L’Université Charles sert-elle la propagande chinoise ?

Karlsuniversität (Foto: Kristýna Maková, Archiv des Tschechischen Rundfunks - Radio Prag)

L’Université Charles est de nouveau la cible de vives critiques. Après avoir un temps envisagé, avant finalement de se rétracter sous la pression, d’accepter le soutien financier d’une société spécialisée dans l’offre de crédits à la consommation propriété du plus grand milliardaire tchèque, l’institution est désormais accusée d’avoir accepté un financement de l’ambassade de Chine à Prague pour l’organisation de conférences et d’un cours faisant la promotion du régime et de la politique de Pékin.

L’Université Charles | Photo: Kristýna Maková,  Radio Prague Int.
« L’hiver chinois sur Karlovka » - comprenez sur l’Université Charles -, titrait, ce lundi, l’hebdomadaire Respekt. Et pour cause : la plus grande université de République tchèque, qui est aussi la plus ancienne en Europe centrale, traverse des dernières semaines mouvementées. « A peine les échos de la polémique née de la tentative du recteur Tomáš Zima de faire de la société controversée Home Credit - qui possède d’importants intérêts en Chine - le ‘partenaire principal’ de l’école pour un demi-million de couronnes sont-ils retombés (cf. : https://www.radio.cz/fr/rubrique/infos/suite-a-la-polemique-la-societe-de-credits-a-la-consommation-home-credit-se-retire-du-partenariat-avec-luniversite-charles), que la respectable institution se retrouve dans un pétrin plus sale encore », explique le magazine.

La semaine dernière, en effet, le quotidien en ligne Aktuálně.cz a publié une information selon laquelle des employés de l’université ont accepté de l’ambassade de Chine de l’argent (un peu plus de 45 000 euros) qui a servi à l’organisation dans les murs de l’école de diverses conférences, ainsi qu’au financement d’un cours dispensé aux étudiants pour vanter les mérites de la Chine actuelle. « L’ambassade de Chine a secrètement financé un cours sur les avantages de la Route de la soie », titrait d’ailleurs le site d’actualité.

Miloš Balabá,  photo: Marián Vojtek,  ČRo
Ces conférences ont été organisées par un dénommé Miloš Balabán, qui est le secrétaire du Centre tchéco-chinois de l’université. C’est toutefois la société dont il est le fondateur, appelée Centre de politique de sécurité, soit le même nom qu’une organisation officielle de la Faculté des sciences sociales de l’université, qui a encaissé l’argent. Suite à la divulgation de l’affaire, Miloš Balabán a démissionné de ses fonctions à l’université, ainsi qu'une de ses collègues.

Reste néanmoins que les conférences en question ont été placées sous le patronage du recteur de l’Université Charles, Tomáš Zima, qui s’est par ailleurs exprimé lors de plusieurs d'entre elles. Logiquement soupçonné d’avoir couvert ces pratiques, celui-ci se retrouve donc lui aussi désormais sous le feu de la critique. Tomáš Zima estime toutefois que c’est l’université qui a été trompée :

Tomáš Zima,  photo: Archives de Radio Prague
« Nous avons appris cette affaire il y a quelques jours de cela de sources publiques. Nous avons commencé immédiatement à vérifier l’origine du financement, comme nous l’avions déjà fait par le passé pour le Centre tchéco-chinois (de l’université), et je peux affirmer que l’Université Charles n’a reçu aucun support de l’ambassade de Chine. Il ne s’agissait là que d’une activité purement privée de la société qui s’appelle Centre de politique de sécurité. Ce qui me choque beaucoup, est que quelqu’un, en l’occurrence Miloš Balabán, puisse diriger une société qui porte le même nom qu’une institution de l’Université Charles pour laquelle il travaille. Il s’agit d’une violation du code éthique de l’Université Charles. »

Intitulées « Les défis de l’avenir numérique » ou encore « Les intérêts communs de l’Union européenne, de la Tchéquie et de la Chine dans un monde changeant », ces conférences n’avaient d’autre but que de faire valoir les intérêts de la Chine, comme l’estime le sinologue Martin Hála :

« Je pense qu’il s’agissait très clairement de conférences à caractère propagandiste. Elles faisaient la promotion du discours et de la ligne du parti communiste chinois, qu’il s’agisse des initiatives internationales comme La Ceinture et la Route – ou si vous préférez la nouvelle route de la soie – ou de la participation de sociétés cybernétiques et numériques chinoises au développement des technologies numériques à l’étranger et ainsi de suite. »

Plus largement, cette affaire intervient dans un contexte rendu tendu par la décision de la ville de Prague de rompre l’accord de partenariat avec Pékin, une décision qui a été très critiquée par le président tchèque prochinois Miloš Zeman et qui a été très mal perçue par les autorités chinoises.

Enfin, plus récemment, le chef des services de renseignements (BIS) a mis en garde contre certaines pratiques de la Chine qui viseraient à recruter des agents tchèques notamment dans les milieux scientifique, industriel, politique et peut-être donc aussi universitaire.