Les visions chimériques de Goya au Musée Kampa

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L’exposition temporaire « Les visions de Goya » présentant des gravures de Francisco de Goya se tient actuellement au musée Kampa. Ces œuvres sont caractéristiques de deux thématiques chères à Goya, le fantastique allant jusqu’à la caricature d’une part et la violence représentée de manière réaliste d’autre part.

L’exposition consacrée au célèbre peintre et graveur espagnol de la fin du XVIIIème siècle et du début du XIXème siècle, Francisco de Goya, présente un large échantillon de quatre grands ensembles de gravures, qui ont été pour la plupart découvertes après sa mort. Elles ont été prêtées par la Galerie Nationale de Prague au musée privé Kampa en échange des peintures et des dessins de František Kupka. La popularité de Goya en tant que peintre était déjà bonne lorsqu’il choisit une nouvelle pratique artistique : la gravure. Il utilise l’eau-forte et l’aquatinte auxquelles il donne ses lettres de noblesse. Ces techniques reposent essentiellement sur la maîtrise et la finesse de l’artiste-artisan et le rendu du clair-obscur. Thomas Martin, licencié en histoire de l’estampe à l’Ecole du Louvre, nous en dit plus :

« Goya est un artiste charnière tant pour son œuvre peinte que son œuvre gravée. Il intervient au moment de l’émergence de certaines techniques, que ce soit la lithographie à la fin du XVIIIème siècle ou l’arrivée de l’aquatinte dans la deuxième moitié de ce même XVIIIème siècle. Goya se place en précurseur et parmi les premières personnes à expérimenter ces médiums. »

En 1792, Goya travaille à la série des « caprices » caricaturant le gouvernement, l’aristocratie et les institutions religieuses de l’époque alors qu’il est lui-même exclu de la vie en société du fait d’une maladie qui lui fait perdre en grande partie l’ouïe et la vue. Publiées et immédiatement censurées en 1799, les planches sont confiées par Goya au roi d’Espagne pour échapper aux foudres de l’Inquisition. Les « caprices » sont à rapprocher des « proverbes » présentés dans la salle suivante et qui représentent des scènes grotesques et effrayantes peuplées de chimères et de personnages aux visages torturés.

Les deux dernières salles sont quant à elle consacrées aux gravures réalistes de Goya dont le point commun est la représentation de la violence, qu’elle soit celle de la barbarie humaine, dans les « désastres de guerre » ou de l’animalité sauvage dans le cycle consacré à la tauromachie. Les « désastres de la guerre » constituent en effet un témoignage de l’atrocité des guerres napoléoniennes en Espagne dont l’œuvre équivalente représentant une fusillade est la toile « Trois mai » (Tres de Mayo), exposée au Musée du Prado à Madrid.

Thomas Martin nous présente les quatre cycles de Goya apparaissant dans l’exposition qui lui est consacrée :

« Les quatre cycles présentés dans l’exposition sont les quatre cycles principaux à savoir les ‘caprices’, ‘tauromachie’, les ‘proverbes’ et les ‘désastres de la guerre’. Ce sont des jalons essentiels dans l’histoire de la gravure et ils ont permis à Goya d’accéder au titre de maître de l’aquatinte, en tant que précurseur et qu’artiste majeur dans la recherche des rendus, au même titre que Rembrandt pouvait être le grand maître de l’eau-forte et Dürer celui du burin. De ces séries on retiendra majoritairement les ‘caprices’ et les ‘désastres de la guerre’, notamment pour leur influence sur les artistes postérieurs. Les ‘caprices’ auront une influence majeure en France dans la deuxième moitié du XIXème siècle sur des personnes comme Edouard Manet qui les reprendra directement dans ses gravures et qui reprendra aussi la technique de l’aquatinte qui est un élément extrêmement important de son travail. Les ‘désastres de la guerre’ ont aussi une importance historique. Il s’agit des premières occurences d’un artiste qui va se réapproprier un médium qui va l’emmener vers des thématiques qui lui sont propres : les ‘caprices’ sont une critique de la société qui n’appartiennent qu’à Goya. Et quand on est peintre à la cour des Bourbons d’Espagne, ce n’est pas un acte anodin que de se réapproprier ce médium pour servir une idée qui lui est propre. »

L’exposition se termine le 30 septembre. Plus d’informations sur : www.museumkampa.com