Macron – Le Pen : à Prague aussi, leurs militants ont fait campagne
Le premier, Benjamin Schifres, est le représentant d’En Marche ! en République tchèque et l’animateur du comité de Prague. Le second, Jean-Pierre Hottinger, est le représentant du Front national (FN), investi depuis Prague en Allemagne et en Europe centrale dans la perspective du vote des Français de l’étranger aux élections législatives. Avant le second tour de l’élection présidentielle en France ce dimanche, tous deux, qui étaient les invités du débat de la Télévision tchèque qui a suivi l’annonce de la qualification d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen, nous ont confié comment ils avaient vécu leur campagne.
Benjamin Schifres, que nous avons rencontré jeudi, nous raconte comment il a passé sa soirée de mercredi dernier, marquée par la tenue du débat entre Emmanuel Macron, son favori, et Marine Le Pen :
« Un petit peu comme un match de foot. Nous étions tous regroupés dans un café devant un projecteur pour regarder. C’était donc assez excitant d’avoir la communauté francophone réunie. »
Jean-Pierre Hottinger, lui, a vécu cette campagne électorale différemment. Dans un pays, la République tchèque, où Marine Le Pen n’a recueilli qu’un peu plus de 80 voix des Français qui ont voté à l’ambassade lors du premier tour, un score qui l’a placée en cinquième position derrière Emmanuel Macron, arrivé nettement en tête (560 voix), François Fillon, Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon, la mission du candidat du FN pour les prochaines législatives ne consiste pas nécessairement à rassembler :
« L’hypothèse, depuis le début des élections, a toujours été que Marine Le Pen arrive au deuxième tour. Malgré tout, il y avait un gros travail d’information dans la mesure où, au départ, il n’était pas évident d’expliquer que le FN aujourd’hui n’est plus le FN de Jean-Marie et qu’un grand pan du programme est d’ordre social. Evidemment, l’émigration reste un sujet très important, puisqu’il y beaucoup d’éléments du programme qui dépendent du flux des migrations. Mon activité ici consistait donc en une coordination qui devait se faire sur l’ensemble des pays de la circonscription, qui va de l’Allemagne jusqu’aux pays de l’ancienne Yougoslavie. Et puis j’ai participé à plusieurs reportages, notamment pour la télévision. »Le comité d’En Marche à Prague a passé plus de temps à débattre. Une nécessité selon Benjamin Schifres, et pas seulement pour mieux définir le profil du candidat Macron :
« Les gens sont très contents de venir aux réunions que nous organisons régulièrement depuis près de neuf mois. Il ne s’agit pas seulement d’expliquer aux militants ce qu’est le programme de Macron ou comment le défendre. L’intérêt est aussi d’avoir le retour de Français vivant à l’étranger et d’Européens vivant en République tchèque. Ce qui est important pour nous, c’est de faire participer les gens au débat démocratique ici, à Prague. Les gens reviennent pour cette raison. Très visiblement, ils sont satisfaits de voir qu’il peut y avoir des débats sans aprioris. Qu’il s’agisse de militants de gauche ou de droite, des gens très différents s’y retrouvent. Certains débats sont parfois un peu plus animés, mais il y a malgré tout une atmosphère d’écoute. Or, c’est ce les gens ont un peu perdu dans les débats politiques. Ils ne s’écoutent plus, comme on a d’ailleurs pu en être les témoins mercredi soir. »
Vue de Prague comme une élection essentielle pour l’avenir de l’Union européenne, la présidentielle française a fait l’objet d’une grande attention des médias tchèques. Jean-Pierre Hottinger explique le regard que ceux-ci portent, selon lui, sur la candidate Le Pen, personnalité politique française parmi les plus connues - ne serait-ce que de nom et de réputation - des Tchèques :« Les Tchèques sont naturellement un peu distants et sensibles par rapport à toutes les puissances qui pourraient avoir une influence sur eux. Il ne faut pas oublier qu’ils ont été sous l’Empire austro-hongrois, avant de passer sous l’empire soviétique et de se retrouver aujourd’hui sous l’empire européen. 90% d’entre eux se posent des questions, et nombreux sont ceux parmi eux qui sont eurosceptiques. Ils sont donc particulièrement attentifs à ce qui se passe, car ils ont compris qu’il y avait un enjeu de civilisation extraordinaire qui aura un impact sur eux. Aujourd’hui, la République tchèque est un ‘pays tournevis’ par rapport à la France. Ils se rendent compte que si les choses devaient mal se passer, ils pourraient devenir, dans le cas extrême, des esclaves qui vendent à des chômeurs. Cela permet donc de se poser quelques questions sur l’avenir de l’Europe. »
Benjamin Schifres admet lui aussi que l’Europe, que ce soit pour les Français de l’étranger ou les Tchèques, a été un thème important de la campagne :
« Oui, beaucoup, surtout à Prague où l’Europe est approuvée. Les gens sont plutôt européens ici, mais on doit les convaincre. Rien n’est donné vis-à-vis de l’Europe. Les gouvernements français sont européens, mais pour la forme, et ils n’ont rien fait les dix dernières années pour susciter de l’enthousiasme. Macron est le seul à dire qu’il est fier d’être européen et que nous devons être fiers d’être européens. Les gens ont besoin d’entendre ce type de discours qui les touche beaucoup, car certains ont des familles franco-tchèques, ou avec d’autres nationalités, et nous avons besoin d’être rassurés pour nos enfants. »Et pour ceux qui comprennent le tchèque et souhaitent avoir une analyse ou un regard différent sur le résultat final de l’élection présidentielle en France, Benjamin Schifres et Jean-Pierre Hottinger seront de nouveau les invités de l’émission spéciale de la Télévision tchèque dimanche soir.