Migrants : même orphelins, Andrej Babiš n’en veut pas
C’est la dernière affaire en date en République tchèque en matière de migration. Dans un entretien publié dans l’édition de samedi du quotidien Právo, Andrej Babiš a fait part de son refus catégorique d’accueillir cinquante enfants orphelins syriens, comme cela a été proposé, il y a quelques semaines de cela, par la députée européenne chrétienne-démocrate Michaela Šojdrová. Cette réaction du Premier ministre, qui a répété que son gouvernement n’accueillerait aucun migrant, a suscité de vives réactions.
« Madame Šojdrová parle d’orphelins qui sont des garçons âgés de 12 à 17 ans. J’ai déjà dit que j’étais prêt à aider les orphelins, mais dans les pays où ils vivent. Ceux qui me critiquent imaginent des enfants de 3 ans, pas de 17. Or, ce sont des garçons essentiellement de cette tranche d’âge que madame Šojdrová a vus dans les camps en Grèce en avril dernier. Le mieux serait donc d’ouvrir un débat plutôt que de créer des réactions hystériques. »
Ces mercredi et jeudi, à Salzbourg, le Conseil européen se réunira pour un sommet axé sur la sécurité intérieure et les migrations. Les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-huit discuteront des derniers développements intervenus en la matière et des progrès réalisés afin de réduire les arrivées irrégulières sur le territoire européen. Pour ce qui est de la République tchèque, les choses sont claires depuis quelque temps déjà : cela reste la politique du « zéro migrant », du moins en ce qui concerne les ressortissants des pays d’Afrique, du Proche et du Moyen-Orient (cf. : https://www.radio.cz/fr/rubrique/faits/a-rome-andrej-babis-reitere-son-zero-migrant-). Quant aux arrivées irrégulières sur son territoire, la police tchèque a fait savoir, samedi, que le nombre de clandestins arrêtés continuait à baisser, comme cela est le cas depuis 2015 au plus fort de la crise migratoire (cf. : https://www.radio.cz/fr/rubrique/infos/le-nombre-de-migrants-clandestins-arretes-par-la-police-tcheque-continue-de-baisser).
Concrètement, début juillet, Michaela Šojdrová, députée européenne qui s’était déjà engagée en 2016 dans l’accueil – qui avait été un échec complet – de quelque 150 réfugiés irakiens chrétiens (cf. interview en français : https://www.radio.cz/fr/rubrique/panorama/avec-les-refugies-chretiens-irakiens-le-plus-important-est-dabord-dapprendre-a-se-connaitre-mutuellement), avait proposé d’accueillir cinquante orphelins syriens résidant actuellement dans des camps de réfugiés en Grèce ou au Liban. Sa proposition a même fait l’objet d’une table ronde au Sénat vendredi dernier à laquelle ont participé des représentants du gouvernement, des ministères des Affaires étrangères et de l’Intérieur et de la petite communauté syrienne vivant déjà en République tchèque.Tout en affirmant comprendre et partager les craintes de ceux qui s’opposent à l’accueil de migrants, Michaela Šojdrová estime néanmoins qu’aider quelques dizaines d’enfants ou adolescents peut constituer une mesure de prévention contre leur éventuelle radicalisation :
« Ce sont des adolescents vulnérables qui peuvent se laisser influencer et manipuler. Ce sont des jeunes qui ont besoin d’une éducation et d’une protection. »Qu’ils soient de droite, du centre ou de gauche, rares sont les responsables politiques tchèques à se dire ouvertement favorables à l’accueil de migrants. Cette fois cependant, les déclarations d’Andrej Babiš, par la froideur et la rigidité de son propos, ont suscité un émoi inhabituel. Dès samedi, le ministre à la fois de l’Intérieur et des Affaires étrangères, le social-démocrate Jan Hamáček, a ainsi réagi en indiquant, sur son compte twitter, que la République tchèque serait tout à fait en mesure d’accueillir ces cinquante orphelins. Mais d’autres réactions ont été beaucoup plus agressives pour critiquer le Premier ministre. Celle de Pavel Telička, vice-président du Parlement européen élu en 2014 sous l’étiquette du mouvement ANO dirigé par Andrej Babiš, un mouvement dont il a pris ses distances depuis, compte parmi ces réactions les plus virulentes :
« Il y a un glissement évident. A la base, la position de la République tchèque était, je pense, très raisonnable, réfléchie et responsable. Le refus des quotas de répartition notamment était logique, comme d’ailleurs d’autres instruments mis en place pour lutter contre la migration. Aujourd’hui, le gouvernement tchèque prétend lutter contre la migration illégale sans même dire ce qu’il entend par ‘migration illégale’. Et maintenant nous avons un Premier ministre qui dit très clairement que la République tchèque refusera toute demande d’asile ou de protection provenant d’un ressortissant d’un pays en guerre comme la Syrie, et ce même lorsqu’il s’agit d’enfants ou d’orphelins. Cela signifie que le Premier ministre n’admet même aucune discussion sur le sujet et que nous sommes arrivés à une forme d’extrémisme. »
Inversement, les partisans de la politique d’Andrej Babiš, avec à leur tête le président de la République Miloš Zeman, estiment que cette affaire des cinquante orphelins syriens n’est qu’un prétexte. Députée membre du mouvement ANO, Helena Válková précise pourquoi selon elle :
« Le but dans tout cela n’est absolument pas d’aider cinquante réfugiés syriens orphelins. Non, c’est plutôt de pouvoir s’attaquer à la politique étrangère qui est promue par le gouvernement, et je pense que ce n’est pas juste. »
Finalement, ce sont peut-être les épouses d’Andrej Babiš et de Miloš Zeman qui pourront trancher. Dimanche, en effet, Michaela Šojdrová a annoncé vouloir les solliciter en espérant qu’elles manifestent un peu plus de compassion que leurs maris.