Les partisans mis en prison ou exécutés, effacés de la mémoire ?
Les partisans tchécoslovaques, héros de la Deuxième Guerre mondiale, ont été d'abord vénérés par le régime communiste. Mais pas pour très longtemps. Les dernières découvertes d'historiens tchèques permettent de constater et de confirmer que beaucoup d'entre eux ont fini dans des geôles, dont certains ont été exécutés. Une récente édition du journal MfD se consacre à ce triste chapitre de l'histoire du pays.
Le Tchèque Josef Trojan et le Slovaque Viliam Zingor étaient des commandants légendaires de la résistance contre les nazis. Extrêmement courageux, ils n'ont jamais donné signe de lâcheté ni de défaillance, même dans les combats les plus rudes... Au début des années cinquante, dans des procès montés de toute pièce, ils ont été accusés de multiples crimes, dont espionnage, haute trahison et vie incompatible avec la morale socialiste. Tous deux ont été condamnés à la peine capitale et exécutés.
Ils n'étaient pas les seuls. MfD rappelle d'autres partisans ou résistants - Josef Brunovsky, Michal Secansky, Ernest Bielik et d'autres - qui, à l'image des deux commandants cités, ont été exécutés ou ont purgé de longues années en prison. Leurs noms sont tombés dans un oubli total ou quasi total.
Un oubli que les historiens tchèques tentent dorénavant de rompre par des travaux d'investigation dans les archives. « Beaucoup de surprises « dorment » encore dans les archives », dit l'historien Zdenek Valis et d'ajouter : « Le problème c'est que nous ne savons pas toujours mener les recherches comme il faut ».
N'empêche que celles-ci commencent à mettre à jour la vérité sur des dizaines d'être humains à des destins dramatiques, dont beaucoup étaient liées à l'Insurrection nationale slovaque, période tellement chère au régime communiste.
Pourquoi le régime communiste voulait-il se débarrasser des meilleurs parmi les partisans et les condamner en tant qu' »agents de l'impérialisme »? L'historien Zdenek Valis estime :
« N'oublions pas qu'on a vu accéder au pouvoir des gens simples voire primitifs qui détestaient et souhaitaient éliminer tout un chacun qui dépassait leurs horizons. L'avidité patrimoniale a pu y jouer, aussi, un certain rôle ».
Le journal MfD cite aussi l'historien Eduard Stehlik :
« L'une des explications c'est que les comandants des brigades de partisans tchécoslovaques étaient des personnalités très fortes, habituées à défendre leurs opinions et qui n'hésitaient pas à les déclarer à haute voix. Il va de soi que le régime communiste les craignait : ils avaient déjà fait preuve de leur engouement pour la liberté et la démocratie, valeurs pour lesquelles ils étaient prêts à aller se battre... on peut dire qu'ils représentaient un danger mortel pour le régime communiste ».
La vie de Viliam Zingor semble confirmer ces paroles... En 1949, un an après le putsch communiste, cet ancien commandant, déçu par l'évolution dans le pays, se réfugie de nouveau en montagne, entouré d'un groupe de camarades de combat. Une résistance qui n'est pas de longue haleine : il est arrêté au bout d'une vaste opération lancée par les communistes et condamné à la mort. Le verdict est exécuté le 18 décembre 1950.
Sous le communisme, les noms des dizaines d'anciens partisans et combattants contre le nazisme ont été effacés de la mémoire. Combler cette lacune s'annonce comme l'une des tâches de l'histoire contemporaine du pays...
Et que pense des défis de la jeune génération d'historiens tchèque l'historien français Bernard Michel, connaisseur intime de l'histoire tchécoslovaque? Je lui ai posé la question lors de son récent séjour, à Prague.
« D'abord, il faut qu'ils adoptent ce qu'il y a de plus moderne dans notre méthodologie. Il y a une manière de faire de l'histoire qui a changé depuis vingt ou trente ans et il faut qu'ils en soient conscients. Cela veut dire que les traductions méthodologiques devraient être plus importantes qu'elles ne le sont et porter en même temps sur des ouvrages qui soient vraiment formateurs, parce qu'on traduit des livres français un peu par hasard. Certains apportent vraiment quelque chose, d'autres beaucoup moins. On n'a pas tellement besoin de monographies, mais il faut surtout des livres qui soient fondés sur une nouvelle approche méthodologique, car celle-ci n'existait pas sous le communisme et c'est ce que les jeunes historiens tchèques doivent apprendre ».