Les origines des Tchèques - les mythes et les faits
Selon la légende, les Tchèques sont les descendants de l'ancêtre Cech, venu vers le VIe siècle, à la tête d'une tribu slave s'installer dans la cuvette de Bohême. En réalité, les Tchèques sont une nation mixte, avec des éléments slaves, celtes, germaniques, juifs, dit l'historien Dusan Trestik, spécialiste du moyen-âge précoce tchèque et européen et auteur d'une série de publications. Voici quelques-unes de ses révélations les plus intéressantes qu'il vient de publier et qui concernent les Tchèques et leur origine.
A la question de savoir comment les différentes vagues de migration se sont succédées, Dusan Trestik répond: Vers l'an 500 avant notre ère, la tribu celte des Boiohemum vient s'installer ici et donne, probablement, le nom au pays - la Bohême. Les tribus germaniques dominent l'espace depuis le 1er siècle. La migration des peuples est caractéristique des IVe et Ve siècles. Les Slaves avancent vers 530, de l'Est vers l'Occident, pour s'installer dans les espaces abandonnés par les tribus germaniques. La deuxième étape de l'arrivée des Slaves de la Panonie - actuelle Hongrie, alors une province romaine, se situe au début du VIIe siècle. Le nombre des premiers Slaves est évalué à 100 000. Lorsqu'ils sont arrivés, les Celtes étaient déjà partis. Sous la pression des Avares, les tribus slaves se sont unies pour former une tribu dénommée les Tchèques. La langue tchèque n'existait pas, à l'époque, les Slaves parlaient entre eux une langue unique. Au XIIe siècle encore, Tchèques et Polonais se comprenaient sans problème.
Quant aux migrations suivantes, l'historien précise que des missions chrétiennes de Bavière, de Passau et de Salzbourg se sont dirigées vers notre territoire au IXe siècle. Les Juifs commencent à s'y installer dès le début du Xe siècle. Prague était à l'époque un centre commercial très animé. Surtout le commerce des esclaves y florissait. La naissance et l'essor de l'Etat tchèque ont été payés avec les esclaves que les Tchèques avaient capturés quelque part en Silésie et en Galicie pour les vendre, contre des bénéfices énormes, aux commerçants juifs et arabes à Prague, affirme Dusan Trestik. Il estime le prix de l'Etat tchèque, à 10 000 esclaves. L'armée, sans laquelle l'Etat tchèque ne serait pas créé, a eu, en effet, besoin de 10 000 esclaves pour renforcer ses effectifs comptant 3000 combattants. On connaît l'endroit où se trouvait le marché des esclaves, c'était dans le quartier de Mala Strana, tout juste derrière le pont Charles, précise Dusan Trestik, en regrettant qu'une plaque ne marque pas le lieu...
Comment était Prague du Xe siècle? Il découle des documents historiques que Prague a été à cette époque-là une ville multinationale. Outre les Arabes et les Juifs, on y trouvait les Bavarois, les Saxons, les Souabes, ainsi que par ex. les Vikings venus de la région des Baltes. Les différents peuples se mélangeaient entre eux, seuls les Juifs se tenaient à l'écart, leur assimilation n'a commencé qu'au XIXe siècle. Une forte communauté juive avec une synagogue se trouvait à Prague déjà au XIe siècle. Les Juifs se sont vite assurés une forte position, du fait qu'ils apportaient un soutien financier important aux souverains. Plusieurs fois dans le courant des siècles, ils faisaient face à la violence, étaient chassés et de nouveau invités à retourner.
La frontière entre Tchèques et Allemands n'a jamais été aussi aiguë que celle entre Tchèques et Juifs. La coexistence tchéco-allemande est aussi longue que l'histoire de notre pays. Chose curieuse, les Allemands du pays tchèque se considéraient eux-mêmes être un autre peuple que les Allemands en dehors de la frontière. Leur coexistence peut être qualifiée de paisible depuis le XIIIe jusqu'au XVIIIe siècle. Ensuite, le nationalisme est apparu, d'abord le nationalisme allemand, suivi du mouvement patriotique tchèque basé sur la défense de la langue. Deux sociétés parallèles ont commencé à se créer en Bohême.D'autres communautés viennent s'installer dans le royaume de Bohême. Sous Rodolphe II, au XVIe siècle, c'était des artistes italiens - bâtisseurs, sculpteurs, peintres, tailleurs de pierre, mais aussi des ramoneurs. Les Français qui se sont fixé dans notre pays y étaient venus en tant que servants de la haute noblesse. La période postérieure à la bataille de Trente ans, 1627 - 1656 est celle de l'installation de familles aristocratiques européennes, des Gallas, Piccolomini, Clary, Buquoy. Beaucoup de soldats français sont restés en Moravie du sud après les guerres napoléoniennes. Une vague de migrants russes et ukrainiens a atteint notre pays après la révolution socialiste en Russie de 1917. Une importante communauté grecque est venue repeupler le territoire des Sudètes, au nord de la Moravie, resté désert après le transferts des Allemands. Les seuls qui ne se soient jamais fixé, les Roms. Venus dans notre pays au milieu du XIIIe siècle, ils sont restés un peuple nomade. Une tentative en vue de les fixer et les assimiler, en 1950, a été un acte forcé et insensible à leur égard et en tant que tel, il a échoué, dit Dusan Trestik.
A la question de savoir, dans quelle mesure, l'origine biologique est-elle décisive pour la recherche de l'identité nationale, l'historien conclut que ce n'est pas une question du sang. Car les Tchèques, comme d'ailleurs pratiquement tous les peuples européens, à l'exception, peut-être, des Islandais, sont un peuple mixte.