Les Tchèques indécis au sein d’une Europe qui réaffirme son avenir commun

Photo: ČTK

« Ce moment solennel nous a permis de redéfinir ce que nous avons en commun : nous avons les mêmes racines, nous partageons les mêmes valeurs, nous avons aussi une histoire commune, même si, par le passé, cette histoire nous a souvent opposés », a dit le chef du gouvernement tchèque Bohuslav Sobotka après avoir signé, samedi dernier, aux côtés des vingt-six autres dirigeants européens, la Déclaration de Rome.

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L’émotion était au rendez-vous : le Premier ministre a tenu à rappeler qu’au moment de la signature du texte fondateur d’une Europe unie, la République tchèque observait le lancement de l’aventure européenne de très loin, de l’autre côté du Rideau de fer. Certes, Bohuslav Sobotka s’est félicité, au sommet de Rome, du fait que les Tchèques puissent aujourd’hui apporter leur pierre à la construction européenne et prendre la parole dans le débat sur le nouveau visage de l’Union, déstabilisée et affaiblie par de multiples crises. Reste toutefois à savoir qu’elles sont les véritables priorités de la République tchèque, et quelle sera sa place dans cette « nouvelle Europe » dont les contours se dessineront lors des deux prochaines années, avant que le Royaume-Uni ne la quitte définitivement.

En toile de fond du sommet de Rome, les futures négociations sur le Brexit seront « une épreuve très dure pour l’UE », selon Bohuslav Sobotka. Mais celui-ci ne s’attend pas à ce que la position des pays n’appartenant pas à la zone euro soit affaiblie après le départ du Royaume-Uni. Celui-ci aura toutefois des conséquences pour la République tchèque :

« Nous avons en commun avec les Britanniques des opinions très proches sur un certain nombre de dossiers, qu’il s’agisse de la sécurité, du fonctionnement et de l’efficacité du marché unique, ou de la politique commerciale de l’Union européenne. C’est un partenaire proche qui nous manquera au sein de l’Union. »

Autre crainte qui persiste côté tchèque, et qui est partagée par les autres pays centre-européens du groupe de Visegrad : le concept d’une Europe à plusieurs vitesses. Cette idée portée par Berlin et Paris est aussi évoquée dans la Déclaration de Rome comme une possibilité de resserrer les liens entre les pays qui le souhaitent dans tous les domaines de leur choix. Bohuslav Sobotka :

Bohuslav Sobotka a signé,  aux côtés des vingt-six autres dirigeants européens,  la Déclaration de Rome,  photo: ČTK
« Je pense que la République tchèque devrait toujours agir en harmonie avec ses intérêts nationaux, dans l’intérêt de ses citoyens. Nous devrions nous demander si telle ou telle forme de coopération renforcée est avantageuse pour nous. (…) Il est important que cette possibilité de coopération renforcée soit ouverte à tous, pour que n’importe quel pays puisse rejoindre les Etats membres qui ont choisi cette voie. »

Comme le rappelle le quotidien Hospodářské noviny, la République tchèque craint notamment que cette coopération plus étroite entre un noyau dur de pays fondateurs de l’UE menace l’unité intérieure du marché européen, dont les avantages sont d’une importance capitale pour l’économie tchèque. Le journal économique constate que la Déclaration de Rome est basée sur les engagements déjà répétés à plusieurs reprises par les dirigeants européens : des engagements portant sur une Europe unifiée, sociale et basée sur un développement durable, une Europe plus forte sur la scène internationale et plus sûre. Pour sa part, Bohuslav Sobotka s’est félicité du fait que certaines des priorités qu’a fait valoir la République tchèque, telles que la protection des frontières extérieures ou encore la lutte commune contre le terrorisme et le crime organisé, figurent dans la Déclaration.

Une question reste pour l’instant sans réponse, à savoir quelle sera la participation tchèque au débat sur l’avenir de l’Union européenne. Le politologue Michal Kořan, de l’Institut des relations internationales, estime que le pays ne dispose actuellement d’aucun homme politique susceptible de définir clairement les intérêts et les attentes tchèques au sein de l’UE. Un défi d’autant plus important dans un pays où un habitant sur trois seulement sympathise avec le projet européen, et ce malgré la nette remontée du sentiment pro-européen enregistrée dans les pays voisins au lendemain du référendum britannique sur le Brexit.