Cour constitutionnelle : les sages-femmes autorisées à pratiquer les accouchements à domicile

Annonce publique de l'arrêté de la Cour constitutionnelle sur la question du droit des sages-femmes d'accoucher à domicile

C’est une décision historique qu’a rendue mardi la Cour constitutionnelle : désormais les sages-femmes sont autorisées à pratiquer les accouchements à domicile en Tchéquie. La plus haute instance juridique du pays a toutefois émis un bémol : cette prestation ne pourra pas être considérée comme des soins de santé à part entière, et est pratiquée sans les garanties qui vont de pair avec des soins médicaux classiques. Les risques encourus sont ainsi assumés par la mère ou la sage-femme.

Il y a quelques années, une affaire impliquant la présidente de l’Union des sages-femmes avait fait grand bruit : poursuivie en justice à partir de 2009 suite à un accouchement à domicile qui avait abouti à la mort du nouveau-né, condamnée en 2011 à une peine de deux ans de prison avec sursis, ainsi qu’à une interdiction d’exercer sa profession, Ivana Königsmarková avait finalement été acquittée en 2014 à la suite d’une longue procédure judiciaire.

Alors que les accouchements à domicile sont relativement courants dans certains pays européens, en Tchéquie, ils font toujours l’objet de vives controverses. Certaines mères y voient une alternative aux maternités qu’elles considèrent comme trop « médicalisées », tandis que la majeure partie de la communauté des médecins rejette le principe, estimant qu’il s’agit d’un pari risqué pour la mère et l’enfant. Toutefois, les hôpitaux qui accordent une plus grande autonomie aux sages-femmes sont de plus en plus nombreux. Et les « maisons de naissance », une alternative à mi-chemin entre le tout-médical et l’accouchement à domicile.

Jusqu’à ce jour, les autorités et les tribunaux du pays avaient principalement statué sur le fait que les prestations des sages-femmes à domicile se limitaient à la préparation des femmes à l’accouchement et aux soins pendant la période du post-partum, tandis que les sages-femmes ne pouvaient procéder à des accouchements physiologiques que dans des lieux de travail équipés à cet effet. Toutefois, selon la Cour constitutionnelle, l’interprétation de cette législation donnait lieu à des conséquences « absurdes » puisqu’elle permettait certes aux femmes d’accoucher à domicile – mais seules, ou en présence d’une personne autre qu’un professionnel de la santé. La décision de la plus haute instance juridique du pays renverse la logique : puisqu’une femme a le droit de choisir d’accoucher à domicile et d’être assistée par quelqu’un sans que cela soit interdit par loi, il n’y a donc pas de raison qu’elle ne puisse pas utiliser les services d’une personne formée à l’obstétrique, par exemple, une sage-femme puisque celle-ci n’est par ailleurs pas reconnue comme « professionnelle de la santé ».

Le juge rapporteur de la Cour constitutionnelle Jan Wintr a ainsi expliqué à la Télévision  tchèque que la législation actuelle ne considérait pas les accouchements à domicile comme relevant des prestations de soins de santé. En découle, de fait, la possibilité pour une sage-femme d’être présente et d’assister la future mère chez elle.

Pour l’avocate de la Ligue des droits de l’Homme, Zuzana Candigliota, cette décision est historique et bienvenue :

Zuzana Candigliota | Photo: Adam Krecl,  ČTK

« Notre objectif était de faire en sorte que le ministère de la Santé arrête de se mêler du fait que certaines femmes et sages-femmes souhaitent se mettre d’accord pour organiser un accouchement à domicile. Ce genre de pratique est tout à fait courant en Europe de l’Ouest. Au lieu de cela, le ministère a toujours eu tendance à dissuader les sages-femmes et à leur infliger des amendes. Les sages-femmes ont ensuite peur de pratiquer ces accouchements. Or nous partons du principe que quand une femme choisit d’accoucher à la maison, mieux vaut qu’elle soit assistée par une sage-femme que pas du tout. Je suis heureuse que la Cour constitutionnelle ait statué ainsi, afin que le ministère ne se mêle plus de la relation privée qui lie une femme et son assistante. »

Soulignant les incohérences, la Cour a ainsi appelé le ministère de la Santé à clarifier la réglementation légale de l’accouchement. Le ministère a déclaré qu’il respectait l’arrêt de la Cour constitutionnelle, mais n’a pas pour l’heure souhaité le commenter davantage.

Photo illustrative: Lucie Maděrová,  ČRo

En Tchéquie, où le taux de mortalité infantile est l’un des plus faibles au monde, les médecins restent assez unanimes sur la question : ils mettent en garde contre les risques encourus lors des accouchements qui ont lieu en-dehors du milieu hospitalier. Mais en comparaison avec la situation dans les années 1990 et même au début des années 2000, l’ambiance dans les maternités tchèques, ainsi que l’approche du personnel a évolué ces dernières années.

Aujourd’hui, les femmes enceintes peuvent formuler leurs souhaits et suggestions dans un « plan d’accouchement » qu’elles remettent ensuite à leur médecin à la maternité. En outre, moyennant l’acquittement de frais, les pères – ou un proche – sont  autorisés depuis de nombreuses années déjà à être présent lors d’un accouchement. Certaines maternités, mais pas toutes, le permettent même lors d’une césarienne programmée. En outre, certains hôpitaux autorisent aussi les accouchements dits « ambulatoires », permettant un retour rapide de la mère et du bébé à domicile, parfois dans les quelques heures suivant la naissance.

Auteur: Anna Kubišta | Source: Česká televize
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