« Les équipements tchèques peuvent nous aider à mieux contrôler notre frontière avec la Libye »
Les échanges entre les gouvernements tchèque et tunisien s’intensifient. Moins d’un mois après le passage à Prague du chef de la diplomatie Taïeb Baccouche, le ministre tunisien de la Défense et de la Justice par intérim a entamé à son tour, ce lundi, une visite de travail de trois jours en République tchèque. Si l’approfondissement de la coopération militaire, axe traditionnel des relations tchéco-tunisiennes, constitue un des principaux objets de la visite de Farhat Horchani, ce n’est cependant pas le seul. Frappée par le terrorisme et confrontée elle aussi à l’arrivée massive de migrants, la Tunisie, qui partage 500 kilomètres de frontière avec la Lybie, réclame une assistance. En échange, rare pays de la région stable politiquement, elle se propose d’être une porte d’accès sur un continent africain que les Tchèques connaissent mal. C’est tout cela que Farhat Horchani a rappelé au micro de Radio Prague :
« Evidemment, c’est une relation qui tombe à point, car la communauté internationale est confrontée à des défis majeurs. Le Nord comme le Sud, et quel que soit le niveau des pays, doivent faire face à un danger de type nouveau. Le terrorisme est certes quelque chose de très ancien, mais la manière dont il se déploie et progresse dans beaucoup de pays constitue une nouveauté. Nous allons continuer à discuter de la situation dans la région, en Syrie et surtout en Libye, avec laquelle la Tunisie possède des frontières. La Lybie vit une situation de non-gouvernance politique dans le sens où il n’y a pas de gouvernement d’unité nationale. C’est un pays qui est livré malheureusement à une forme de guerre civile. Nous allons donc nous efforcer de réaffirmer ce dont nous avons convenu récemment à Tunis, à savoir que, en Libye, seule une solution politique, politique dans le sens où les Libyens eux-mêmes sans intervention étrangère doivent trouver une solution, peut résoudre la situation difficile dans laquelle se trouve le peuple libyen et surtout empêcher la propagation du terrorisme, et ce aussi bien dans la rive sud de la Méditerranée que dans la rive nord. Car les auteurs des actes terroristes, que ce soit à Tunis, à Paris ou ailleurs, sont armés ou entraînés en Libye et en Syrie. C’est pourquoi il est primordial que nos deux pays, ainsi que tous les autres, trouvent une solution urgente à ce problème. »
Vous avez évoqué la frontière entre la Tunisie et la Libye. Quelle aide concrète dans ce domaine la République tchèque peut-elle vous apporter ?« Beaucoup de choses. Nous allons d’abord coopérer en matière de renseignement. Nous verrons dans quelle mesure nous pouvons coopérer dans le contrôle des frontières. Nous possédons une longue frontière avec la Libye et nous avons établi un système qui empêche le passage d’armes et la contrebande. Mais c’est un système qui exige un renforcement du contrôle sophistiqué, c’est-à-dire électronique ou autre. Les équipements tchèques pourraient donc compléter le système déjà en place. »
Le devoir de la communauté internationale est de ne pas abandonner le peuple syrien
Que pensez-vous de la position de la République tchèque concernant la crise migratoire ? Même si leur position tend à évoluer, les Tchèques restent réticents à l’accueil de migrants. Le comprenez-vous ?
« Chaque pays a ses propres contraintes et doit composer avec sa situation interne et ses capacités d’accueil. Nous comprenons donc qu’un pays puisse adopter et défendre une position ou une autre. Cela dit, la situation de la Syrie intéresse tout le monde. Il est évident que le fait que le peuple syrien quitte la Syrie n’est pas la solution. En même temps, des réfugiés ont fui ce pays et il faut d’abord chercher les raisons pour lesquelles nous en sommes arrivés là. Je pense que la communauté internationale n’a pas eu une bonne lecture de ce qui se passe en Syrie, ni en Libye d’ailleurs… On s’intéresse aux régimes qui sont en place, même s’ils sont odieux, mais on oublie ce qu’il y a après. C’est ce qui s’est passé en Libye. On a voulu faire tomber Kadhafi sans chercher à savoir ce qui pourrait se passer après. En Syrie, la communauté internationale n’a pas eu une bonne lecture parce que ses intérêts sont contradictoires. Cela a entraîné cette guerre et le flux de réfugiés. »« Maintenant, cela est devenu une question beaucoup plus humanitaire que politique. Et face aux questions humanitaires, la communauté internationale se doit d’être vigilante. Il y a des conventions internationales qu’il convient de respecter. Quand des réfugiés quittent leur pays, il faut trouver les moyens de les accueillir. Il y a parmi eux des femmes et des enfants qui risquent leur vie. Pour aucun homme, quitter sa maison et son pays n’est un acte facile. C’est pourquoi tous les pays qui sont limitrophes de près ou de loin à la Syrie doivent coordonner leur action pour à la fois bien gérer ce flux en fonction des capacités d’accueil et ne pas avoir des positions excessives. Il y a déjà eu des antécédents et des moments semblables dans l’histoire. Ce n’est pas la première fois qu’un peuple fuit son pays. Il y a eu d’autres mouvements de population semblables à celui auquel nous assistons actuellement et les pays d’accueil se sont adaptés. C’est pourquoi je pense que nous avons le devoir, et c’est d’ailleurs un devoir qui relève du droit international, de ne pas laisser tomber le peuple syrien. »
Suite de l’entretien avec Farhat Horchani dans nos Faits et événements mercredi.