Les légendaires Plastic People of the Universe sortent un nouvel album
Quelques jours avant Noël, le groupe The Plastic People of the Universe a sorti un nouvel album, qui sera « baptisé » avec deux concerts ; le premier le vendredi 15 janvier au Queen Elisabeth Hall, à Londres en Angleterre, et le 26 janvier prochain au Palac Akropolis, la célèbre salle du quartier de Žižkov, à Prague. Les Plastic people est un groupe légendaire en République tchèque, pas tant pour sa musique que pour le rôle qu’il a joué dans la création de la Charte 77 – un rôle qu’ils disent souvent involontaire, mais les Plastic restent encore et toujours des insoumis.
En mars 1976, tous les membres du groupe des Plastic People of the Universe et de nombreux autres musiciens sont arrêtés par la police tchécoslovaque pour avoir organisé différentes manifestations culturelles ou musicales sans autorisation. La plupart sont relâchés en avril mais un procès, au début de l’été, à Plzeň, sera mené contre certains des membres les plus importants de ce mouvement dit underground. Le saxophoniste Vratislav Brabenec est condamné alors à huit mois de prison ; Ivan Martin Jirous, le directeur artistique du groupe et idéologue de l’underground tchèque à dix-huit mois. C’est ce procès qui a poussé Václav Havel, scandalisé par l’arbitraire des arrestations et des condamnations, à lancer, avec d’autres intellectuels, la Charte 77.
Pour autant, les Plastic People ne se sont jamais considérés comme des opposants. A l’exception d’un texte rédigé par František Vaněček, intitulé « 100 points », les paroles de leurs chansons ne sont jamais explicitement politiques. Ce qui dérange le régime, c’est le style de vie de ces musiciens, leurs influences musicales puisées dans la musique underground américaine, leur revendication à vivre libres, à pratiquer simplement la musique qui leur plaît. Mais cette musique est jugée morbide et décadente, et le pouvoir craint la mauvaise influence qu’elle peut avoir sur la jeunesse.Le groupe est dissous au début des années 1980 quand Vrastislav Brabenec, le saxophoniste, émigre au Canada. Il ne se reformera qu’en 1997, quand Václav Havel, alors au château, leur demande de venir jouer quelques-uns de leurs morceaux pour célébrer le 20e anniversaire de la Charte 77.
Depuis plus de dix ans maintenant, les légendaires Plastic People of the Universe ont repris la route des salles de concert. Mais cet album, sorti volontairement à la fin de l’année 2009 pour célébrer l’anniversaire de la révolution de velours, est le premier réalisé depuis la mort de Milan/Mejla Hlavsa, en 2001, le fondateur et ancien leader du groupe. Ce qui constitue forcément une nouvelle étape dans l’histoire du groupe, qui reste néanmoins encore endeuillé, comme le fait sentir Josef Janíček, le pianiste des Plastic :« Quand Mejla est mort, il y avait encore cinq chansons qui n’avaient pas été enregistrées. Donc nous les avons enregistrées et avons ajouté d’autres. Donc Mejla ne jouait pas mais c’était encore ses chansons. C’était en 2002. Et sur cet album, il n’y a plus aucune chanson de Mejla. De ce point de vue, Mejla manque. Il y a une chanson, très longue, qui commence de façon instrumentale, qui a été jouée plusieurs fois avec Mejla mais il n’y a plus vraiment de chansons de lui. »
La plupart des chansons ont été écrites par Joe Karafiát, le guitariste, et Eva Turnová, la bassiste. Les textes proviennent de poésies écrites par J. H. Krchovský, Ivan Jirous, et surtout Vratislav Brabenec, le saxophoniste, du groupe. On l’écoute :
« Ce sont des promenades à travers le monde, ce sont parfois des douleurs, parfois des bonheurs. Ça parle d’amour naturellement – si tu es poète, bon sang, sur quoi peux-tu écrire d’autre ? Ça parle des femmes, et de la mort. Je serais heureux si on comprenait nos rapports avec la terre. Je vais dire des conneries mais cette relation est avec les femmes, avec sa mère, avec son pays, pour que l’on soit responsable, qu’on ne se comporte pas comme des porcs. Je ne suis pas un chanteur protestataire pour dire des bêtises. La musique est une chose magnifique et en même temps ce devrait être une prière – une prière pour le cosmos, pour les paysages, pour tout. » Malgré la mort de Milan Hlavsa, les Plastic People restent les Plastic People, donnant ce sentiment d’écorchés vifs, un peu farfelus, bon vivants également. Ils sont surtout célèbres pour leur passé de dissidents, qu’ils racontent par ailleurs bien volontiers, ainsi que les nombreuses anecdotes que leur destin incroyable leur a fait vivre, passant de concerts clandestins dans les petites villages de Bohême à des concerts devant Bill Clinton ou le roi de Thaïlande.Mais ils restent fidèles à leur musique toujours un peu noire, accompagnée du saxophone tourmenté de Vratislav Brabenec, devant laquelle ils gardent toute leur humilité.