Les présidentielles en France à la lumière de la presse tchèque
Cette semaine, la presse tchèque a réservé une grande place à la décision du Président Jacques Chirac de ne pas briguer un troisième mandat. Nous avons retenu quelques réactions à la fin annoncée de l'ère Chirac et lu des commentaires qui s'interrogent sur les enjeux des élections présidentielles en France.
Le bilan dressé par le journal mentionné n'est pas particulièrement favorable, tant en ce qui concerne la politique internationale que sur la scène nationale. « Le moteur de l'union franco-allemande Kohl-Mitterand qui marchait comme le moteur d'une nouvelle Mercedes s'est coincé avec le couple Chirac-Schröder tel le moteur d'une Peugeot usée », peut-on lire dans ses pages. D'un autre côté, le journal apprécie que le président Chirac ait su défendre avec persévérance ses positions. A titre d'exemple, il cite la loi interdisant le négationnisme du génocide arménien par les Turcs ou la guerre en Irak, dont il est, comme tout le monde le sait, l'un des principaux adversaires.
A propos de la politique intérieure, le quotidien écrit : « Pendant le deuxième mandat de Jacques Chirac, l'économie du pays a stagné et le scepticisme s'est proliféré comme une épidémie pour se traduire par le refus du Traité constitutionnel... Le président vieillissant n'était plus à même de mettre en oeuvre les réformes réclamées. »
L'édition de lundi du quotidien économique Hospodarske noviny publie un article en première page dans lequel on peut lire : «Une ère prend fin. La politique européenne voit partir l'homme qui a été le témoin de la Guerre froide, de la chute du Mur de Berlin, ainsi que de la lutte contre le terrorisme ». Et il s'interroge : « Le départ de Chirac changera-t-il la France ?»
N'aspirant pas, bien sûr, à donner une réponse univoque à cette question, le journal écrit tout de même que « les successeurs potentiels de Chirac promettent à la France un changement et veulent mener une politique différente ». Ce serait vrai aussi bien pour Nicolas Sarkozy que pour Ségolène Royal, d'ailleurs les seuls candidats présidentiels que HN évoque. Celui-ci se réfère en outre au journal Le Monde pour affirmer « qu'il existe un espace pour des impulsions dans la période post-chiraquienne, impulsions que pourrait ressentir même l'Europe centrale ».L'ensemble des journaux tchèques ne manque pas l'occasion de rappeler les déclarations que le président français avait faites à l'adresse des nouveaux pays membres de l'Union européenne, au moment du conflit transatlantique en rapport avec l'invasion américaine en Irak. « Ces pays auraient mieux fait de se taire », avait-il alors dit. Selon le quotidien Hospodarske noviny, c'est avec ces déclarations - un peu injustement, estime-t-il - que Jacques Chirac s'est gravé dans la mémoire générale en République tchèque. Et de rappeler que son prédécesseur François Mitterrand y est notamment connu comme l'homme politique qui avait offert dans les années quatre-vingts, donc sous la dure « normalisation » communiste, à l'Ambassade de France à Prague, un petit déjeuner aux dissidents tchécoslovaques, avec à leur tête Vaclav Havel.
Hospodarske noviny est le seul journal à parler, à l'occasion du départ de Jacques Chirac de la scène politique, aussi, de son épouse, Bernadette, pour la présenter comme une personne qui a d'abord fait l'objet d'émissions satiriques pour devenir au fur et à mesure une conseillère fort respectée du président. Il fait également mention du rôle politique de l'une des deux filles du couple présidentiel, Claude Chirac.
Dans un commentaire consacré à la fin de la carrière politique du Président français Jacques Chirac, le quotidien de gauche Pravo met en relief certains points forts de son message : refus de l'extrémisme, du racisme et de l'antisémitisme, appel à l'unité, à la tolérance et au dialogue entre populations et cultures.
Il souligne également que Jacques Chirac n'a encore exprimé son soutien à aucun des candidats, pas même au candidat de la droite, Nicolas Sarkozy. Pravo informe également de la montée de François Bayrou, qui est présenté comme le « troisième » candidat présidentiel derrière le fameux tandem de rivaux Sarkozy - Royal et qui est jusque-là peu connu du public tchèque.Le phénomène est retenu également dans l'hebdomadaire Literarni noviny, Journal littéraire. Dans un article intitulé « Chance pour celui qui est en troisième position », nous pouvons lire :
« Nous sommes témoin d'un événement sans précédent dans l'histoire française moderne. Le troisième candidat que les médias ont eu très longtemps tendance à ignorer, ne cesse d'attirer de nouveaux sympathisants. En l'espace de quelques semaines, François Bayrou, président de l'UDF, a doublé ses intentions de vote... »
L'auteur de l'article considère que ce qui frappe, plus encore que cette croissance de la popularité, est le fait que Bayrou n'ait fait aucune grande déclaration ces derniers temps, sauf une critique formulée à l'adresse des médias. « Il a renoncé aux querelles, il refuse la presse à sensation, il ne provoque pas », écrit-il pour conclure : « En attendant la date du 22 avril qui e« Bayrou doit son ascension en premier lieu à l'idée qu'il faut désormais surmonter la rivalité traditionnelle entre la gauche et la droite au profit d'une grande coalition. La crise de la société française est effectivement profonde... Sur le plan verbal, la campagne présidentielle n'évite aucun problème, mais comme la France se trouve dans une impasse, ce n'est pas assez ».st encore assez éloignée, il ne faut surtout pas sous-estimer les possibilités et le champ d'action de Bayrou ».
Le même hebdomadaire publie aussi la réflexion d'un étudiant tchèque à l'Université de Rouen qui critique la campagne présidentielle française telle qu'elle est pratiquée par ses deux principaux protagonistes. Il estime que Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal ont rarement recours à un duel d'arguments ou de visions et qu'ils se concentrent trop sur leur « image ».« Remettre la France sur pied ». C'est sous ce titre que l'hebdomadaire Respekt informe de la campagne présidentielle en France et des chances des différents candidats. Il tourne lui aussi l'attention vers le « phénomène Bayrou ». A propos de celui qu'il présente comme un politicien « discret », il écrit :
« Bayrou doit son ascension en premier lieu à l'idée qu'il faut désormais surmonter la rivalité traditionnelle entre la gauche et la droite au profit d'une grande coalition. La crise de la société française est effectivement profonde... Sur le plan verbal, la campagne présidentielle n'évite aucun problème, mais comme la France se trouve dans une impasse, ce n'est pas assez ».
Et le quotidien Lidove noviny pour conclure : dans un article paru dans son édition de ce jeudi et sous-titré « Le scepticisme règne en France. Les gens ne croient ni la droite ni la gauche », son auteur informe, entre autres, de la fraîche candidature de Jean-Marie le Pen...