Livres pour enfants et dessins underground au programme du Komiksfest

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La quatrième édition du festival de bandes dessinées Komiksfest, qui a commencé le 31 octobre dernier, a proposé pendant toute une semaine une série d’évènements – expositions, théâtre, projections de films, présentations de livres – autour de l’univers de la BD. Pour marquer l’anniversaire de la chute des régimes communistes en Europe centrale et de l’Est, deux expositions ont été préparées : ‘la BD sous le rideau de fer’, qui présente des dessins issus des pays autrefois dits satellites de l’Union soviétique, et ‘le retour de la comète’, sur les auteurs actuels de la revue de BD tchèque la plus connue, Kometa. Côté français, deux auteurs étaient accueillis. Blexbolex, qui a remporté à la foire du livre de Leipzig le prix du plus beau livre du monde pour son album « L’imagier des gens », et Pakito Bolino, qui dirige la maison d’édition la plus underground du circuit BD en France.

C’est sans aucun doute le plus beau compliment qu’un auteur puisse recevoir que celui de se voir gratifier d’auteur du plus beau livre du monde. Le succès de ce livre pour enfants, qui dresse une série de portraits de personnages, au graphisme assez sobre, évoquant les années 1950 et 1960, a apporté à l’auteur une véritable reconnaissance, ce qui lui permet enfin de ne pas bouder son plaisir. Blexbolex, alias Bernard Granger :

« Je ne suis pas habitué au succès. Pendant plusieurs années, j’ai produit des albums moi-même, je les ai imprimés moi-même. Ça a été un processus très long. Et maintenant, avec ce livre-là, je commence à découvrir ce que c’est que d’être publié dans d’autres langues et dans d’autres pays. Et c’est évidemment très agréable. Et spécialement ici, en République tchèque, ça a été pour moi une très bonne surprise. Je connais un peu la production de Baobab, et quand mon éditeur français m’a fait savoir que j’étais traduit dans l’édition que j’aimais bien, ça a été une très bonne surprise. »

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Photo: Anne-Claire Veluire
« Au départ, je n’ai pas du tout commencé par faire de la littérature jeunesse ou même des livres d’images pour enfants. J’ai fait des livres dans un circuit underground, mais c’était essentiellement des livres d’images. Pour moi, le propos était de s’exprimer exclusivement par l’image ; juste le jeu des images devait raconter quelque chose. Le fait de travailler le livre pour enfants, ça m’a demandé plus de clarté, plus de précision. C’était en fait un exercice un plus difficile, mais maintenant, c’est quelque chose que j’aime bien faire. Mais au départ, je n’étais absolument pas destiné à faire des livres pour enfants. »

Ça se voit un peu. Lorsque l’on regarde « L’imagier des gens », on voit des dessins un peu humoristiques, des clins d’œil, mais également un côté un peu ironique qui n’est pas forcément très facile à percevoir pour les enfants…

« Je pense que le livre est vraiment tout public. C’est-à-dire que les enfants ne perçoivent pas l’ironie. Ce n’est pas quelque chose qui leur est destiné, c’est quelque chose qui est destiné aux parents. Je voulais aussi que les parents s’amusent en même temps que les enfants, mais peut-être pas au même niveau. Par contre, les enfants savent très bien faire les associations. Le livre fonctionne toujours pas double page, et je pense que le rapport des signes, des formes, les corrélations, sont des choses que les enfants font très bien. »

Photo: Anne-Claire Veluire
Comme il l’a évoqué plus tôt, Blexbolex a commencé dans un milieu underground, en travaillant notamment en coopération avec la maison d’édition Le dernier cri, également présente au Komiksfest. Blexbolex :

Photo: Anne-Claire Veluire
« La direction du Dernier cri est une direction extrême, que personnellement j’apprécie beaucoup. Pakito Bolino est un excellent éditeur. Il est vraiment capable de faire découvrir aux gens des expériences graphiques que l’on ne peut pas imaginer. Il a toujours cette curiosité, cette espèce d’acharnement à découvrir des formes extrêmes de dessin, des formes extrêmes de langage graphique, que j’adore personnellement. Mais je ne me sens plus faire partie de cette scène. Je pense que je suis trop soft pour faire partie du Dernier cri maintenant. »

Effectivement, Le dernier cri est une maison d’édition très underground. Fondée comme une structure associative, elle édite avec des techniques sérigraphiques artisanales des livres, des albums de BD, des périodiques, des tirés-à-part. Elle produit des courts-métrages, organise des expositions. Son fondateur, Pakito Bolino, se défend du côté sombre et ‘trash’ de ses publications. On l’écoute :

« Je ne trouve pas que ce soit trash, ou que ce soit plus sombre et plus trash que la vie. Ce ne sont pas des gens qui s’autocensurent. Souvent ce genre d’images sont cachées, alors que la plupart du temps, elles sont dans la tête des gens qui sont sur la terre. »

Photo: Anne-Claire Veluire
Pour en juger par soi-même, une exposition se tient actuellement dans les locaux de l’Institut français de Prague. Il s’agit d’une version dite positive, alors qu’une autre exposition du Dernier cri, plus provocatrice, est aussi présentée dans les Karlín Studios, un entrepôt reconverti en salles d’exposition. Le komiksfest se termine ce samedi, au Roxy, avec une soirée bande dessinée où seront regroupés la plupart des invités du festival.

www.komiksfest.cz