Michel Odent : « Le besoin de base de la femme qui accouche est de se sentir en sécurité, sans se sentir observée »

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En République tchèque, de plus en plus de femmes enceintes s’efforcent de faire entendre leur voix pour ne pas être uniquement actrices passives de leur accouchement. Pour elles, pas question de mettre au monde leur enfant dans un milieu surmédicalisé. Mais accoucher à domicile, avec la simple aide d’une sage-femme est un parcours du combattant face aux autorités médicales. La condamnation d’une sage-femme il y a quelques années, pour un accouchement qui avait mal tourné, a d’ailleurs relancé un vif débat sur la question. Les avocates de l’accouchement à domicile, ont leur champion en la personne du médecin français Michel Odent, promoteur des accouchements dans l’eau et autres méthodes alternatives, depuis les années 1960, qui était à Prague mercredi.

Michel Odent,  photo: Pumkingood,  CC BY-SA 3.0 Unported
« Je connais très bien la situation en République tchèque et d’une façon générale dans tous les ex-pays communistes. Ils ont à peu près les mêmes difficultés. Je suis venu en Tchécoslovaquie pour une conférence en 1981 et là, c’est au moins la quatrième fois que je viens à Prague. »

Que cherchent ces femmes qui viennent vous voir en République tchèque ? Que vous demandent-elles ?

« En général, une question qui domine, c’est : comment faire pour transmettre notre degré de prise de conscience ? On a compris quelque chose, on sent quelque chose, comment le transmettre ? Comment transmettre nos connaissances intuitives de femmes ? En général je réponds qu’aujourd’hui, si elles veulent être utiles, si elles veulent participer à une nécessaire prise de conscience, elles doivent s’entraîner à être ‘bilingues’ : elles ne doivent pas se contenter de parler le langage du cœur, la transmission de la connaissance intuitive. Elles doivent associer cela constamment avec le langage scientifique. Je vous donne un exemple, comment en cinq minutes, on peut expliquer la situation actuelle en ce qui concerne l’histoire de la naissance, c’est-à-dire l’histoire de l’humanité. Il est très facile de rappeler que jusqu’à récemment, pour mettre au monde un enfant et le placenta, une femme devait libérer un mélange d’hormones, la principale étant l’ocytocine. Aujourd’hui on sait très bien qu’il s’agit d’un ‘cocktail d’hormones de l’amour’. On connaît les effets comportementaux de ces hormones…

Photo illustrative: Oriol Martinez / FreeImages
Aujourd’hui, nous sommes à l’époque des perfusions d’ocytocine synthétique qui remplace l’ocytocine naturelle, à une époque où les techniques de césariennes ont été considérablement simplifiées. On est dans une situation telle à l’échelle planétaire que le nombre de femmes qui mettent au monde le bébé et le placenta grâce à la libération d’un cocktail d’hormones de l’amour, est en train de devenir insignifiant. Cela devient sérieux et cela induit des questions en termes d’avenir lointain. Que va-t-il se passer après quatre, cinq, six générations, si les hormones de l’amour restent inutiles ? »

Dans les conditions actuelles, quelles sont selon vous les conditions idéales d’un accouchement réussi ?

« La physiologie moderne nous dit qu’il faut savoir protéger la femme qui accouche, du langage qui stimule le cerveau, l’intellect, de la lumière qui stimule aussi le cerveau, et que le besoin de base de la femme qui accouche est de se sentir en sécurité, sans se sentir observée. Cela nous conduit à comprendre le rôle de la sage-femme en tant que figure maternelle. En face de sa mère, idéalement, on se sent en sécurité, protégée, sans se sentir observée. »