Milan Knížák quitte la Galerie nationale après douze ans de « règne »
C’est la fin d’une ère : le directeur de la Galerie nationale, Milan Knížák, quitte ses fonctions à compter de ce 1er septembre, après douze ans à la tête d’une des plus importantes institutions culturelles de République tchèque.
Douze ans de règne sur la Galerie nationale, ça laisse des traces. Et le moins que l’on puisse dire c’est que le règne de Milan Knížák ne laisse personne indifférent. C’est un bilan contrasté donc que celui de cet artiste et performer, « ennemi d’Etat » sous le régime communiste et de fait plusieurs fois arrêté en raison de ses positions politiques. Pour certains, on lui doit d’avoir fait de la Galerie nationale une institution qui fonctionne et de l’avoir enrichie des œuvres de jeunes artistes, pour d’autres, Milan Knížák a fait le vide autour de lui, renvoyant les experts et isolant la galerie des tendances artistiques européennes. Milan Knížák lui-même ne réfute pas ces accusations, mais au contraire en retire une certaine fierté :« J’ai en effet réussi à me débarrasser de personnes qui jouent aux experts, mais qui sont en réalité dépendant des tendances à la mode. Nous nous sommes en effet isolés de l’Europe parce que nous ne suivons pas ses tendances mais que nous nous sommes efforcés au contraire de créer de nouvelles tendances. C’est le signe d’une indépendance et d’un effort pour créer quelque chose à soi : c’est ce que nous avons essayé de faire dans notre collection d’art contemporain. Nous avons voulu montrer en quoi l’art tchèque est particulier, ce qui est différent et nouveau par rapport à ce qui se fait ailleurs. » Catogan et oreilles percées, look de vieux pirate qui s’est un peu empâté mais n’a pas pour autant perdu la verve de ses années d’artistes rebelle, opposé au régime communiste. Et alors que se fait le passage de relais, il n’épargne pas son successeur, Vladimír Rösel, un économiste choisi en mai dernier par le ministre de la Culture, Jiří Besser : « il est clair depuis le début qu’il ne comprend rien à l’art et qu’il devra s’appuyer sur des experts qu’il ne saura pas choisir », c’est en ces termes que s’exprime l’ancien membre du groupe Fluxus. Pas d’adoubement donc pour le nouveau directeur de la Galerie nationale qui recueille aussi le scepticisme du monde de l’art. Pour certains artistes, rien de nouveau sous le soleil avec Vladimír Rösel, comme le dit l’artiste Jiří David :« D’une certaine façon, c’est une nouvelle victoire pour Milan Knížák parce que M. Rössel n’est qu’un nouvel exemple du fait qu’on ne fait pas d’audits économiques et qu’on n’a pas l’intention de changer le contenu. »
Jiří Skřivánek, rédacteur en chef de la revue Arts&Antiques, estime que le choix d’un économiste sans aucune expérience du monde de l’art est un fait quasi sans précédent :
« Le fait que la Galerie nationale va être dirigée par un manager, et non par un professionnel de l’art, est pour le moins inhabituel. Le ministre de la Culture lui-même pour se justifier n’a donné que Moscou comme exemple similaire… »
Le ministre de tutelle, Jiří Besser, issu du parti TOP 09, un des membres de la coalition de droite au pouvoir, n’estime en tout cas pas qu’un expert en culture et en art soit nécessaire pour diriger la Galerie nationale. En attendant, l’intéressé Vladimír Rösel récupère une institution dont tout le monde attend de connaître la situation financière exacte, alors que celle-ci possède au moins sept bâtiments à Prague, dont il s’agit de mener la gestion.