Migration - Contrôles à la frontière : Tchèques et Slovaques vont s’efforcer de mieux coopérer

De gauche à droite: le président de la police slovaque Š. Hamran, le ministre slovaque de l'Intérieur R. Mikulec, le premier ministre slovaque E. Heger, Petr Fiala, Vít Rakušan et le président de la police tchèque Martin Vondrášek

Dans le cadre de sa présidence du Conseil de l’UE, la République tchèque, avec le soutien de la Slovaquie, va demander une plus grande implication des autres pays dans la protection des frontières extérieures de l’espace Schengen. C'est ce qu’a déclaré le Premier ministre Petr Fiala après s’être entretenu avec son homologue slovaque Eduard Heger, jeudi à Prague. Le rétablissement et le maintien par les autorités tchèques de contrôles policiers à la frontière entre les deux pays pour lutter contre la migration clandestine en provenance des Balkans déplaît à Bratislava. Néanmoins, les deux parties entendent désormais mieux coordonner leurs efforts.

Il y avait jusque-là (un peu) d’eau dans le gaz, la faute à ces migrants dont personne ne veut dès lors qu’ils n’ont pas de passeport ukrainien, mais après un bon dîner partagé jeudi soir à la villa Kramář entre Premiers ministres, ministres de l’Intérieur et présidents de la police des deux pays, Tchèques et Slovaques, qui commémoreront en fin d’année le 30e anniversaire de leur divorce de velours, sont de nouveau les meilleurs (ou presque) voisins du monde.

Depuis la décision prise par les autorités tchèques, fin septembre, de mettre en place des contrôles policiers à vingt-sept points de passage le long des 250 kilomètres de frontière qui séparent les deux pays, les dents grincent du côté slovaque. À Bratislava, en effet, on ne s’estime pas responsable de la recrudescence depuis plusieurs mois de flux migratoires difficilement maitrisables à l’intérieur de l’espace Schengen. Avant de se rendre à Prague, Štefan Hamran, président de la police slovaque, avait d’ailleurs exprimé très clairement sa vision des choses :

« Les Tchèques s’efforcent d’empêcher les Syriens de se rendre en Allemagne, alors que ce sont des gens qui fuient la guerre et qui n’ont pas d’autre solution que de passer par nos pays pour y parvenir. Ils ne reçoivent absolument aucune aide de notre part puisqu’ils ne souhaitent rester ni en Slovaquie ni en République tchèque. Donc, posons-nous la question : quel est le sens de les arrêter et de les faire passer d’un côté à l’autre de la frontière tchéco-slovaque ? »

Des réfugiés à la frontière entre la Tchéquie et la Slovaquie | Photo: Ladislav Novák,  ČRo

A Prague, cet aveu slovaque d’une certaine forme d’impuissance, faute de moyens à la fois humains et techniques, n’est toutefois que moyennement accepté. Le ministre de l’Intérieur tchèque, Vít Rakušan, estime que le fait de laisser faire les choses, et donc de laisser les migrants poursuivre leur route en République tchèque ou en Autriche, arrangeait bien les affaires slovaques :

« Malheureusement, nous avons constaté que ces flux migratoires étaient possibles parce qu’il n’y avait aucune intervention digne de ce nom du côté slovaque. Nous en avons discuté plusieurs fois avec eux, sans parvenir au moindre compromis ou résultat concret. Je le regrette, mais je ne pense pas que nous puissions envisager de supprimer prochainement ces contrôles. »

Depuis la réintroduction des contrôles, la police tchèque a intercepté un peu plus de 8 000 personnes sans autorisation de séjour sur le territoire. Parmi elles, cette fois selon la police slovaque, près de 3 000 ont été renvoyées en Slovaquie.

Fin octobre, les représentants des deux pays s’étaient disputés au sujet du Code frontières Schengen. Tandis que le ministère de l’Intérieur slovaque considère que la République tchèque viole l’accord dit de réadmission entre les deux pays en renvoyant les migrants en situation illégale en Slovaquie, son homologue tchèque affirme, lui, que la prolongation des contrôles se fait dans le respect des règles internationales.

Au terme de la réunion de jeudi, chaque partie a donc accepté de mettre un peu d’eau dans son vin, comme l’a confirmé le Premier ministre tchèque, Petr Fiala :

Petr Fiala | Photo: Bureau du Gouvernement tchèque

« Les polices tchèque et slovaque vont désormais coordonner leur action à la frontière. L’objectif est de procéder à des contrôles plus efficaces et plus rapides d’un côté comme de l’autre de la frontière des personnes qui séjournent là clandestinement. Ces contrôles prendraient aussi la forme de patrouilles communes, et ce, notamment dans les trains et autres transports publics. »

La majorité des réfugiés originaires des pays du Moyen-Orient qui entrent dans l’espace Schengen passent par la frontière qui sépare la Serbie de la Hongrie. Toujours selon Petr Fiala, plusieurs pays doivent donc se concentrer sur sa protection, la Hongrie ne pouvant pas assumer seule la surveillance d’une frontière particulièrement poreuse :

« Au nom de la République tchèque, je peux dire que nous sommes prêts à doubler, à compter du printemps prochain, le nombre de nos policiers qui participent à la protection de la frontière entre la Serbie et la Hongrie. Leur nombre passerait donc des 40 actuels à 80. »

Photo: Václav Šálek,  ČTK

Autre objectif exprimé à Prague jeudi : mettre les pays des Balkans occidentaux en conformité avec les règles de l’Union européenne en matière de visas. Mais en attendant d’en arriver là, la République tchèque a d’ores et déjà annoncé que les contrôles à la frontière avec la Slovaquie seraient prolongés au-delà du 12 décembre. Une mesure dont a aussi décidé l’Autriche, voisine non seulement de la Slovaquie mais aussi de la Hongrie et de la Slovénie, autres pays de la région concernés par ces migrations en provenance de la route des Balkans.