Les « Quelques phrases » qui ont auguré la chute du régime communiste
Quinze ans se sont écoulés depuis le lancement du manifeste Quelques phrases, un important prélude à la chute du régime communiste, en novembre 1989. Alena Gebertova.
La léthargie dans laquelle la société tchécoslovaque a plongé après l'écrasement du Printemps de Prague et l'occupation du pays par les chars soviétiques, en août 1968, a duré une vingtaine d'années. Pendant la période de « normalisation », le drapeau de la résistance active contre le régime communiste a été porté presque exclusivement par les dissidents. Le climat au sein de la société a commencé à changer dans la seconde moitié des années quatre-vingts pour culminer en 1989. Manifestations, pétitions, lettres adressées aux autorités communistes, grèves de la faim, autant de signes de mécontentement des citoyens tchécoslovaques. On se souvient notamment de la semaine « Palach », une série de manifestations qui s'est déroulée en janvier 89, contre laquelle le régime est intervenu avec une grande brutalité et qui a valu une nouvelle arrestation à Vaclav Havel. Libéré, ce dernier a estimé que le temps était venu d'engager, dans la critique du régime, des couches plus larges de la population, celles que l'on appellera « la zone grise ». C'est dans ce but qu'a été conçue, peu après, la pétition Quelques phrases, dont le texte a été lu le 22 juin 1989 sur les ondes d'Europe libre, et publié, une semaine plus tard, sur les pages de Lidove noviny, journal de samizdat. Elle a formulé des revendications politiques très concrètes: la libération des prisonniers politiques, la reconnaissance des initiatives civiques indépendantes, l'abolition de la censure, l'autorisation des journaux indépendants, le respect des libertés. Indirectement, la pétition invitait la direction du parti, responsable de l'évolution dans le pays, à démissionner... Dès sa publication, le texte de Quelques phrases s'est vite répandu parmi la population. Ainsi, des signatures y ont été apposées par près de 30 000 personnes, personnalités connues de la vie culturelle et scientifique, ainsi que par des étudiants, ouvriers et autres. Le pouvoir a qualifié la pétition de « pamphlet antisocialiste et subversif ». Mais comme le régime communiste se trouvait dans un isolement de plus en plus profond, la campagne qu'il a déclenchée a été relativement faible par rapport aux représailles des années précédentes.
Pour les dissidents, la pétition Quelques phrases était synonyme d'un événement majeur. Pour beaucoup d'autres, c'était une première occasion d'oser lever la tête et de manifester ouvertement leurs sympathies à l'opposition et leur hostilité au régime. « Ils étaient plus nombreux que l'on ne l'espérait », dit aujourd'hui Alexander Vondra, l'un des promoteurs du manifeste.