L’éternelle Ostrava… et ses mille facettes
Ostrava, la belle, la moche, l’admirée, la maudite, la controversée. Cette ville unique reste la troisième plus grande ville de République tchèque. Toutefois les Tchèques rechignent souvent à se rendre dans la capitale de la Moravie-Silésie, cette ville industrielle tristement célèbre pour sa pollution de l’air. A compter de mercredi prochain, Ostrava va être au centre de l’attention des amateurs de sport, puisqu’elle accueille les championnats d’Europe de patinage artistique. Déjà 95% des billets ont été vendus et les hôtels affichent complets en ce mois de janvier. Une occasion pour Radio Prague de vous faire découvrir ou redécouvrir cette ville insolite.
« Ostrava, soit tu l’aimes, soit tu la détestes »
Malgré sa mauvaise réputation de ville qui, semble-t-il, est toujours envahie par les particules fines, Ostrava commence à bénéficier d’une renommée qui dépasse les frontières tchèques pour ses lieux culturels, mais aussi pour le nombre d’évènements de tout genre organisés chaque année. Peu nombreuses sont les villes de 300 000 habitants qui peuvent se targuer de posséder un tel éventail de lieux culturels : un opéra, cinq théâtres, des musées, l’Orchestre Philharmonique Leoš Janáček, une galerie, deux universités… Tout cela a contribué de faire d’Ostrava une ville également estudiantine dynamique.Le traducteur Martin Kukal, qui a grandi à Ostrava, nous la présente de son point de vue :
« Ostrava n’est pas une ville d’une beauté scénique, mais en même temps, il y a ce patrimoine industriel qui est vraiment exceptionnel. On l’utilise d’ailleurs d’une manière assez intéressante : on trouve des salles de concert ou des musées dans des endroits qui ont été utilisées par le passé pour la métallurgie. C’est assez chouette. »
Toutefois, malgré ce cadre unique, les Pragois ont tendance à rechigner devant Ostrava, à hésiter à y mettre les pieds. Mais il est possible de trouver certains Pragois, qui y ont emménagé pour des raisons professionnelles. C’est le cas de la journaliste Marina Feltlová et du responsable artistique Daniel Jäger, qui y ont vécu plusieurs années. Au micro de Radio Prague, ils ont respectivement décrit leurs premières impressions à leur arrivée :
Marina : « Mes premières impressions visuelles n’étaient pas très positives. Prendre le tram la nuit par exemple est vraiment réservé à des personnes ayant le caractère endurci, surtout dans certaines zones d’Ostrava. Mais après avec le temps, mon point de vue a changé. »Daniel : « Lorsque je suis arrivé la première fois à Ostrava, afin de signer mon contrat avec le Théâtre National de Moravie-Silésie, alors j’ai dû me poser cette question : ‘est-ce que tu as vraiment envie d’être là ?’, dans cette ville, qui ne me semblait pas très attrayante et où l’atmosphère elle-même n’était pas très avenante. Ma maman qui y avait habité par le passé en raison de ses liens familiaux, m’avait dit par la suite : ‘soit tu tombes amoureux d’Ostrava, soit tu la détestes, il n’y a rien entre les deux.’ Elle avait raison. Et moi, je suis tombé amoureux d’Ostrava. »
Un patrimoine industriel imposant et omniprésent
En raison de la richesse de ses mines de charbon, la ville est étroitement liée à l’activité métallurgique et minière depuis près de deux siècles maintenant. La sidérurgie a été pendant le XIXe et le XXe siècle la première source de revenus pour la région et ses habitants. Et avec le temps, la réputation de la ville s’est essentiellement forgée autour de ce secteur. A l’époque communiste, on avait même baptisé la ville de « cœur d’acier de la république ».
A l’heure actuelle, un des points dominants de la ville reste cette « ville d’acier », Dolní Vítkovice, gigantesque site d’une ancienne usine métallurgique située dans le quartier du même nom à l’est de la métropole. Ces anciennes usines sidérurgiques Vítkovice, fondées en 1828, ne servent plus à leur activité initiale, mais en raison de leur aspect singulier, elles sont de plus en plus recherchées pour divers évènements et manifestations.La journaliste Marina Feltlová confirme que cet espace offre un cadre exceptionnel, désormais très recherché, et pas seulement par les touristes, pour son aspect industriel unique en son genre. Marina Feltlová en livre une petite description :
« On appelle les hauts fourneaux le « Hradschin d’Ostrava ». L’ensemble de ce patrimoine industriel a subi une transformation énorme, beaucoup de bâtiments ont été réparés. Aujourd’hui, c’est la carte de visite d’Ostrava. La ville a réussi à tirer parti de la laideur industrielle et d’en faire une attraction touristique. »
A quelques mètres de là, les usines métallurgiques et de construction poursuivent néanmoins leur activité sans relâche. Mais à Dolni Vitkovice, le patrimoine industriel omniprésent a été à certains endroits transformé, rénové, comme par exemple ce café panoramique situé au sommet d’un ancien haut fourneau de 80 mètres. Le compositeur et chef d’orchestre Petr Kotík, s’il vit actuellement à New York, revient à Ostrava pour y organiser Les Journées de la nouvelle musique, qui se déroule au mois d’août. Directeur du Centre d’Ostrava de la musique contemporaine, Petr Kotík continue d’admirer avec enthousiasme ces constructions étonnantes :
« Cela a une certaine « scale », une certaine dimension comme on dit en anglais. Ce n’est pas tout petit. Ces usines métallurgiques de Vitkovice, c’est comme le Bethlehem Steel. Cela s’étale à l’infini. Et cela contient une certaine générosité. Même les gens y sont généreux. »Musique, culture, architecture, sport… la ville industrielle poursuit son chemin
Malgré une mutation certaine et douloureuse du secteur métallurgique dans la région, l’ancien complexe industriel a su retrouver une deuxième utilité, une deuxième vie. Le site de Dolní Vítkovice accueille également chaque année le désormais traditionnel festival Colours of Ostrava en été, qui est de plus en plus réputé auprès du public tant national qu’international. Cette année, c’est le groupe Jamiroquai qui est attendu en grande vedette.
Lieu d’effervescence culturelle, Ostrava est aussi la ville natale d’un des chansonniers les plus populaires du pays, Jaromír Nohavica, lequel a su traduire dans ses chansons son atmosphère parfois lugubre, mais toujours singulière et surprenante. Cette rubrique est l’occasion d’écouter plusieurs extraits de ses chansons, dont le morceau « Ostrava černá » – « Ostrava noire », cet adjectif qui ne la quittera sans doute plus, ou la chanson intitulée tout simplement « Ostrava ».La ville d’Ostrava se donne également plusieurs objectifs de restaurations d’anciens bâtiments ou monuments historiques, comme par exemple l’ancienne villa du grand architecte originaire d’Ostrava, František Grossmann, construite en 1923. A propos de l’atmosphère de la ville et de ses alentours, Daniel Jäger développe :
« C’est un lieu rempli d’énergie. Quand vous vous promenez en ville, vous sentez tout à coup, qu’il y a une sorte de valeur ajoutée en termes d’énergie, et qui est difficilement descriptible. »
Pour sa part, le chef d’orchestre Petr Kotík répond :
« Ostrava est un lieu formidable, et elle est très similaire à des villes aux Etats-Unis. Vous n’êtes embêté par aucun vieux monument. Vous devez uniquement avoir un certain sens pour la poésie de la laideur. »Mais comment sont les habitants d’Ostrava ? Si c’est leur diction rapide qui plait avant tout aux autres Tchèques, c’est aussi leur franchise qui reste bel et bien un trait de caractère des « Ostraváci », les habitants d’Ostrava, comme le précise la journaliste Marina Feltlová :
« Les ‘Ostraváci’ sont des personnes très spécifiques, mais ce type de personnes m’est très proche, parce qu’elles sont très ouvertes. Elles vous disent franchement ce qu’elles pensent, même si elles n’y vont pas par quatre chemins dans l’emploi de mots ou d’expressions. Elles ne gardent vraiment pas leur langue dans la poche. »
Malgré la pollution omniprésente, les habitants d’Ostrava restent actifs non seulement dans le domaine de la culture mai aussi dans celui des sports. En 2014, Ostrava a été désignée ville européenne de l’année. L’année suivante, la métropole accueillait avec Prague le Championnat du monde de hockey sur glace. Cette année 2017 enfin, honneur aux championnats d’Europe de patinage artistique, qui se dérouleront jusqu’au 29 janvier. Mais dépêchez-vous, il ne reste plus que quelques places...