Meda Mládková: « J'ai tout fait pour Kupka » (II)
Suite aujourd’hui de l’entretien réalisé récemment avec la collectionneuse d’art Meda Mládková. Principal sujet de cet entretien: František Kupka, qui a vécu et est mort en France. L’urne qui contient les cendres de ce grand peintre tchèque a été retrouvée il y a quelques années au Père-Lachaise à Paris et va peut-être être transportée au cimetière pragois de Vyšehrad, le Slavín :
« Au fond je crois qu’il s’en fichait. Je ne peux pas répondre à sa place mais je ne trouve pas que ce soit tellement important. Mon dieu, combien de fois j’ai déjà dû répondre aux médias locaux à propos de cette histoire d’urne, ils font tellement d’histoires maintenant avec ça… Mais vous savez il était très heureux d’être français, il n’était pas un Tchèque nationaliste, il a vécu en France tellement d’années, avec son épouse française et des amis français. Moi aussi j’étais réfugiée, je l’avais compris, c’est aussi pour ça qu’il avait cet amour pour moi. J’étais une jeune fille qui étudiait l’art et venait de son pays, c’était une réunion très heureuse entre nous. »
Où en sont les projets de grande rétrospective Kupka à Prague et Paris ?
« La Galerie nationale de Prague a été dirigée par ce type intelligent mais sans éducation, ce mauvais type, Milan Knížák, qui a ruiné cette institution pour au moins dix ans. Maintenant le nouveau directeur n’a pas d’argent pour faire des expositions, nous sommes devenus amis et j’ai décidé de l’aider. Il y aura une grande exposition Kupka et il voudrait que ce que nous venons de rapporter des Etats-Unis soit exposé aussi. Ce n’est pas encore décidé mais je veux faire tout ce que je peux pour la Galerie nationale. J’espère que de mon vivant je peux encore aider à changer la situation. »Et à Paris, avec qui la rétrospective Kupka sera-t-elle organisée?
« Avec le Centre Pompidou. Vous savez, je suis allée voir le directeur et je lui ai expliqué que c’est grâce à moi qu’ils ont tous ces tableaux de Kupka. C’est écrit partout « Acheté » mais ce n’est pas vraiment ce qui s’est passé. J’ai insisté pendant un an auprès de mes professeurs Cassou et Dorival pour qu’ils viennent voir les tableaux de Kupka. Dorival a fini par venir, le jour de sa mort. Il a dit ‘Quelle merveille, quelle merveille !’… Je l’ai laissé seul, il a choisi 25 tableaux que Madame Kupka lui a donné, elle était tellement heureuse. Mais après quelqu’un lui a dit que c’était ridicule de les donner et lui a conseillé de demander une rente viagère. Alors elle a changé d’avis et a voulu demander cette rente. Alors je suis de nouveau allée chez Dorival et lui ai dit qu’elle n’avait pas vraiment besoin d’argent mais qu’ils pouvaient lui donner environ 100 dollars par mois. Donc tout ce qu’ils ont et qu’ils indiquent comme ‘acheté’, ça a été acquis pour à peine 3000 dollars… »
Vous avez choisi de faire don de vos collections à votre fondation pour que ces œuvres restent à la République tchèque. Pourquoi ?
« Mon mari adorait son pays. Il est mort deux mois avant la révolution de velours. Après le changement de régime je suis allée voir Havel que je connaissais et je lui ai dit que conformément au souhait de mon mari je voulais tout donner au pays. Alors les complications que ça a impliqué ! Donner quelque chose à Prague, mon Dieu ! »Ce sont des complications qui perdurent aujourd’hui….
« Oui, malheureusement Prague est totalement corrompue… »
Vous dites que votre mari aimait profondément son pays. Et vous ?
« Oui, évidemment, je suis tchèque, mais je crois que sans mon mari je n’aurais pas cet amour. J’ai sa photo partout chez moi. Et je la prends régulièrement dans mes bras et lui parle en lui demandant de me donner la force de résister, parce que c’est terrible de faire quelque chose à Prague. Ce pays est corrompu à 90%... »
Cela dit, vous essayez de rester optimiste en misant sur la jeune génération…
« C’est ça, vous savez je suis enchantée que les jeunes commencent à s’organiser, même si ce n’est pas encore pour la bonne raison, selon moi. Ils ne veulent pas payer pour les études universitaires. Mais c’est un début, ils commencent à se mobiliser. »
Merci Meda Mládková de nous avoir accordé cet entretien en français.
« Merci, au revoir. »