Les rituels de la normalisation : entre Spartakiades et quotidien

Photo: CTK

La galerie de l’ancien hôtel de ville de Prague propose jusqu’au 14 août une exposition intitulée « Les rituels de la normalisation ». Il s’agit de photographies réalisées dans les années 1970 et 1980 par la photographe tchèque Dana Kyndrová, également disponible sous forme de livre. Elle a répondu aux questions de Radio Prague:

Dana Kyndrová,  photo: CTK
« La normalisation, c’est la période qui a suivi l’entrée de l’armée soviétique en 1968 en Tchécoslovaquie. C’est un terme un peu paradoxal, parce que ‘normalisation’ signifiait que la situation redevenait normale, or pour nous rien de tout cela n’était normal. Ici, je présente les manifestations communistes comme le 1er mai, ou encore les Spartakiades, ces grands rassemblements gymnastiques en soutien du pouvoir, puis les manifestations à l’occasion de la révolution d’octobre. La fin du projet et du livre, c’est la révolution de velours. »

Revenons sur ces années grises qui ont précédé la révolution de velours et succédé à l’invasion soviétique : comment avez-vous pu photographier toutes ces manifestations ? Vous n’avez pas eu de problème ?

Photo: CTK
« J’étais beaucoup plus jeune, donc ça n’a pas posé de problème : je jouais à l’étudiante naïve qui faisait des photos pour un travail universitaire. C’était un peu du théâtre. En plus, je suis une femme or sous le système communiste, les femmes n’étaient pas considérées comme dangereuses. »

Ce qui est intéressant c’est que vous présentez ces rituels très organisés, mais vous montrez aussi des rituels plus quotidiens de la vie des Tchèques : le bal du baccalauréat, la semaine de révision avant le bac…

Photo: CTK
« On ne peut pas présenter que les manifestations, c’est un peu trop. Il fallait mettre des choses plus calmes, comme la vie quotidienne qui était grise. Je pense que c’était bien de montrer aussi les rituels personnels comme le bac, ou encore Noël. C’était une fête très importante sous le communisme : ce n’était pas très spirituel, mais plutôt une fête pour tout le monde. Ca changeait du quotidien : on était chez soi et donc un peu libre. »

On voit comme ça une des photos où les gens semblent s’arracher un arbre de Noël ou encore un marché qui vend des bananes, un fruit qu’on ne trouvait pas au quotidien…

« Partout, il y avait des queues, même pour les sapins de Noël. C’était comme ça. Même pour avoir du papier toilette, il fallait faire la queue. »

Photo: CTK
Aujourd’hui, tant d’années après, que suscitent en vous toutes ces photos ?

« Je connais ces photos comme mes enfants, donc ça ne suscite pas grand-chose en moi. Mais ce qui m’intéresse c’est de voir les réactions des gens à l’exposition. C’est très important, je vois que mon travail vaut la peine. »

Quelles sont les réactions des gens, des touristes et des Tchèques ?

« Pas mal de Tchèques qui ont émigré viennent et sont ravis. Une fois, une dame a pleuré. Je lui ai demandé pourquoi et elle m’a répondu : ‘Quand je vois où j’ai laissé ma mère alors que je suis partie pour les Etats-Unis ! C’était terrible !’ »