Les Tchèques l’aiment chaud
La République tchèque peut « se vanter » d’être à la première place à l’échelle de l’Union européenne en ce qui concerne la consommation d’énergie destinée au chauffage. L’hebdomadaire Respekt publie dans sa dernière édition un article à ce sujet intitulé « Les Tchèques, obsédés par la chaleur », dans lequel il cherche des explications à ce phénomène peu commun.
C’est un constat et une expérience qu’ont pu certainement faire, aussi, de nombreux étrangers se rendant en hiver en République tchèque, étonnés de voir que dans une grande partie des appartements, des magasins, des bureaux et des espaces publics il faisait très, voire trop chaud.
L’hebdomadaire Respekt constate que le « gaspillage » tchèque dans le domaine du confort thermique est généralement connu, mais qu’aucune étude pertinente visant à expliquer ce phénomène n’existe à l’heure actuelle. Le sociologue Ivo Možný propose une des explications possibles :« C’est sous le communisme que nous avons appris à pratiquer avec une légèreté insouciante ce gaspillage thermique… On pensait que l’Etat devait payer le prix de la chaleur et qu’en fait celle-ci était donnée. Les radiateurs du chauffage central à leur maximum sous des fenêtres ouvertes : c’était pour nous une sorte de luxe que l’on pouvait se permettre et dont on abusait. »
L’écologiste Edvard Sequens explique ce gaspillage par le fait que la Tchécoslovaquie communiste n’a pas connu dans les années 1970 la crise pétrolière comme ce fut le cas en Occident. « Ainsi, l’Europe occidentale a appris à faire des économies beaucoup plus tôt que nous. »Le climatologue Martin Novák offre un autre regard pour expliquer pourquoi une grande partie de la population tchèque a du mal à supporter le froid, en prenant l’exemple de la capitale Prague :
« L’édification des grands complexes urbains a eu un impact sur nos habitudes. Prague, entourée de quartiers périphériques, constitue à l’heure actuelle un des points les plus chauds en Tchéquie. Sa température moyenne varie autour de dix degrés ce qui fait que l’on peut y observer un véritable effet de serre. »Les experts sont unanimes : nous nous sommes déshabitués du froid. De nos jours, beaucoup considèrent l’hiver comme une période de l’année pénible, dépourvue de soleil et facteur de déprime, une période qui apporte plus d’une difficulté dans la vie quotidienne, celles de la circulation n’étant pas des moindres. L’hiver devient ainsi une période difficile à laquelle il faut tout simplement survivre en attendant l’arrivée du printemps.
Et pourtant, le froid et l’hiver étaient acceptés dans le passé comme des choses on ne peut plus naturelles qui ne gênaient pas, sans parler de l’importance de ce cycle annuel pour l’agriculture.Plus résistants au froid, nos ancêtres savaient que passer de l’intérieur à l’extérieur et vice-versa en changeant brusquement de température ne profitait pas à la santé. De ce fait, les maisons et les appartements n’étaient pas excessivement chauffés.
Selon les réglementations en vigueur, la « saison du chauffage » commence en République tchèque en septembre et se termine en mai. Mais ceci seulement à condition que la température demeure pendant deux jours d’affilée inférieure à treize degrés. « C’est un petit pas vers l’endurcissement au froid quand même, car à l’époque communiste, cette limite était de quinze degrés », constate le journal sur un ton ironique.Des normes existent aussi pour les températures dans les pièces destinées à de longs séjours, telles que les écoles, les bureaux, les hôpitaux. L’étendue de la température optimale pour ces locaux s’échelonne de vingt à vingt-quatre degrés, pour les couloirs elle est de dix-huit degrés. La température recommandée pour les pièces d’habitation est de 21 degrés. Mais la limite maximale dont le franchissement serait passible d’une sanction, n’est pas définie.
Le porte-parole du ministère de la Santé publique Vlastimil Sršeň explique dans cet article que les normes hygiéniques établies au cours des dix dernières années n’ont guère changé par rapport à celles qui existaient sous le communisme. Et d’expliquer que « les critères pour le confort thermique sont définis à partir d’acquisitions scientifiques et n’ont rien à voir avec la politique et avec le changement de régime. »Existe-t-il un contrôle du respect des normes hygiéniques requises ? Vlastimil Sršeň avoue que « dans la vie pratique, ceux-ci ne se font que très rarement, sauf dans des lieux de travail spécifiques. »
L’hebdomadaire Respekt offre aussi quelques chiffres pour illustrer la situation qui existe dans ce domaine en République tchèque. Annuellement, une famille tchèque consomme en moyenne trois tonnes de charbon et deux mille mètres cubes et demi de gaz. Au cours des cinq dernières années, ce volume représentait au total plus de la moitié du gaz fournie en République tchèque. De ce point de vue, la Tchéquie se présente comme le plus gros consommateur sur l’ensemble des pays de l’Union européenne.
Selon les données officielles du ministère de l’Industrie et du Commerce, les frais annuels d’un ménage tchèque destinés au chauffage se situent en moyenne entre 23 000 et 33 000 couronnes (près de 880, respectivement 1 260 euros), selon les différentes catégories de sources utilisées.L’hebdomadaire Respekt se pose pour finir la question de savoir si la crise économique va tant bien que mal changer les mentalités et les habitudes des Tchèques pour leur apprendre à se comporter plus économiquement, en « chauffant moins. »