Lukáš Glaser : Ambassadeur du cinéma tchèque à Cannes à 27 ans !

'Naus'

On a bien souvent lu dans la presse qu’aucun film tchèque n’avait été sélectionné cette année en compétition du célèbre Festival de Cannes. C’est faux, puisqu’un étudiant de la FAMU représentait la République tchèque dans le cadre de la Cinéfondation, une compétition regroupant les meilleurs films d’école produits à travers le monde. Voici l’extraordinaire journée cannoise d’un tout jeune réalisateur tchèque, à la fois espoir et ambassadeur de sa cinématographie…

La pression est palpable en ce vendredi matin. A seulement 27 ans, Lukáš Glaser, étudiant réalisateur à la FAMU, a la lourde tache de représenter, à lui tout seul, la République tchèque au sein du plus grand festival de cinéma du monde… A quelques secondes de la projection de son film dans la salle Luis Bunuel du palais des festivals, le trac est au rendez-vous !

« Je me sens un peu nerveux parce que j’espère que tout se passera bien, qu’il n’y aura aucun soucis de projection. En fait, le film n’a été projeté qu’à Třeboň au festival Anifest. Il s’agit seulement de la deuxième projection. Moi-même, je ne l’ai encore jamais vu au cinéma donc j’attends ça avec impatience. J’ai réfléchi dans le couloir à ce que j’allais dire sur scène pour présenter le film, et pour être certain de ne rien oublier, je me suis fait une petite fiche écrite. Mais je tacherai de ne dire que le minimum nécessaire ! »

Lorsque Lukáš Glaser est enfin appelé sur scène, il réserve au public du festival de Cannes une étrange anecdote.

« - Le troisième film de cette sélection ce matin est tchèque, il nous vient de la FAMU de Prague. Pour vous présenter « Naus », Monsieur Lukáš Glaser.

'Naus'
- Je vous souhaite la bienvenue ici. J’ai eu de gros problèmes avec ce film dans mon école puisque mes enseignants n’ont pas compris ce que je voulais dire et ils m’ont viré de l’école ! Je suis donc très heureux d’être ici aujourd’hui et j’espère que vous aimerez le film »

Dès la fin de la projection, le film est accueilli par de chaleureux applaudissements… Et Lukáš Glaser est soulagé…

« Je suis content que la projection se soit techniquement bien passée. On ne s’attendait pas à ce que l’image soit aussi étendue. Je suis surtout ravi que les spectateurs aient été très concentrés pendant le film et leurs réactions m’ont semblé positives ! »

« Naus », le film de Lukáš Glaser, est un film d’animation… Son synopsis, mystérieux, tient en une phrase : « La philosophie n’est pas morte, mais le personnage principal de cette histoire l’est presque ». A leur sortie de la salle, les spectateurs donnent leur premier avis sur le film.

« -Sincèrement j’ai pas bien compris, excusez-moi.

Je ne peux vous dire la vérité ? Si ? J’ai dormi ! Ce n’est pas bien, hein ?

C’est pas mal, un petit cauchemar surréaliste. Ca prend forme avec le temps. Au départ, je n’ai pas trouvé ça tellement intéressant, puis ça le devient. Ca se construit au fur et à mesure. C’est vrai que le cinéma tchèque est affublé d’un cliché surréaliste, mais ce film n’est pas plus tchèque qu’autre chose puisque le réalisateur fouille un cauchemar très personnel.

Le dessin animé : je n’ai pas tout compris à vrai dire.

C’était bien, ça m’a assez plu. Même si je ne pourrais pas refaire le scénario, c’était une belle œuvre d’imagination.

Le film était magnifique, je crois qu’il a vraiment des chances de gagner quelque chose. »

'Naus'
Lukáš Glaser n’aura que quelques minutes à attendre pour savoir si son film recevra un prestigieux prix du festival de Cannes. Le jury, présidé par le réalisateur taïwanais Hou Hsiao Hsien se retire en effet immédiatement après la fin des projections pour délibérer. Le temps peut être pour Lukáš Glaser de réviser quelque peu la filmographie du président du jury…

« Qui est Hou Hsiao Hsien ? C’est quoi ce nom que vous dîtes ? C’est le jury ou quoi ? Non, je ne sais pas. Je ne leur ai pas parlé. J’ai vu les membres du jury seulement dans le catalogue. Ah, je vois, vous me parlez du taïwanais ???

« Naus » de Lukáš Glaser ne figurera pas parmi les 3 films primés sur les 17 qui figuraient en compétition. Ce qui n’a pas empêché malgré tout le jury d’apprécier ce film tchèque. A l’image du réalisateur français Olivier Assayas, qui aurait volontiers décerné un prix au film…

« J’ai beaucoup aimé Naus et c’est un de mes regrets du palmarès. D’ailleurs le film était à deux doigts d’y être et ce sont toujours des équilibres un peu compliqués, mais je trouve que le cinéaste qui a fait ce film a beaucoup de talent. Naus fait partie des films que je retiendrai, et il est symboliquement, dans mon esprit en tout cas, dans le palmarès. »

L’actrice française Marina Hands, elle aussi membre du jury, précise que l’ensemble de ses collègues a d’ailleurs particulièrement apprécié le film tchèque…

« C’est un film qui a vraiment beaucoup plu au jury même s’il y en a trois ou quatre autres qu’on a mis au dessus. Il y a avait beaucoup de considération pour l’animation en tout cas et j’espère qu’il ne sera pas trop déçu… »

Pour Roman Štětina, responsable du son et de la musique du film, l’expérience cannoise restera malgré tout, un souvenir impérissable…

« Je pense que c’est un grand succès même si on n’a pas obtenu de prix parce que personne ne s’attendait à ce que le film puisse être sélectionné à Cannes ! On est très heureux de ce succès. »

Lukáš Glaser, de son côté, est prêt à se remettre au travail dès son retour à Prague et ne manque pas d’ambition pour la suite de sa carrière….

« Je suis heureux d’être venu et d’avoir vu tous ces films. Bien évidemment, je vais continuer à créer et peut-être qu’on se reverra ici un jour »

Souhaitons à Lukáš Glaser de revenir présenter ses prochains films à Cannes. Mais si les films des étudiants de la FAMU sont régulièrement sélectionnés dans le programme de la Cinéfondation, rares sont ceux qui confirment par la suite en revenant dans le cadre de la compétition officielle de longs métrages. Une compétition cannoise dans laquelle plus aucun film tchèque n’a été convié depuis maintenant plus de 15 ans !