L’Europe vue par un performer tchèque
L’installation que la République tchèque présentera dans le hall d’entrée du Conseil de l’Europe pendant sa présidence de l’Union européenne se caractérise par deux traits considérés souvent comme typiques pour les Tchèques - l’humour et la dérision. La réalisation de ce projet international a été confiée au plasticien et performer tchèque controversé David Černý. L’œuvre qui ne sera inaugurée officiellement que ce jeudi, suscite, d’ores et déjà, l’attention des médias.
«Il s’agit d’un travail collectif. 27 plasticiens européens se sont réunis pour réaliser ce projet. Leur nombre est donc le même que celui des Etats de l’Union européenne.»
Le père spirituel et coordinateur du projet David Černý doit sa notoriété en Tchéquie à quelques installations qui ont choqué le public. C’est lui qui a provoqué, en 1991, un tollé en peignant en rose un tank russe installé sur une place pragoise pour symboliser la libération de Prague par l’armée soviétique en 1945. Irrespectueux face aux symboles de l’histoire, il l’est aussi face aux institutions européennes:«Tout cela est une grande rigolade. Ici, c’est une baraque qui dégage une sensation d’oppression, les gens de la maison se considèrent comme très importants, c’est très bureaucratique et nous y apportons un peu de gaité. (…) C’est un regard légèrement ironique qui exploite certains préjugés généralement répandus et qui sont rigolos.»
S’agit-il vraiment d’une œuvre collective de 27 auteurs? Ce n’est pas sûr, car selon certaines sources, David Černý serait le seul auteur de l’ensemble du projet qui se moque des préjugés des pays membres de l’Union à l’égard de leurs voisins européens. L’Autriche, grand adversaire de la centrale de Temelín, y est représentée comme un pré vert avec, au milieu, d’immenses tours de refroidissement d’une centrale nucléaire et les Pays-Bas sont évoqués par un espace complètement envahi par la mer d’où ne surgissent que des minarets. La partie du puzzle réservée à la Bulgarie est parsemée de toilettes à la turque. L’Allemagne, elle, n’est qu’un lopin de terre qui disparaît sous un dense réseau d’autoroutes et la carte de France est entièrement couverte d’une pancarte avec l’inscription « Grève ». La Tchéquie est représentée par un écran en forme de ses frontières où défilent les citations des discours du Président Václav Klaus, grand critique de l’Union européenne et accusé d’euroscepticisme.«Václav Klaus y trouvera ses sentences dans un cadre d’or. Que peut-il avoir contre ses propres idées qui y sont immortalisées?» demande ingénument David Černý. Son installation amusante et ironique fera sans doute sourire mais il est fort probable que souvent ces sourires seront crispés.