Pour Prague, Emmanuel Macron est un « garant sans faille de la coopération franco-tchèque »
En Tchéquie aussi, on a suivi de très près l’élection présidentielle française, alors que le pays doit succéder à la France début juillet à la présidence du Conseil de l’Union européenne. Le résultat du scrutin était considéré comme déterminant sur l’orientation future de la France en termes de politique européenne et à la lumière de la guerre en Ukraine. Tour d’horizon des réactions côté politique et côté presse en République tchèque, après la victoire d’Emmanuel Macron face à Marine Le Pen.
Le président Miloš Zeman a pris le temps de la réflexion, avec un message de félicitations adressé ce lundi à Emmanuel Macron dans lequel il a soutenu les efforts déployés par le président français réélu vis-à-vis du maintien d’un contact avec la Russie et son président Vladimir Poutine. « Il est clair que notre liberté et notre avenir font également l'objet d'un combat en Ukraine. Mais notre aide à l'Ukraine doit aller de pair avec les efforts diplomatiques pour mettre fin aux combats et trouver la paix, » a développé le chef de l’Etat tchèque, longtemps objet de critiques pour ses liens avec Moscou.
A contrario, c’est quelques minutes à peine après l’annonce des résultats donnant Emmanuel Macron vainqueur de Marine Le Pen à la faveur d’un front républicain affaibli, mais bien présent malgré tout, que le Premier ministre tchèque Petr Fiala (ODS) a réagi ainsi que le rappelle Martin Balucha, correspondant de la Radio tchèque à Paris :
« Parmi les premiers à féliciter Emmanuel Macron figurait en effet le Premier ministre tchèque Petr Fiala. Sur son compte Twitter il a souligné que la France était un partenaire important pour la République tchèque, et que c’est la Tchéquie qui allait prendre le relais après la présidence française du Conseil de l’Union européenne. La France est un partenaire primordial pour la République tchèque dans beaucoup de domaines, comme le nucléaire, le numérique ou actuellement en Ukraine. Emmanuel Macron est pour Prague un garant sans faille de cette coopération. »
Un garant de cette coopération bilatérale qui va faire face à de nombreux « défis » pour le chef de la diplomatie tchèque, Jan Lipavský, qui a réagi dimanche soir en français dans le texte au résultat du scrutin présidentiel.
Pour la présidente de la Chambre des députés Markéta Pekarová Adamová du parti de la coalition gouvernementale TOP 09, la victoire du président Macron marque la défaite du nationalisme et du populisme. Elle s’est félicitée du fait que la France restait « le partenaire de la République tchèque au sein de l’OTAN ». Le vice-Premier ministre et ministre du Développement régional Ivan Bartoš (Pirates), s’est lui réjoui de la possibilité « d’approfondir la coopération franco-tchèque » et de « travailler avec la France pendant notre présidence du Conseil de l’Union européenne ».
Car ces présidences successives, au sein de la troïka France-Tchéquie-Suède, étaient au cœur des expectatives des dirigeants tchèques – s’il a pu y avoir des tendances eurosceptiques dans le pays par le passé, elles ne sont plus guère à l’ordre du jour à l’heure de la guerre en Ukraine, or une victoire de Marine Le Pen, affiliée à Vladimir Poutine, aurait pu considérablement changer la donne en termes de coopération. Pour Kateřina Šafaříková, correspondante à Bruxelles de l’hebdomadaire Respekt et du quotidien économique Hospodařské noviny, la continuité en France est donc une bonne nouvelle pour les partenaires tchèques :
« C’est une très bonne nouvelle pour la France, pour l’Europe et aussi pour la République tchèque : la France, la Tchéquie et la Suède forment cette troïka qui assurent la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne. A l’heure actuelle, c’est la présidence française qui va être suivie de la présidence tchèque puis suédoise. Pour les représentants des trois pays, c’est bien de pouvoir continuer à travailler ensemble ce qu’ils font d’ailleurs depuis des mois de manière étroite. Pour la diplomatie tchèque, c’est donc bien d’avoir cette continuité. »
Certains hommes politiques tchèques n’ont toutefois pas manqué d’exprimer leur inquiétude face au score de Marine Le Pen qui, si elle n’est pas sortie victorieuse de ce duel, affiche un résultat final en constante augmentation depuis des années : « Le Pen sort renforcée, nous devons nous méfier », a estimé, pour sa part, le président du Sénat tchèque Miloš Vystrčil (ODS), s’inquiétant de la montée en puissance des voix pro-russes qui ne partagent pas les mêmes valeurs que l’Union européenne.
Parmi ces voix dissonantes, l’un de ses représentants avaient même fait le déplacement à Paris pour soutenir en personne Marine Le Pen : celle-ci a rendu la pareille à Tomio Okamura, chef de file du parti d’extrême-droite SPD, qui l’avait invitée à Prague il y a quelques années, en l’accueillant dans son QG de campagne en lisière du bois de Boulogne. Tomio Okamura a estimé que la perdante avait « remporté une victoire morale » et que ses idées, elles, avaient gagné.
La concomitance de l’élection présidentielle française et des législatives en Slovénie, où le populiste Janez Janša a été battu par un nouveau venu, Robert Golob, étiqueté au centre-gauche et doté d'un programme écologique, n’a pas échappé à certains observateurs tchèques qui ont noté une « victoire » contre le populisme lors de cette soirée électorale de dimanche. D’autres avancent même un enchaînement vertueux de rejet du populisme, quelques mois après la défaite du milliardaire tchèque Andrej Babiš en Tchéquie, remplacé par la coalition actuellement au pouvoir, alors même que côté tchèque, une certaine inflexion positive dans la manière de voir la France et ses dirigeants semble être de mise, comme le note Kateřina Šafaříková :
« Dans le passé, les politiques tchèques ont pu se moquer des Français en ayant recours à des clichés classiques : mangeurs de grenouille, grévistes, paresseux… La manière de vivre à la française est souvent, pour les Tchèques, éloignée de leur culture très imprégnée par la civilisation allemande. Cette méconnaissance qui s’apparentait parfois à du mépris a toutefois changé ces derniers mois. Selon moi, les politiques tchèques apprécient de plus en plus la connaissance et l’expérience de la France au sein de l’UE. Ils apprécient aussi davantage le leadership français. On a pu voir une forme de renaissance de l’énergie nucléaire en France, or cela correspond à ce qu’aspire la République tchèque. Les réformes économiques libérales du gouvernement français sont également appréciées par les représentants tchèques. Il y a donc plus de choses en commun actuellement par rapport à ce qui prévalait il y a quelques années. Donc, la réélection d’Emmanuel Macron est bien vue côté tchèque car cela veut dire que la coopération peut continuer sur cette lancée avec la France. »