Lida Baarova
Adolescente, Lida Baarova était beaucoup moins belle que sa soeur cadette Zorka. Pourtant elle est devenue la plus belle femme du pays. Une beauté, classique, sans défaut, trop parfaite. L'actrice la plus célèbre en Bohême dans les années trente a connu les hauts et les bas de la gloire. Maîtresse du redoutable ministre de la Propagande et de l'Information, Joseph Goebbels, bras droit d'Adolf Hitler, Lida Baarova est devenue après la guerre victime de sa passion. Malgré une chute rapide du piédestal des stars, elle a tout de même réussit une belle carrière dans la cinématographie italienne et espagnole. Sans plaider sa cause, il faut voir les circonstances dans lesquelles s'est passée son histoire. Quoiqu'il en soit, il est certain que Lida Baarova était sans aucun doute une excellante actrice et reste le symbole de la cinématographie tchécoslovaque des années trente.
La star est née à Prague, l'année de l'éclatement de la Grande Guerre. Son père, haut fonctionnaire de la municipalité de Prague, est un grand sportif. C'est un homme très distingué, cultivé, descendant d'une famille noble dont l'histoire remonte au XIVe siècle. La mère de Lida est une femme extraordinairement belle. Elle joue très bien du piano et chante admirablement. Dans sa jeunesse elle caresse l'idée de devenir cantatrice. Il n'en sera rien. Elle reste femme au foyer à s'occuper de son mari et de ses deux filles Lida et Zorka. Lida entre dans le monde du cinéma à dix sept ans. Elle est en première année du Conservatoire lorsque le réalisateur Miroslav Krnansky lui distribue le rôle important de Viktorka dans son film La carrière de Pavel Camrda (Kariera Pavla Camrdy). Le film est un succès, mais l'actrice débutante se fait exclure du Conservatoire car il est interdit pour les étudiants de participer au tournage. Pas trop de regrets. Elle est belle, jeune et joue bien. Tout pour devenir rapidement une star. Elle tourne avec les compagnies les plus prestigieuses : Electa film, Meisner film, Lucerna film et Ufa Prague, succursale de l'Ufa Berlin où l'actrice débutante est recommandée par la directrice d'Ufa Prague. La jeune actrice part en Allemagne, accompagnée de sa mère pour jouer dans le film Barcarola, réalisé par Gerhard Lamprecht. Elle incarne le rôle de la plus belle femme de Venise avec le célèbre acteur allemand Gustav Fröhlich comme partenaire. L'acteur est marié et père d'une petite fille. Mais, c'est le coup de foudre et une histoire d'amour commence. Le destin de la jeune actrice aurait pu être différent si un jour elle n'avait pas rencontré Joseph Goebbels.
Le ministre de la Propagande et de l'Information accompagne le chancelier A. Hitler en visite officielle des ateliers Ufa. Goebbels est fasciné par la jeune femme et en tombe amoureux. Pour l'instant, Lida est avec G. Fröhlich qu'elle considérera jusqu'à la fin de sa vie comme son plus grand amour. L'actrice inconsciente ignore encore que l'on n'échappe pas à J. Goebbels, de dix sept ans son aîné. L'un des personnages les plus sinistre de la Deuxième Guerre atteint toujours son objectif. Le ministre Joseph Goebbels, dangereux et vindicatif, est un homme frêle, petit avec un pied bot. Malgré tous ses handicaps, il est fascinant par son charisme et sont intelligence incontestable. Il est marié et déjà père de trois enfants. Il commence son jeu par inviter le couple Baarova-Fröhlich à différentes occasions et même dans sa villa. La vie continue son cours. Lida n'arrête pas de tourner : elle jouera dans des dizaines de films avant que son destin ne tourne au drame. Joseph Goebbels devient insistant. En début janvier 1937 l'actrice succombe au charme du bras droit d'A. Hitler et devient sa maîtresse.
En cette période la Metro Goldwyn Mayer est à la recherche de nouveaux talents en Europe. Un des représentants de la société hollywoodienne contact la jeune actrice pour lui proposer un contrat très intéressant : une garantie de tourner quatre films par année pendant une période de sept ans avec un cachet de 450 000 dollars. Lida reste indécise. La proposition est alléchante, mais il y a le redoutable docteur Goebbels. Une carrière prometteuse tombe à l'eau. Le drame ne se fait pas attendre.L'amour entre Lida Baarova et le ministre de la Propagande est passionnel, destructif et fort. Chez J. Goebbels à tel point qu'il demande au chancelier du Reich de le destituer et le nommer ambassadeur au Japon. Goebbels suggère également le divorce avec sa femme Magda. A. Hitler pique une crise et refuse net. Il ordonne au ministre de la Propagande de se réconcilier avec sa femme, les intérêts du Reich son prioritaire à l'amour d'un homme politique. J. Goebbels, la mort dans l'âme est obligé d'accepter les conditions. Pour Lida Baarova les conséquences de cette relation sont encore pires. Interdiction de tourner en Allemagne et de se manifester en public lors des occasions officielles. L'actrice retourne au protectorat de Bohême-Moravie où elle ne travaillera que sur un nombre restreint de films. Mais, elle tournera par exemple en Italie. En début des années quarante l'actrice incarne le rôle principal dans La Fornarina, un film d'Enrico Guazzoni, et dans l'Ippocampo (le Rhinocéros) de Vittorio de Sica. La fin de la guerre approche. Lida Baarova sent bien que la situation est tendue. Elle quitte la Bohême en avril 1945 avec un couple allemand pour fuir en Autriche. Lida y passera quelques mois sous la surveillance et les interrogatoires de la CIC (Counterintelligence Corps) - unité américaine de contre-espionnage.
Finalement elle est ramenée à Prague par l'unité tchéco-américaine centrée sur la recherche des criminels de guerre en fuite. L'actrice tant admirée devient un objet de haine. Elle se retrouve en prison avec les pires criminelles. Sa mère succombe à une crise cardiaque au cours de l'interrogatoire en octobre 1945. Sa soeur Zorka, également actrice se suicide en mars 1946. Elle est innocente, n'a jamais fait de mal et était toujours en contact avec les artistes d'avant-garde. Mais, elle est la soeur de l'ex-maîtresse de Joseph Goebbels. Après six mois de détention L. Baarova est mise en liberté. La vie de l'actrice est triste. Il lui est interdit de tourner et de toute la famille, il ne reste que le père, amputé d'une jambe suite à une infection. Finalement Lida va fuir en Autriche avec son mari dont elle divorce plus tard. Elle s'établit à Salzbourg et épouse le médecin Kurt Lundwall, un homme très en vue, expert renommé et président du Rotary club. Elle restera avec lui jusqu'au décès du docteur en 1972. L'actrice a encore pu faire une carrière assez prestigieuse, surtout en ce qui est de la cinématographie espagnole ou italienne. Dans les années cinquante, elle joue par exemple le rôle principal dans le film I Vitelloni (Les batteurs de pavé), réalisation Federico Fellini.La célèbre actrice, dont l'un des nombreux amants était également l'acteur français Charles Boyer, est décédé à Salzbourg le 27 octobre 2000.