La Galerie nationale de Prague fête ses 210 ans
La Galerie nationale de Prague fête, le 5 février, ses 210 ans. A cette occasion, toutes ses expositions ont ouvert leurs portes aux visiteurs, et j'ai voulu en profiter pour vous y inviter. Pour cette fois, ce sera le directeur de la Galerie nationale, Milan Knizak, en personne, qui nous servira de guide.
L'histoire de la Galerie nationale de Prague a commencé à s'écrire le 5 février 1796, lorsqu'un groupe de représentants de la noblesse patriotique tchèque et de bourgeois érudits éclairés a décidé - dit dans le langage de l'époque - de cultiver le goût en déclin du milieu tchèque. La corporation ainsi née, qui s'appelait la Société des amis patriotiques de l'art, a fondé deux institutions importantes qui manquaient à Prague : l'Académie des arts et la Galerie de peinture accessible au large public. Et c'est cette dernière justement qui est devenue le précurseur direct de la Galerie nationale de Prague. La toute première collection réunie par la Société des amis de l'art comptait 600 oeuvres.
Aujourd'hui, la Galerie nationale possède dans ses collections plus de 14 000 tableaux, 7 500 plastiques, presque 243 000 oeuvres graphiques, 60 000 dessins, 3600 oeuvres architecturales et plus de 12 000 objets d'art oriental. Les collections permanentes sont installées dans six bâtiments historiques qui sont, tous des objets d'art marquants : le couvent Sainte-Agnès abrite l'art médiéval de Bohême et d'Europe centrale, le couvent Saint-Georges les oeuvres du maniérisme et du baroque de Bohême, le palais Sternberk accueille l'art européen depuis l'antiquité jusqu'au baroque, le palais Kinski propose le paysage dans l'art tchèque des 17e - 20e siècles, le palais des Foires abrite les oeuvres d'art des 19 - 21e siècles, la maison à la Madone Noire abrite le musée du cubisme tchèque et le château de Zbraslav l'art oriental d'Asie.
Depuis 1999, la Galerie nationale est dirigée par le professeur Milan Knizak, lui-même peintre. Par quoi, s'inscrira-t-il dans l'histoire de la Galerie ? Qu'est-ce qui a changé dans cette institution depuis son arrivée ?
« La Galerie a complètement changé, elle s'est débarrassée de ses dettes, mais le principal est que nous avons réussi à remplir les galeries d'oeuvres d'art et les présenter en sorte que chacune des six expositions permanentes propose un programme à elle, chacune est une institution vivante, aucune de ces six maisons n'est abandonnée. Quand je suis arrivé, le palais des Foires faisait penser à un hôpital régional laissé à l'abandon... Aujourd'hui, il vit, depuis le premier jusqu'au dernier étage, il est plein de visiteurs, de jeunes, chaque matinée il y a des foules d'enfants et d'écoliers, ce que je considère comme important pour une galerie, car c'est son avenir. »
Le palais des Foires qui est la plus grande fierté du directeur actuel de la Galerie nationale, se trouve dans le 7e arrondissement de Prague-Holesovice. Au moment de son inauguration, en 1924, le palais était un exemple de la première architecture officielle en style fonctionnaliste à Prague. Ses dimensions impressionnantes - un plan de 140 mètres sur 80 et 10 étages - ont encore été accentuées par des galeries s'élevant jusqu'au 7e étage. Chacun des étages a une superficie de 4500 m2. La grandeur et l'austérité du bâtiment ont choqué Le Corbusier qui l'a visité, en 1928. Il lui reprochait le manque d'élégance et de détails plus futés. Malgré le scepticisme de certains critiques, le palais des Foires a servi de centre d'exposition et de siège de sociétés de commerce extérieur jusqu'aux années 1970. En août 1974, le feu s'est déclaré dans le bâtiment. Du palais, il ne restait que la charpente. Dans cette situation, personne ne s'acharnait à la reconstruction de ce colosse et on pensait plutôt à la démolition. En 1978, la Galerie nationale a proposé d'installer au palais, après sa reconstruction, les collections d'art moderne. Cette idée ne sera réalisée que presque vingt ans plus tard, le 15 décembre 1995, date de sa réouverture solennelle au public.
C'est au 3e étage du palais des Foires que le visiteur trouve la très précieuse collection d'art français. Nous la devons à Vincenc Kramar, depuis 1919 directeur de la Galerie nationale qui, après sa mort, l'a légué à l'Etat tchécoslovaque. La collection comprend 127 tableaux et 44 oeuvres plastiques : Delacroix, Daumier, Corot, Courbet, Monet, Sisley, Pissaro, Seurat et Signac, Rousseau, Gauguin, van Gogh, Toulouse-Lautrec, Bonnard, Matisse, Utrillo, ainsi que les travaux de Marc Chagall et Pablo Picasso.
Ma deuxième question posée à Milan Knizak, directeur de la Galerie nationale, était de savoir à quelle exposition inviterait-il, spécialement, des visiteurs français ?
« Inviter le visiteur venant de France à l'exposition d'art français serait peut-être inutile, car la France est très riche en oeuvres d'art tout à fait splendides. Toutefois, il faut savoir que Prague possède l'une des meilleures collections de Picasso dans le monde, car elle avait été achetée aux temps où un Picasso ne coûtait que 300 francs. Je rappellerais au visiteur français que c'est à Prague qu'il peut voir le tableau le plus célèbre du douanier Rousseau, son Autoportrait qui est actuellement exposé à Londres d'où il se déplacera à Paris. Mais je l'inviterais à l'art tchèque. Je pense que l'art tchèque est tout simplement excellent, tant l'art historique que contemporain, récent, moderne. Ainsi, le musée du cubisme récemment ouvert dans la maison à la Madone Noire qui est, à elle seule, l'une des plus belles constructions cubistes de Prague, est absolument unique en son genre. Les objets exposés présentent une spécificité tchèque : le cubisme tchèque est tout autre que le cubisme français, d'autant que la France n'a presque pas d'architecture, de design, de meubles cubistes... alors c'est ce musée qui, je pense peut intéresser le visiteur étranger, et plus spécialement français. »