Martin Štěpánek, le Jacques Mayol tchèque
Le plongeur en apnée Martin Štěpánek, né en 1977, a battu au cours de sa carrière un grand nombre de records du monde. Une performance d’autant plus étonnante qu’il a grandi à Trutnov, une ville située dans le nord-est de la Bohême au pied des Monts des Géants. Il a commencé à faire de la plongée à l’âge de huit ans, mais ce n’est qu’à l’âge de vingt ans qu’il s’est lancé dans la plongée en apnée professionnelle en Floride, où il se déplaçait à cette époque et où il a ouvert une école de plongée assez renommée. Martin Štěpánek est capable de retenir sa respiration pendant 8 minutes et 6 secondes et la capacité de ses poumons dépasse les huit litres. Il est membre de l’équipe professionnelle tchèque de plongée en apnée qui a remporté dans trois catégories la deuxième place au Championnat du monde 2008 à Charm-el-Cheik. Radio Prague vous propose une interview en deux parties de Štěpánka Budková avec le plongeur Martin Štěpánek, qui tentera à la fin du mois de mai de battre les records du monde dans trois disciplines à Charm-el-Cheik. Le record de plongée à poids constant sera de 120 mètres. Plus de détails avec Martin Štěpánek.
Comment se déroule la plongée, lorsque vous vous lancez dans les profondeurs, vous descendez puis remontez ?
« La plongée est un processus qui se compose de plusieurs étapes. La première, qui est assez importante, se passe à la surface. C’est l’étape préparatoire. Le plongeur respire à l’aide de différentes techniques respiratoires et essaie de ralentir son pouls pour consommer le moins d’oxygène possible pendant la plongée. En même temps, il s’efforce d’oxygéner son sang et son corps. Ainsi il règle la quantité de gaz carbonique dans le corps poussant à inspirer. Dans la deuxième étape, il est important au début de nager intensément et de faire les 15 à 20 premiers mètres à une force de portance positive pour équilibrer le corps. Si on arrête de nager après dix mètres on remonte à la surface. »
Martin Štěpánek explique qu’en profondeur les poumons et le néoprène se compriment, la force de portance devient négative et on peut cesser de nager. Le corps descend alors par effet de gravitation. Il faut relâcher et ralentir le pouls le plus possible, ne pas consommer d’oxygène et laisser agir la nature. Selon Martin Štěpánek, c’est la plus belle étape de la plongée car il peut ainsi savourer la descente. La plongée à 120 mètres prend approximativement quatre minutes, mais avec son nouveau type de mono-palme le système de nage est différent et la cadence de battements de pied est plus rapide. On l’écoute :
« Je pense que je pourrais réaliser cette étape en 2’45’’. Il faut dire que cette étape de la plongée est compliquée car plus on descend, plus il est compliqué de compenser la pression car les poumons se compriment en un minimum de volume. Il faut compenser la pression dans les oreilles par une technique spéciale grâce à laquelle on fait passer l’air des poumons dans la cavité de l’oreille moyenne en le passant dans les voies respiratoires à l’aide de la racine de la langue. Cette technique évite de se percer les tympans. Le plus compliqué est de revenir à la surface car il faut faire 120 mètres de battements de pied continus et remonter à la surface en nageant contre la force de portance négative. »
Evidemment, il faut aussi que le plongeur prouve jusqu’à quelle profondeur il est réellement descendu. Le record est prouvé par une caméra scellée qui filme tout le processus, une étiquette placée à l’endroit que le plongeur va atteindre et que celui-ci doit ramener à la surface, puis par un sondeur officiellement calibré dont le plongeur est équipé. Puis il faut respecter le ‘protocole de remontée en surface’ (surface protocol). Dans les 15 secondes suivantes, le compétiteur doit regarder l’arbitre les yeux dans les yeux, enlever le masque et en joignant le pouce et l’index prouver qu’il va bien. Des gestes qui paraissent bien simples mais, comme l’explique Martin Štěpánek, lorsque le niveau d’oxygène est bas, le cerveau est fatigué et il est très aisé de faire des erreurs dans le protocole. Dans ce cas, le plongeur est disqualifié.
Que pensez-vous de la discipline « no limit » ? Et en quoi consiste-elle ?
« Personnellement je ne la reconnais pas car elle ne donne aucune preuve sur l’entraînement du sportif. Cette discipline consiste à plonger le plus profondément possible à l’aide d’un poids, puis le plongeur remonte à la surface à l’aide d’un ballon ou d’un autre moyen. Le plongeur ne développe aucune activité physique. Moi je dis que c’est une ‘compétition dans un ascenseur’. Le plongeur inspire à la surface, ‘l’ascenseur’ le descend et le remonte. »
C’est pourtant cette discipline qui a provoqué le décès du plongeur français Loïk Leferme, un grand ami de Martin Štěpánek, et jusqu’à présent on ne connaît pas vraiment la cause de cette tragédie.
Cela me fait penser au film de Luc Besson Le Grand Bleu, qui a rendu populaire la plongée en apnée libre. Ce film est-il réaliste ?« Personnellement j’estime que c’est un film absolument formidable justement parce qu’il a rendu populaire ce sport et a motivé beaucoup de gens qui ont commencé à faire de la plongée en apnée ou ont appris son existence grâce à ce film. Ce film a certainement beaucoup fait pour ce sport mais il n’est pas très réaliste. D’ailleurs il y a très peu de films qui le sont. Le film a été créé de façon à attirer les gens qui ne connaissent rien à ce genre de sport. Du point de vue professionnel, le film est un peu tiré par les cheveux. Néanmoins je l’aime beaucoup. Je pense que c’est un bon film. »