Magazine : le rugby en Tchéquie
Activité mineure, loin derrière le football, le hockey sur glace et bien d'autres sports collectifs encore, le rugby, malgré son manque de moyens, tant humains, qu'économiques et matériels, s'efforce depuis maintenant près de 80 ans de percer et de faire son trou sur l'échiquier du sport tchèque.
Ce samedi, la République tchèque recevait donc l'Espagne, déjà condamnée avant la rencontre à la relégation dans le groupe B. Après une défaite (23-7) la semaine précédente contre la Géorgie, à Tbilissi, les Tchèques devaient se racheter, à Prague, devant leur public (1700 spectateurs) pour prouver aux observateurs que leur place dans le groupe A était méritée et légitime. Et à l'issue d'un match de moyenne facture, hâché par de nombreuses pertes de balle, c'était mission accomplie puisque les Lions tchèques avaient pris le dessus sur les Lions espagnols (16-6). Au coup de sifflet final, Michel Bernardin, le co-entraîneur français du XV tchèque, avait toutefois un sentiment mitigé, partagé entre le plaisir de la victoire et la manière avec laquelle celle-ci avait été acquise :
« Sur ce match, je crois que l'équipe tchèque amontré qu'elle avait des qualités et qu'elle méritait sa place dans ce groupe. Mais c'est vrai qu'il y aencore beaucoup de travail à faire, parce que c'est un match qu'elle aurait dû gagner plus largement si elle avait su tenir le ballon dans le terrain. L'Espagne était une équipe très joueuse, nous n'avions donc pas intérêt à leur redonner des occsions, ce que nous avons, malheureusement, un peu trop souvent fait dans ce match. Donc, ça veut dire qu'il y a des moyens, des qualités, mais il faut travailler sur la connaissance du jeu. Les joueurs ont du mental, de l'envie, maintenant ils ont besoin d'apprendre à jouer. »
L'analyse était également partagée par Jan Machacek, l'ancien troisième ligne, entre 2000 et 2003, de l'AS Montferrand, équipe avec laquelle il participa d'ailleurs à la finale du championnat de France, au Stade de France, en 2001. Revenu depuis au pays, Jan Machacek est aujourd'hui co-entraîneur et joueur de l'équipe nationale tchèque. Satisfait du succès des siens, il ne se voilait toutefois pas la face suite à leur prestation :
" Je suis content du résultat parce que nous avons gagné un match difficile. Nous avons aussi prouvé que nous sommes un petit peu mieux que les Espagnols en ce moment. Cette victoire nous procure donc un grand plaisir. »
-Même si vous avez gagné, la victoire a été acquise dans la difficulté. Qu'a-t-il manqué à votre équipe pour l'emporter plus facilement ?
« Oui, oui, c'est vrai. Nous avons manqué quelques efforts, un peu de concentration parce qu'avec l'équipe qui est la nôtre, avec notre potentiel, nous devons gagner plus largement. »
-Quels sont les secteurs de jeu dans lesquels vous devez encore progresser ?
« C'est clair. Ce sont définitivement les touches et les nettoyages autour des mêlées ouvertes. »
Actuellement, pas moins de huit joueurs faisant partie du groupe de l'équipe nationale évoluent en France, pouvant ainsi y poursuivre leurs formation et leur progression rugbystiques. Eduard Krutzner, président de la Fédération tchèque de rugby, est pour beaucoup dans ces échanges franco-tchèques :
" C'est grâce à notre amitié avec Michel Bernardin qui remonte aux années 1970. Lui maintenant entraîne l'équipe de Saint-Nazaire où six de nos joueurs évoluent. C'est une possibilité que nous avons aussi mise en place pour d'autres joueurs comme Martin Jagr, qui joue à Toulon. Jan Rohlik a également joué à Toulon, et Pavel Stastny a commencé à Biarritz, maintenant il est à Vichy. Bref, c'est grâce aux connaissances, contacts, nombreux amis que j'ai gardés du temps où, plus jeune, j'ai aussi joué en France, à Besançon, au niveau national. »
Largement francophile, donc, le rugby tchèque ne manque surtout pas de sympathie et de bonne humeur, valeurs chères à un sport dans lequel, plus peut-être encore que dans tout autre, l'amitié, ciment du collectif, reste un facteur primordial de progression.