L’Europe centrale ne veut plus manger « d’la merde »
Mais pourquoi donc devrions-nous manger moins bien qu’en Europe de l’Ouest ? Ou plus précisément : pourquoi nous vend-on, en Europe centrale et de l’Est, des produits alimentaires de marques identiques à ceux commercialisés en Europe de l’Ouest mais de qualité inférieure ? Ce sont les questions que se posent depuis quelque temps Tchèques, Hongrois, Polonais et Slovaques. Ce jeudi, les Premiers ministres des quatre pays du Groupe de Visegrad étaient réunis à Varsovie pour discuter, entre autres choses, du problème et appeler la Commission européenne à enfin réagir.
Comme leurs partenaires slovaques, polonais et hongrois, avec lesquels ils partagent régulièrement un certain nombre de préoccupations communes, les Tchèques ne veulent plus que l’Europe centrale, et plus généralement de l’Est, soit une « poubelle alimentaire » de l’Europe et qu’eux-mêmes soient considérés comme des citoyens européens de deuxième catégorie auxquels les multinationales peuvent se permettre de refourguer des produits de composition différente et par conséquent moins chers à produire, mais vendus sous des marques et dans des emballages identiques à ceux sous lesquels ils sont distribués dans les supermarchés en Allemagne et en Autriche voisines notamment.
C’est donc une forme de ras-le-bol que les dirigeants du Groupe de Visegrad ont exprimé à Varsovie ce jeudi. Le ras-le-bol d’une Europe à deux vitesses, comme le confirme le ministre de l’Agriculture tchèque, Marian Jurečka :
« Nous constatons malheureusement que les tests que nous avons effectués confirment que les produits vendus en Europe de l’Ouest sont vraiment de meilleure qualité. Il y a par exemple plus de poudre de cacao dans le chocolat, d’autres matières grasses, édulcorants et additifs entrent dans la composition des aliments… C’est une réalité : nous consommons des produits qui, très souvent, bien qu’ils soient vendus comme des produits identiques, sont de moindre qualité. »Pour l’heure, il n’existe aucune loi ou réglementation en Europe qui interdise cette pratique. Aux yeux de la législation européenne, c’est d’abord le fait que le produit ne soit pas avarié qui prime. Par ailleurs, à partir du moment où il a la possibilité d’être informé de la composition du produit, le consommateur ne peut pas être trompé. Cette vision des choses déplaît fortement aux dirigeants des pays d’Europe centrale. C’est pourquoi comme ses collègues hongrois, polonais et slovaque, le Premier ministre tchèque Bohuslav Sobotka réclame que la Commission européenne change son fusil d’épaule :
« Elle peut commander une étude qui, comme nous l’avons fait de notre côté, permette de comparer la qualité de produits alimentaires prétendumment identiques selon les pays dans lesquels ils sont vendus. Et si elle parvient aux mêmes conclusions que nous, la Commission peut revoir les directives ou l’interprétation de celles-ci relatives à la protection des consommateurs au sein de l’UE. »
En somme, il est demandé à Bruxelles de prendre des mesures législatives qui mettent fin à une pratique considérée comme humiliante et qui, encore une fois, aux yeux de Prague, Bratislava, Budapest et Varsovie, témoigne du fait qu'il existe bien encore deux Europe.