Reprise des cours à la faculté des Lettres, endeuillée depuis la fusillade du 21 décembre
Le deuxième semestre universitaire commence officiellement ce lundi, à la faculté des Lettres de l’Université Charles, près de deux mois après la tuerie qui a causé la mort de 14 personnes et fait 25 blessés dont certains très grièvement. Entre temps, la communauté académique a organisé de nombreux événements afin de permettre aux étudiants, professeurs et personnel endeuillés de se réapproprier les lieux. Pour en parler, Radio Prague Int. a interrogé Michaela Slussareff, vice-doyenne pour les relations extérieures de la Faculté des Lettres, qui a rappelé l’importance d’avoir procédé progressivement et par étapes pour retour à la normale :
« C’était important, oui. Nous avons consulté de nombreux psychologues et experts tchèques et étrangers, qui ont une expérience de situations de crise et de tragédies de ce genre. C’était très important d’avoir fait quelque chose un mois après la fusillade, symboliquement. Et aussi l’idée de l’ouverture de la faculté vendredi dernier était d’offrir aux étudiants et aux académiciens un espace pour venir sans avoir besoin d’être pressé par les cours et le travail. Chacun a eu une expérience différente, chacun a besoin de quelque chose d’autre. Ce n’est pas suffisant de juste venir et tout le monde a besoin de vivre avec ses émotions. D’où l’idée d’ouvrir un espace pour cette occasion. »
Combien d’étudiants reviennent à l’occasion de ce deuxième semestre et qu’est-ce qui a été préparé pour les accueillir dans les meilleures conditions possibles ?
« Nous communiquons de manière régulière avec les étudiants depuis décembre à propos de l’organisation des études, des examens, mais aussi l’offre de soutien psychologique et thérapeutique. Nous pensons donc qu’ils sont un peu plus préparés pour commencer le semestre de manière la plus normale possible. Des milliers de personnes ont eu recours au soutien psychologique et thérapeutique à disposition et on a l’impression que ça a vraiment aidé. C’était important de travailler avec eux depuis le début pour éviter des problèmes psychologiques sur le long terme. J’ai l’impression que ça a été efficace car il y a de moins en moins de demandes pour les interventions de crise psychologique. »
Enseignement aménagé, soutien psychologique et chien thérapeutique
Le programme d’enseignement a toutefois été assoupli, aménagé : les étudiants qui le souhaitent pourront reporter certaines dates d’examen. Il y a une forme de flexibilité par rapport au cursus habituel…
« Exactement. Tous les étudiants ont la possibilité d’étudier six mois de plus et diverses manière de suivre les cours de manière flexible. On ne compte pas les crédits pour pouvoir passer à l’année supérieure par exemple. On ne voulait pas non plus bloquer les étudiants qui veulent étudier normalement, plus rapidement. On a juste proposé des possibilités d’aménagement et un soutien, des consultations pour les programmes individuels d’étude. Sur place, nous avons des psychologues. Cette semaine, nous accueillons même un chien thérapeutique dans le bâtiment. C’est important d’aide les étudiants, mais aussi les professeurs et les employés. »
Au cours des deux derniers mois, de nombreux événements ont été organisés pour permettre à la communauté universitaire de se réapproprier symboliquement les lieux. Avez-vous l’impression que ce processus a été salutaire ?
« A la fin du mois de décembre, les étudiants ont été très actifs. Il leur manquait un espace commun et nous avons donc commencé à organiser un événement qui est devenu ‘Un mois pour la faculté’. Devant la faculté, de nombreux événements ont été organisés pour les étudiants, mais par les étudiants de l’Université, mais aussi de l’Ecole des arts et métiers, UMPRUM, qui est à côté et qui a aussi été touchée. Ils ont tous aidé à préparer un lieu commémoratif. Tout cela fait l’objet de discussions au sein de la communauté universitaire et étudiante. »
Le quatrième étage où s’est déroulée une grande partie de la tragédie ne rouvrira pas avant au moins avant la rentrée universitaire à l’automne. Dans quel état se trouvent les locaux actuellement ?
« Jusqu’au troisième étage, nous avions ‘juste’ besoin de réparer toutes les portes qui ont subi d’importants dégâts pendant l’intervention de la police. 133 portes ont dû être remplacées et c’est la raison pour laquelle il était impossible de rouvrir le bâtiment plus tôt. Toutes les réparations des portes sont presque terminées, donc les cours ont pu reprendre. Au quatrième étage ce sont par contre de très gros travaux : tout l’étage doit être retapé, reconstruit complètement. »
Des étudiants impliqués et « forts »
Quelque chose est-il prévu à l’avenir pour rappeler la mémoire des victimes au sein du bâtiment situé place Jan Palach ? Y a-t-il un projet de mémorial ?
« C’est en discussion. On ne veut pas décider tous seuls au sein de la direction. On veut que ce soit discuté. Et nous voulons impliquer dans cette discussion les groupes de personnes qui ont été les plus touchés : les départements où il y a eu le plus de blessés et de victimes, mais aussi les familles qui ont eu à déplorer des blessés et des victimes. Donc nous avons besoin de temps avant que tous ces acteurs soient prêts à en discuter. Nous ne voulons pas décider maintenant, c’est trop tôt. »
Avez-vous des nouvelles des personnes blessées qui ne pourront pas reprendre les cours ce lundi ou de celles qui ont repris le cours ? Comment vont-elles ?
« La communication avec les personnes blessées est centralisée au rectorat, ce n’est pas la faculté qui communique directement elles. Cela veut dire que nous ne communiquons avec les étudiants blessés que lorsqu’ils ont besoin de soutien par rapport à leurs études. On sait que de nombreuses personnes blessées ont repris les cours, mais certains ont choisi de le faire en ligne. On sait également qu’un étudiant a fini ses études et a passé ses examens finaux lors de la session du mois de janvier. Pour nous, ce sont des nouvelles très positives. Je suis personnellement très surprise : tous ont l’air très motivés, personne ne semble avoir renoncé à continuer ses études en cours de route. Je dois dire que les étudiants sont vraiment forts. »