Maria Topolčanská, première femme à la tête de l’Académie des beaux-arts

Maria Topolčanská

A peine deux mois après la nomination de Milena Králíčková à la tête de l’université Charles de Prague, c’est au tour de l’Académie des beaux-arts (AVU) d’élire sa toute première rectrice.

Le bâtiment principal de l’Académie des beaux-arts de Prague | Photo :  Radio Prague Int.

Architecte et maître de conférences à l’Académie des beaux-arts de Prague, Maria Topolčanská s’intéresse à la dimension politique de la pratique architecturale et à la théorie du logement dans les villes contemporaines. Originaire de Bratislava, elle vit à Prague depuis 2013. Le 1er décembre 2021, elle a donc été nommée rectrice de l’Académie des beaux-arts de Prague, une fonction qu’elle occupera à partir du 1er février. Elle crée ainsi un précédent, car l’institution fondée il y a 222 ans avait jusque-là été dirigée uniquement par des hommes. Au micro de la radio tchèque, Maria Topolčanská explique en quoi sa tâche sera fondamentale :

« Ma charge de rectrice sera, je pense, très importante. Je pense en effet qu’elle peut avoir une influence sur beaucoup d’institutions, non seulement du point de vue de la direction d’une institution par une femme, mais aussi parce qu’elle ouvre une réflexion sur les différents modes de direction en matière d’enseignement et d’institutions. La volonté de faire figurer des femmes à des postes publics et de direction n’est pas simplement une tendance ; c’est quelque chose d’irréversible. Cela dit, lorsque l’on veut se faire une place à la tête d’ateliers de disciplines artistiques ou architecturales, mais aussi à des postes universitaires élevés, la marche est plus haute pour qui ne s’inscrit pas dans la ligne de continuité – qui est pour l’instant avant tout masculine, il faut bien le dire. »

L’Académie des beaux-arts | Photo : Radek Dětinský,  L’Académie des beaux-arts

Maria Topolčanská a exprimé son désir de faire de la plus ancienne académie d’art de République tchèque un lieu de discussion non seulement sur l’art, mais également sur « la façon dont nous apprenons les uns des autres ». Elle prône également une approche plus humaine de la gestion de l’institution, mettant l’accent sur la nécessité d’un équilibre entre la vie personnelle et professionnelle ou estudiantine.

D’autres défis plus pragmatiques l’attendent également au cours de sa mission, avec notamment le nécessaire agrandissement des locaux de l’AVU, soit par la construction d’un nouveau bâtiment, soit par la location et l’aménagement d’un bâtiment existant. Une tâche pour laquelle son expérience d’architecte s’avérera certainement utile.

Le bâtiment de l’école d’architecture | Photo : Gampe,  Wikimedia Commons,  public domain

L’Académie des beaux-arts dispose déjà de plusieurs bâtiments situés dans différents quartiers de Prague. Le bâtiment principal se trouve dans le quartier de Letná ; à proximité de celui-ci se trouve également le bâtiment de l’école d’architecture, bâtiment conçu par l’architecte tchèque Jan Kotěra, d’ailleurs né il y a juste 150 ans. (Un anniversaire à l’occasion duquel RPI a préparé une galerie de photos de ses œuvres, toujours accessible depuis notre site Internet.)

L’Académie des beaux-arts dispense un enseignement supérieur en peinture, sculpture, dessin et arts graphiques, intermédia, nouveaux médias, restauration d’œuvres de peinture et de sculpture, et conception architecturale. Elle a formé des étudiants devenus par la suite des artistes de renommée mondiale, comme les peintres Max Švabinský, František Kupka, Jindřich Štyrský et Antonín Slavíček, mais également, plus récemment, l’architecte Eva Jiřičná.

Le bâtiment principal de l’Académie des beaux-arts de Prague | Photo :  L’Académie des beaux-arts

Maria Topolčanská explique en quoi cette école est, selon elle, intéressante :

« Je pense pouvoir affirmer que c’est l’une des écoles d’art les plus intéressantes en République tchèque, mais aussi l’un des établissements d’enseignement supérieur les plus intéressants du pays. Il y a plusieurs raisons à cela : d’abord, parce qu’elle est ancrée dans une tradition de plus de deux siècles, et pourtant elle est relativement petite. Par ailleurs, elle présente des caractéristiques que l’on observe actuellement dans d’autres établissements d’enseignement supérieur ailleurs en Europe. En effet, les écoles ne sont pas dirigées uniquement depuis le haut par des personnalités qui occupent sans surprise les postes de direction ; il y a également une volonté de réflexion venant de l’intérieur et du bas. »

« Je ne pense pas qu’il soit possible de transférer directement un modèle d’école d’art ni un modèle d’enseignement. Mais on peut apprendre beaucoup de choses en les observant, et en observant leurs évolutions, pour le meilleur et pour le pire. On peut en tirer des idées à appliquer, de façon temporaire, ou à transformer pour les amener à un niveau officiel, institutionnel, à un standard européen. Je veux donc axer mon travail sur la recherche d’un modèle qui pourrait être encore plus intéressant que ceux que l’on voit en Europe. Par ailleurs, pour ce qui est de l’inclusion sociale ou de l’écologie, nos étudiants y réfléchissent beaucoup et sont très responsables. Pour ma part, je souhaite que ces thèmes soient pris en compte lors de toutes les prises de décisions.

Maria Topolčanská | Photo :  L’Académie des beaux-arts

En-dehors de l’Académie des beaux-arts, Maria Topolčanská s’investit dans plusieurs projets et initiatives nationales ou internationales. Ainsi elle est membre du comité de nomination du prix d’architecture Mies van der Rohe de l’UE à Barcelone pour la République tchèque et du groupe de travail de recherche artistique ELIA, un groupe de travail de la Ligue européenne des écoles d’art pour la recherche artistique à Amsterdam. Ses nouvelles responsabilités de rectrice de l’Académie des beaux-arts ne l’empêcheront cependant pas de continuer ses autres activités, y compris l’enseignement.

« Je souhaite continuer à enseigner, non seulement par respect et admiration pour la direction actuelle – car le recteur Tomáš Vaněk et son équipe ont continué à enseigner durant l’exercice de leurs fonctions de direction –, mais aussi parce que cela assure le lien avec le processus pédagogique. Même si ce cumul est assez compliqué à assurer. »