Ferveur, noblesse, perfection, fierté du festival - c'est par ces mots que la presse tchèque a qualifié l'exécution, samedi et dimanche, de l'oratorio Sainte Ludmila d'Antonin Dvorak au festival Printemps de Prague.
Difficile à résister à ce torrent de mélodies par lesquelles Dvorak a rehaussé le livret de Jaroslav Vrchlicky. Les auteurs de cette immense fresque musicale se sont inspirés de la période mythique où le christianisme avait pris racine en Bohême. La princesse Ludmila qui, au début de l'oratorio, pratique le culte des divinités païennes, est prise tout à coup d'une inspiration inexplicable. Elle prête l'oreille à l'ermite chrétien Ivan et accepte avec ferveur sa religion. Son exemple rejaillit aussi sur le prince Borivoj qui aime Ludmila et désire l'épouser. L'oratorio s'achève par une cérémonie grandiose de baptême des nouveaux mariés, au sanctuaire morave de Velehrad.
Bernarda Fink et Eva Urbanova, photo: CTK
Déjà le choix des chanteurs pour les deux exécutions de cette oeuvre, considérée par d'aucuns comme le sommet du festival, a été une réussite. La soprano Eva Urbanova a donné au rôle de Ludmila toute la puissance et la verve dramatique de sa voix exceptionnelle, Bernarda Fink dans le rôle beaucoup moins important de Svatava a réussi, quand même, à faire briller les couleurs chaleureuses de son registre. Côté hommes, c'était la basse de Peter Mikulas qui a dominé la distribution, donnant au personnage de l'ermite évangélisateur une stature surhumaine. On a été agréablement surpris par le ténor slovaque Stanislav Matis, un inconnu dans les grandes maisons d'opéra. Il était tout a fait à la hauteur des exigences vocales du rôle du prince Borivoj, sans être capable, cependant, de lui donner assez de tension dramatique.
Le chef d'orchestre, Jiri Belohlavek, a poussé la Philharmonie tchèque et les Choeurs philharmoniques de Prague à la limite de leurs possibilités. Il a tiré de ces deux excellentes formations une musique grandiose et évocatrice qui parfois touchait au sublime. Un petit regret quand même: le torrent impétueux de cette musique couvrait, quelquefois, les soli et ne permettait pas au public de savourer suffisamment la dimension lyrique et mystique de l'oeuvre. L'oratorio a été retransmis par plusieurs radios européennes et un enregistrement de cette soirée exceptionnelle sera commercialisé par Supraphon.