Métro knedlo zelo

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Après cinq années de travaux, une nouvelle section de ligne A du métro pragois, la ligne verte, vient d’ouvrir entre les stations de Dejvicka et de l’hôpital Motol, au nord-ouest de la capitale tchèque. L’occasion pour Radio Prague de se pencher sur l’histoire de ce réseau métro, ouvert en 1974 et emprunté aujourd’hui quotidiennement par plus d’un million et de demi d’usagers.

Photo: ČT24
C’est exactement le 9 mai 1974, « en présence des plus importants représentants de la municipalité et du gouvernement », comme n’oublie pas de le préciser un reportage télé de l’époque, qu’est inaugurée la ligne C du métro pragois, la ligne rouge, alors longue de neuf stations réparties sur six kilomètres et construite à la faveur « d’une collaboration soviéto-tchécoslovaque ». La réalisation de cet ouvrage, motivée dans les années 1960 par l’augmentation du trafic urbain, la multiplication des embouteillages et les limites auxquelles fait face le dense réseau de tramways, est en effet rendue possible grâce à un traité de coopération signé entre l'Union soviétique et la Tchécoslovaquie. Responsable des archives de la société des transports en commun de Prague, Pavel Fojtík commente :

« Bien évidemment, il s’agissait d’un événement très politique, dans la mesure où la construction a été menée dès les années 1960 en coopération avec des spécialistes soviétiques. On peut donc affirmer que le métro est inspiré dans une large mesure du modèle soviétique. Jusqu’à la fin des années 1980, la construction du métro a été qualifiée dans les documents de propagande, de ‘construction de l’amitié tchécoslovaque-soviétique’. »

Photo: Archives de DPP
Dans les années 1960, deux projets s’affrontent. Les uns soutiennent un plan de tramway souterrain, les autres la construction du métro. La première option, dont le fonctionnement est jugé trop lent, est abandonnée au profit de la seconde, ce qui ne va pas sans poser certains problèmes techniques, en particulier pour la construction du tunnel de Nusle, ouvrage dans lequel est aménagé un tube permettant la circulation des métros. Pavel Fojtík :

« Il a été décidé d’acheter des rames de métro soviétiques de type Ečs. Or ceux-ci avaient un poids très important. Ce problème a finalement été résolu par la construction d’une structure porteuse en acier. »

Une première phase de construction est entamée en 1966 mais les plans de la ligne C du métro, entre les stations Kačerov et Florenc, sont modifiés et les travaux subséquents débutent réellement en 1969.

Photo: ČT24
A l’échelle européenne, la conception de cet ouvrage souterrain apparaît relativement tardive. Le premier métro est ainsi réputé avoir été inauguré à Londres, d’abord avec des trains à vapeur à partir de 1863, puis sous la forme d’un réseau électrifié en 1890. De nombreuses autres villes suivent cet exemple. Ce n’est pas le cas de Prague, où des projets de métro naissent cependant régulièrement entre le début du XXe siècle et la réalisation effective de la ligne C.

Il s’agit en premier lieu de l’idée portée par le commerçant pragois Ladislav Rott, qui fait cette proposition dès 1898 à la municipalité, en s’appuyant sur la construction concomitante des égouts de la ville. Le projet n’est pas retenu, pas plus que ceux des ingénieurs Vladimír List et Bohumil Belada ou encore de Jiří Hruša, après la Première Guerre mondiale et la naissance de l’Etat tchécoslovaque, très proches du tracé actuel du métro. Plusieurs autres études postérieures ne sont pas menées à terme. Des tentatives avortées qui peuvent laisser quelques regrets selon Pavel Fojtík :

La proposition de V. J. Rott,  photo: ČT24
« En ce qui concerne la proposition de Ladislav Rott en 1898, je considère personnellement que Prague n’aurait pas eu de difficulté à la concrétiser, même si la position officielle à l’époque consistait à dire qu’il n’était pas possible de songer à construire un réseau de transport en commun souterrain à Prague. Mais à l’époque, la ville de Budapest, qui faisait alors partie du même Etat, avait déjà son métro depuis 1896. C’était la première ville dans ce cas en Europe continentale. Pour ce qui est du projet de List et de Belada, je crois qu’il suffit de regarder l’exemple de Paris car les lignes et les stations y sont similaires à celles que nous avons pu découvrir dans leur documentation. Il est clair qu’il aurait été possible de faire une comparaison avec Paris. »

Quand s’achève la Seconde Guerre mondiale, l’idée de mettre en place un système de transport en commun souterrain est de nouveau sur les rails mais se heurte à des réalités d’ordre financière. Dans le contexte de la guerre froide, Pavel Fojtík explique qu’il était également envisagé de réaliser un réseau de métro, qui aurait pu être utilisé en cas de conflit militaire. C’est Moscou qui aurait alors freiné les ardeurs tchécoslovaques sur ce projet.

Photo: ČT24
Plus tard, quand est effectivement lancée la ligne C du métro de Prague, qui sera bientôt agrandie et à laquelle sera adjointe une seconde ligne, la A, à partir d’août 1978, puis une troisième, la B, à partir de novembre 1985, les noms des stations sont choisis à la gloire du régime, de ses artisans et de la coopération avec les « pays amis ». La station de Vyšehrad s’est ainsi d’abord appelée Gottwaldova, du nom du premier président tchécoslovaque communiste, Anděl a d’abord pris le nom de Moskevská et le terminus de la ligne A n’était pas à Dejvická mais à Leninova. Une curiosité toponymique qu’avait magistralement illustrée Guillaume Narguet dans l’une de ses rubriques du Tchèque du bout de la langue (http://radio.cz/fr/rubrique/tcheque/stations-de-lenine-et-de-moscou-ainsi-etait-le-metro-de-prague).

La station de Vyšehrad,  photo: Archives de DPP Praha
A l’époque on accède au métro via des portillons d’accès où il est nécessaire de mettre la main à la poche. Ce système est abandonné dès 1985 ; les voyageurs doivent désormais se procurer, comme aujourd’hui, un titre de transport. C’est le premier d’une importante série de changements. Avec la chute du régime communiste en 1989, on abandonne dès l’année suivante, en février, les noms des stations dont les connotations idéologiques sont jugées trop fortes. C’est également à cette époque que la société des transports en commun de la ville de Prague doit faire face à un nouveau problème avec l’émergence des graffitis. Surtout, il convient de moderniser un réseau technologiquement largement obsolète. Josef Němeček, qui fut le premier directeur du métro pragois après la Révolution de velours, en fait le sévère constat :

Pavel Fojtík,  photo: David Němec,  ČRo
« Il convient de dire que les technologies utilisées depuis l’entrée en service du métro en 1974, qu’il s’agisse des moyens de communication, des rames, des escaliers mécaniques, etc., n’avaient rien de moderne. Elles nécessitaient l’emploi d’un personnel important pour en assurer la maintenance et pour que le système ne s’arrête pas. »

Il s’agit en particulier de revoir le système incendie des rames de métro. Voilà qui sera peu utile lors des terribles inondations qui touchent l’Europe centrale et Prague en 2002. La catastrophe cause quelques centaines de millions d’euros de dégâts et le trafic est interrompu plusieurs mois sur les lignes A et B. En 2013, huit stations doivent également être fermées lors de la crue du mois de juin, mais pour quelques jours seulement.

Photo: Oleg Fetisov
Aujourd’hui, le réseau du métro pragois est long de 65,2 kilomètres avec 61 stations réparties sur trois lignes. Prague est ainsi la plus petite ville de la courte liste des métropoles mondiales où sont réalisés annuellement plus de 500 millions de trajets en métro. Et le réseau continue de se développer. En 2017, pourraient commencer les travaux d’une quatrième ligne, conçue sur un axe nord-sud et qui relierait tout d’abord Náměstí Míru, une place située non loin derrière le bâtiment du Musée national, jusqu’au quartier de Písnice, au sud de la ville. Il est également parfois question d’une hypothétique ligne E, dont le tracé, imaginé par la société de construction Metrostav dans les années 1980, contournerait le centre-ville par l’ouest et les hauteurs de Strahov, Hradčany et Letná ; ce n’est pas pour demain la veille.