Les héros oubliés

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Ils ont combattu héroïquement contre le nazisme, sans que les hommages qui leur étaient dus leur aient été rendus. Il s’agit des antifascistes allemands sur le territoire de l’ancienne Tchécoslovaquie dont les destins sont tombés dans l’oubli et qui viennent seulement d’obtenir une satisfaction morale.

La recherche d’une catharsis individuelle, plus de 60 ans après, est l’objectif d’un projet né en août 2005 à l’initiative du chef du parti social-démocrate Jiri Paroubek, alors Premier ministre. Plusieurs institutions, dont l’Institut d’histoire moderne de l’Académie des sciences, le Musée de la ville d’Usti nad Labem, les Archives nationales et l’ONG Collegium Bohemicum collaborent à ce projet qui porte un titre long mais éloquent : « La documentation des destinées des adversaires actifs du nazisme qui, après la fin de la guerre, ont été durement frappés par les mesures prises à l’égard de la population dite ennemi en Tchécoslovaquie d’alors. »

Le but du projet est de réunir les témoignages sur la vie des antifascistes citoyens de la Tchécoslovaquie de nationalité allemande, d’étudier ce thème et de familiariser le grand public. La première présentation des résultats de ces travaux de plus de deux ans a eu lieu, vendredi dernier, dans la ville d’Usti nad Labem. On écoute Jan Kocian de l’Institut d’histoire moderne :

« Nous réunissons des témoignages non seulement sur les antifascistes allemands politiquement actifs mais aussi sur les sociaux-démocrates, les communistes, les chrétiens-démocrates, les libéraux, les ecclésiastiques et les Allemands qui, dans leur comportement quotidien, n’ont pas eu peur de manifester leurs positions et leurs pensées antinazies. Plus de 100 personnes, témoins des événements d’alors, de République tchèque, d’Allemagne, de Suède, du Canada et de Grande-Bretagne ont réagi à notre appel invitant à apporter leur témoignage. »

Au lieu d’être reconnus pour leur courage après la guerre, les antifascistes allemands durent prouver devant les autorités tchécoslovaques leurs positions, dit Vaclav Houfek du Musée d’Usti nad Labem :

« Ces personnes ont été obligées de se soumettre à des procédures administratives très sévères et compliquées afin d’obtenir le statut officiel d’antifasciste sans lequel ils ne pouvaient pas obtenir la nationalité tchécoslovaque. Beaucoup n’ont même pas demandé et ont été déplacés dans des zones d’occupation est et ouest en Allemagne et en Autriche. Ceux qui voulaient rester ont été obligés de fournir des témoignages et des documents aux autorités dont la seule langue officielle était le tchèque. En dépit de cela, entre 130 000 et 150 000 personnes ont obtenu le statut d’antifasciste. C’étaient des personnes qui ont survécu à la guerre et au transfert sauvage… »

Les destinées de ces personnes seront rappelées par une exposition inaugurée à Usti nad Labem, ainsi que par une base de données qui comprend actuellement près de 65 000 données biographiques sur la vie d’antifascistes allemands en Tchécoslovaquie d’avant, d’après et pendant la guerre.