse du glycogène dans l'éprouvette. Le glycogène est emmagasiné, notamment, par le foie et les cellules musculaires. Par une réaction de l'acide phosphorique, le glycogène est dégradé: une molécule du glucose de la fin de sa chaîne s'unit avec l'acide phosphorique pour former l'ester du glucose appelé ester Cori. Le glucose du glycogène dégradé du foie est transporté par le sang dans les muscles. Ici, le glycogène est dérivé sous l'effet de l'adrénaline : le processus finit par la fission de chaque molécule du glucose en deux molécules de l'acide lactique, processus lors duquel l'énergie est débloquée. L'acide lactique est, de nouveau, emporté vers le foie en tant que substance pour une nouvelle synthèse du glycogène. Ce cycle métabolique entre le foie et le muscle est connu dans le monde entier en tant que cycle Cori.

Le nom Cori est d'origine italienne. Un comte, Corci, s'est réfugié, au XVIIème siècle, en Bohême. Au fil du temps, la consonne "c" a disparu du nom, pour donner Cori. Le père de Carl Cori, Carl Isidor, a fait des études de médecine à Prague. C'est ici qu'est né, le 5 décembre 1896, Carl Ferdinand, futur lauréat du prix Nobel. En 1914, il est entré à l'Université allemande de Prague.

Gerty Theresa, de son nom de famille Radnitz, est née le 15 août 1896, à Prague. En 1914, elle est allée, elle-aussi, faire des études de chimie à l'Université allemande de Prague, où elle a fait la connaissance de Carl Ferdinand.

Lui - Allemand pragois, elle - Juive pragoise, sont partis, tous deux, en Amérique. Le régime tchécoslovaque d'après-guerre, pour lequel ils étaient inadmissibles, a mis leur nom en sourdine. En 1966, l'année du 100ème anniversaire de la naissance des époux, le nom Cori a cessé d'être un tabou, bien que pour une période temporaire seulement. Après 1968, le régime normalisateur tchécoslovaque a, de nouveau, interdit toute mention sur les époux Cori. Ce n'est qu'en 1997, année du 50ème anniversaire de l'attribution du prix Nobel aux époux Cori, qu'on a organisé, à Prague, un séminaire sur ces seuls lauréats tchèques du prix Nobel de médecine. Or, la manifestation n'a retenu que l'intérêt des milieux initiés - quelques biochimistes, historiens et médecins. D'Amérique est arrivé alors leur fils, Carl Thomas Cori, auquel les parents avaient donné le prénom du premier Président tchécoslovaque. Ce n'est pas pour la première fois qu'il était à Prague, mais c'est pour la première fois qu'il a pu visiter les maisons natales de ses parents, et qu'il y a trouvé quelqu'un qui lui a parlé de toute cette histoire.

Le principal mérite en revient au docteur Pavel Cech qui a sorti des archives des témoignages sur les natifs célèbres de Prague. Pas à pas, il a reconstitué les traces des époux Cori à Prague, à base de témoignages qui l'avaient amené dans des écoles, des synagogues, dans des maisons de leurs proches et ancêtres et, finalement, sur les lieux les plus précieux: les maisons natales des Cori, qui se trouvent, toutes les deux, dans la Nouvelle-Ville de Prague.

L'histoire de Carl et Gerty aurait pu être tout à fait banale, comme des milliers d'autres. Ils se sont rencontrés à l'Université, ont décidé de se marier. La Première Guerre mondiale a porté un coup dur à leur union. Carl, recruté sur le front italien, a failli y perdre la vie. En 1920, ils ont terminé leurs études à l'Université de Prague. En août 1920, ils se sont mariés et ont commencé à travailler à Vienne. Carl comme pharmacologue, Gerty dans une clinique pédiatrique. Comme la Vienne d'après-guerre n'a pas été un lieu idyllique, les époux sont partis en Amérique. Ils y ont travaillé, d'abord, à l'Institut d'Etat de recherches des maladies malignes. En 1931, ils se sont installés à Saint-Louis. A l'Université Washington, ils se sont consacrés aux recherches du métabolisme des saccharides. Plus tard, ils ont dirigé l'Institut de pharmacologie et de biochimie.

Gerty Cori est morte en 1957, dix ans après avoir obtenu le prix Nobel. Jusqu'à 1977, elle a été la seule femme dans le monde récompensé du prix Nobel de médecine. Carl Cori, qui a travaillé après la mort de sa femme à l'Université Harvard, est mort en 1974.