Les frères Forman embarquent le clown français Bonavenuture Gacon sur leur bateau pour cinq représentations

'Par le boudu'

Le bateau Tajemství (« Mystère » en français) des frères Forman accueille cette semaine, à Prague, pour une série de cinq représentations le comédien français Bonaventure Gacon, et son spectacle ‘Par le boudu’ ; un monologue clownesque, drôle et émouvant, mais surtout pour adultes comme le signale le clown lui-même. Bonaventure Gacon et Petr Forman sont au micro de Radio Prague.

'Par le boudu'
Bonaventure Gacon : « Je joue ce spectacle depuis longtemps, surtout en France. A l’étranger c’est différent, parce qu’il y a un petit temps de retard, le temps de la traduction. Et par conséquent, ça me déstabilise un peu mais j’aime bien parce que ça fait comme un petit écho ; et surtout, ce que j’aime bien, c’est Petr, qui est un très bon comédien, et il y a une complicité qui fait qu’il me porte comme un porteur porterait son acrobate. »

On pourrait penser qu’il serait plus facile de faire un système de sous-titres, mais finalement, c’est assez intéressant d’écouter cette traduction et de vous voir jouer, parce que Petr Forman, vous jouez véritablement…

Petr Forman
Petr Forman : « On a travaillé pendant deux jours, essayé pas mal de choses. On savait que je pouvais me cacher, juste faire passer ma voix. Mais pour moi, c’est un plaisir d’être près de Bonaventure, même s’il me tape sur la tête. Et puis, c’est plus difficile pour lui parce que, après 500 ou 600 représentations, il est rôdé, précis. Il est lancé dans son spectacle, alors que là il est obligé de s’arrêter parfois en plein élan. Donc c’est dur pour lui mais j’espère que ça marche. »

Ca marche plutôt bien puisqu’il y a des jeux avec la langue, Bonaventure dit quelques mots en tchèque, ce qui amuse beaucoup le public. Quelle est la part d’improvisation dans votre échange ?

Bonaventure Gacon : « On a calé deux ou trois choses, puis on a laissé faire. Et c’est vrai que quand j’ai envie de le regarder, parce qu’il a dit un truc qui m’a touché, même si j’ai pas compris, ou que le mot est joli, alors je le regarde d’un air un peu étonné et Petr fait la même chose. Pour moi c’est très agréable parce que d’habitude je suis tout seul, mais là, j’ai vraiment un copain. »

Bonaventure Gacon, vous présentez un spectacle qui s’appelle ‘Par le boudu’ : ce sont des mots très énigmatiques… Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

'Par le boudu'
Bonaventure Gacon : « Bonaventure est mon prénom et Gacon est une partie de mon nom de famille. Et ‘Par le boudu’, c’est le titre de mon spectacle. Comme ça parle de la fin, du bout, du rien, du tout seul, d’avoir une chose un peu qui s’en va, une fuite en avant. Ca fait aussi ‘Parle Boudu’, et Boudu, c’est le nom du personnage. Il y avait un petit clin d’œil pour le film ‘Boudu sauvé des eaux’ de Renoir. »

Le spectacle est l’histoire d’un sans domicile fixe. Pourquoi ce personnage ?

Bonaventure Gacon : « Je n’ai pas voulu spécialement faire un clochard ou un SDF. J’aime bien les spectacles ou ce qui se passe n’est pas très clair. Les gens font ainsi leur petite musique eux-mêmes avec tout cela. Pour moi, c’est un ogre, qui se retrouve tout seul. Il n’a pas trop à manger, il est un peu triste, alors il s’invente des histoires dont on ne sait pas si elles sont vraies ou pas. Ca parle beaucoup de solitude mais en même temps, j’ai essayé que ça fasse un peu le contrepoint parce qu’un clown qui est juste triste, ce n’est pas normal, mais un clown qui est juste drôle, ce n’est pas normal non plus. J’espère que l’on n’y voit pas qu’un SDF qui se raconte. Il y a aussi une entité derrière, quelque chose d’un peu archaïque, d’un ogre qui veut en fait parler d’amour et de la vie, mais qui est un peu maladroit, alors il en parle comme il peut. »

Et vous, Petr Forman, comment voyez-vous le personnage ?

Photo: Anne-Claire Veluire
Petr Forman : « J’adore parce que ça nous estomaque ! A mon avis, en République tchèque, on commence à être un peu conservateur dans nos visions de ce qu’est le théâtre. En général, il y a ici beaucoup de théâtre classique, et le théâtre de rue commence un peu. Il y a de la concurrence, mais ce qu’apporte Bonaventure, on ne l’a pas ! Il y avait Bolek Polívka, il y avait Ctibor Turba, une vague de gens qui ont poussé cette catégorie de théâtre, mais en ce moment, il n’y a pas grand-chose. La raison pour laquelle j’ai demandé à Bonaventure de venir, c’est aussi pour montrer comment tout seul, avec un texte qu’il a écrit lui-même, avec très peu de choses, une chaise, une table, et avec sa présence et son cœur, il peut faire un spectacle comme ça. »

Photos : Anne-Claire Veluire