Festival de la grossesse, de l’accouchement et de la parentalité : de meilleures naissances pour un avenir meilleur
Du 16 au 22 mai se tient dans le hall 13 du marché de Prague le Festival de la grossesse, de l’accouchement et de la parentalité. Si l’approche de l’obstétrique a largement évolué en République tchèque, il reste énormément de progrès à faire, estime l’équipe organisatrice.
Organisé pour la première fois en République tchèque en 2008, pendant la Semaine mondiale de l’accouchement respecté, le Festival de la grossesse, de l’accouchement et de la parentalité part du constat que l’accouchement s’est technicisé à outrance, avec la réalisation d’interventions qui ne sont ni saines, ni sûres, et que l’accouchement n’a plus grand-chose à voir avec les recommandations de professionnels, mais que c’est plutôt un genre de routine qui prévaut – une routine qui peut, au final, mettre en péril les femmes et les enfants.
Conférences, groupes de parole, etc.
Conférences, groupes de parole et autres activités à thèmes divers : cette année, le programme s’annonce à nouveau très riche, comme le présente Petra Sovová, la présidente de l’association Aktivní mateřství qui organise donc le Festival de la grossesse, de l’accouchement et de la parentalité de Prague.
« Notre festival ne porte pas que sur le thème de l’accouchement ; les thèmes de la conception et de la grossesse sont également abordés. Par ailleurs, notre programme comprend également des conférences destinées aux parents d’enfants déjà plus âgés. Nous cherchons à ouvrir des thèmes peu traités dans les médias ; cette année, par exemple, nous abordons le thème important de la vaccination des enfants. Les choix en matière de vaccination des enfants, c’est quelque chose auquel font face tous les parents à un moment ou à un autre. Un autre des thèmes traités cette année est celui de la préparation du plan de naissance, car de nombreuses femmes arrivent à la maternité sans l’avoir préparé. Et pourtant, ce document – dans lequel la femme définit ses préférences et ses souhaits pour l’accouchement – peut largement simplifier la situation aussi bien aux femmes qu’au personnel de santé. »
« Nous consacrons également une partie du programme à la vie de couple, avec notamment une conférence intitulée ‘Comment entretenir l’amour et la passion dans une relation à long terme ?’, ce qui est également un thème qui émerge forcément à un moment ou à un autre dans la vie des parents. »
L’accouchement, mais aussi la vie de couple et les enfants
« Aux parents d’enfants déjà plus âgés, nous proposons différentes conférences à propos de l’éducation, par exemple : comment faire participer les enfants aux tâches ménagères, l’éducation dans le respect, comment faire de l’exercice et bien se bouger, etc. »
« Nous accordons également une attention particulière à l’allaitement, car malheureusement, même si la République tchèque avait des résultats plutôt bons en matière d’allaitement, les statistiques changent, et au sortir de la maternité, de moins en moins de femmes allaitent leur enfant. Nous estimons que cela est le résultat non seulement du peu de soutien dont bénéficie l’allaitement, mais aussi d’une publicité massive pour les préparations pour nourrissons, les biberons, etc. C’est donc également l’une des choses sur lesquelles nous essayons d’attirer l’attention dans le cadre du Festival de la grossesse, de l’accouchement et de la parentalité. »
Maternité et accouchement à domicile
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Si Petra Sovová rappelle que le festival se concentre avant tout sur les soins à la maternité – car selon elle, c’est là que qu’il est le plus urgent d’agir en République tchèque – l’un des thèmes que l’on pourrait associer au nom du festival est celui de l’accouchement à domicile. Il y a une dizaine d’années, le thème avait fait les gros titres dans le pays avec l’affaire Ivana Königsmarková, la présidente de l’Union des sages-femmes qui avait été poursuivie en justice à partir de 2009 après un accouchement à domicile qui avait abouti à la mort du nouveau-né, avant d’être définitivement acquittée en 2014. Depuis cet hiver, les Pragois auront peut-être remarqué dans le métro les affiches de la campagne Ať můžou (« Pour qu’elles puissent »), une campagne qui vise à soutenir le travail des sages-femmes communautaires en soulignant le fait qu’elles sont nécessaires non seulement pour les accouchements à domicile, mais aussi pour l’assistance avant et après l’accouchement ainsi que pour l’accompagnement lors de l’accouchement à la maternité. Petra Sovová fait donc le point sur la législation et la perception de l’accouchement à domicile en République tchèque :
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« En République tchèque – comme dans tout pays démocratique, j’imagine –personne ne peut interdire aux femmes d’accoucher à domicile. Ainsi, d’après nos estimations, chaque année, quelques centaines de femmes accouchent chez elles. Toutefois, les associations professionnelles refusent toujours de soutenir l’accouchement à domicile ; par conséquent, il n’y a que très peu de sages-femmes qui accompagnent à domicile. Certaines le font en cachette ; d’autres le font ouvertement ; celles qui le font de façon officielle ont en général des problèmes avec les autorités. »
Sage-femme et accouchement à domicile : une situation « absurde »
« Car si l’Etat ne peut pas non plus interdire aux sages-femmes d’assister des femmes à domicile, il peut leur compliquer la situation. Ainsi, les administrations régionales refusent la plupart du temps de délivrer aux sages-femmes une homologation complète. C’est-à-dire qu’une sage-femme qui se rend auprès de l’administration régionale pour s’inscrire en tant que sage-femme se voit rayer la mention ‘gestion de l’accouchement’ de la définition de sa profession. Ainsi, elle ne peut officiellement apporter une assistance qu’avant et après l’accouchement ; on part donc du principe qu’elle n’est pas présente à l’accouchement. Cette situation est on ne peut plus absurde, mais nous espérons parvenir à la faire évoluer, et c’est d’ailleurs l’objectif de la campagne Ať můžou, dont nous sommes partenaire. »
Situation en France et en République tchèque
Petra Sovová estime qu’en termes de remboursement des soins assurés par les sages-femmes, la République tchèque pourrait prendre exemple sur la France ; cependant, la perception de l’accouchement à domicile y est également critique. Elle fait le point sur la situation dans les deux pays :
« Je pense que par certains aspects, la situation est meilleure en France ; pour d’autres, elle est meilleure en République tchèque. Ainsi, en France, un certain nombre de sages-femmes accompagnent l’accouchement à domicile ; cependant elles font face à un problème : le coût élevé de l’assurance pour les sages-femmes proposant une assistance à domicile. Je pense que c’est une façon de mettre des bâtons dans les roues aux sages-femmes ; et ce afin de limiter les accouchements à domicile. Le montant élevé de cette assurance est motivé par l’impression que l’accouchement à domicile serait quelque chose de très dangereux et de risqué. Pourtant, les statistiques des sages-femmes en France sont tout à fait formidables ; les accouchements à domicile s’y avèrent très sûrs. »
« Néanmoins, la République tchèque pourrait prendre exemple sur la France en matière de remboursement par l’assurance maladie d’une grande partie des soins assurés par la sage-femme. Cela dit, en République tchèque, nous n’avons pas autant d’assurances santé privées, et sur d’autres points, les soins sont largement plus remboursés en République tchèque qu’en France. Mais pour ce qui est de l’accouchement, beaucoup plus de soins en rapport avec celui-ci sont remboursés en France, et notamment les consultations avant et après l’accouchement. Et puis, en France, les femmes ont un grand avantage : elles n’ont pas besoin de l’ordonnance d’un médecin pour avoir recours aux services d’une sage-femme. Elles peuvent contacter directement une sage-femme, et l’assurance maladie couvre les frais engagés. »
Organisé depuis 18 ans, le Festival de la grossesse, de l’accouchement et de la parentalité de Prague a donc atteint l’âge de la maturité. Mais si elle constate des évolutions positives en matière d’obstétrique, il reste énormément de progrès à faire, estime Petra Sovová :
« L’obstétrique en République tchèque s’est énormément améliorée en 18 ans, c’est évident. Même si je suis de nature impatiente, et que j’estime que les évolutions auraient dû être largement plus considérables, il serait injuste de dire que rien n’a changé. Quand même, de nos jours, les femmes se préparent à l’accouchement et y ont leur mot à dire, notamment par le biais d’un plan de naissance. Il est nettement plus courant que les maternités permettent aux femmes de choisir leur position pour accoucher. Il faut par ailleurs souligner le fait que la séparation du bébé et de la mère à la naissance est moins fréquente ; toutefois, cela reste assez courant. »
Lenteur du changement systémique
« Pour résumer : certaines choses ont changé et évolué, il est désormais possible de discuter ouvertement de certaines choses, mais il reste des progrès à faire. Et l’évolution systémique que nous prônons n’a pas encore eu lieu. Lorsque nous avons fondé l’association Aktivní mateřství, en 1999, nous pensions qu’il suffirait d’environ deux ans pour régler ces problèmes. D’après nous, c’est absurde, que cela tarde autant. Mais nous avons compris que tout changement systémique prend du temps. »
Pour les papas et les étrangers
A noter que le programme du Festival de la grossesse, de l’accouchement et de la parentalité de Prague n’oublie pas les pères et futurs papas, avec un espace nommé « Le terrier », dans lequel sont proposés des conférences gratuites et groupes de discussion destinés plus particulièrement aux hommes, notamment sur les thèmes de l’éducation des enfants ou de l’accouchement du point de vue du père.
Si les conférences sont en tchèque, les visiteurs non-tchécophones peuvent toutefois consulter la documentation en anglais et autres langues étrangères mise à disposition à la bibliothèque du festival.