Moins de liberté, plus de sexe
Pas de produits dans les étals des magasins. Pas de possibilité de voyager. Pas de rock stars en concert dans le pays. Mais quel genre de loisirs les Tchèques pouvaient-ils avoir sous le régime communiste ?
« C’est vrai que le sexe était l’un des rares plaisirs disponibles à l’époque. Le pain n’était pas bon. Mieux valait ne pas savoir quel genre de viande se vendait dans les magasins. Et vous pouviez toujours rêver pour trouver des poires à l’épicerie. Mais le sexe n’était pas bien différent d’aujourd’hui. L’image d’Epinal du socialisme tchécoslovaque, c’est l’acte sexuel sur le bureau. Et après tout, ce n’est pas si mauvais, c’est toujours du sexe de qualité, » voilà ce qu’expliquait récemment le sociologue Ivo Možný au micro de la Radio tchèque.
Kateřina Lišková, sociologue également, poursuit :
« Il y avait moins de pression exercée sur les gens dans le monde du travail, et il y avait donc de la place pour beaucoup d’autres choses sur les lieux de travail. Les gens ont en quelque sorte colonisé cet espace professionnel et y vivaient différents types de relations, y compris sexuelles. »
Mais cela ne concernait pas tout le monde, loin de là. Même sous le communisme, les ouvriers travaillant dans les aciéries ou les conducteurs de métro ne profitaient pas pour autant de ce type d’ « avantages », tandis que dans les bureaux et les instituts de recherche, c’était une autre histoire…
Les bureaux étaient également le centre de la vie sexuelle, car il était interdit de louer une chambre d’hôtel si l’on résidait dans la ville. En outre, la prostitution était un délit. Et puis, pourquoi chercher à avoir des relations sexuelles tarifées alors qu’il y avait des dizaines de collègues qui s’ennuyaient au travail ?
Rappelons une anecdote de l’époque :
Un homme rentre chez lui et trouve sa femme au lit avec son ami.
« Ne hurle pas », lui dit sa femme. - Il a bu du vin, fumé des cigarettes et il n’y a plus de café. Qu’est-ce que j’étais censée lui offrir ?
Et c’est un peu ainsi que cela fonctionnait à l’échelle de la société.
Petr Smolka est conseiller conjugal : selon lui, en République tchèque, les psychologues ont presque oublié ce qu’est le sexe. Sous le régime communiste, les personnes présentes dans les salles de consultation discutaient constamment de la manière d’améliorer leur vie intime. Aujourd’hui, les problèmes sexuels sont passés au second plan.
D’un autre côté, cette vie sexuelle débridée des Tchèques a fait de l’infidélité conjugale un problème sociétal majeur de la Tchécoslovaquie des années 1970 et 1980 notamment. La psychologue Kateřina Irmanovová explique :
« La principale raison pour laquelle les gens allaient consulter était l’infidélité. Je dirais que l’infidélité était une forme de chemin vers la liberté. Cela semble absurde, mais c’était vraiment le cas. L’infidélité et le fait de quitter sa famille étaient pratiquement la seule rébellion possible. Les couples divorçaient souvent. À l’époque, le divorce n’était pas un désastre financier, comme c’est souvent le cas aujourd’hui, en particulier pour les femmes. Aujourd’hui, les gens n’ont souvent pas les moyens de divorcer, et la tolérance à l’égard de l’infidélité est donc plus importante. »
Mais les autorités communistes se sont toujours plu à répéter que la famille était le fondement de l’État. Des divorces en masse n’était donc pas dans l’intérêt de l’État. Écoutons un extrait d’une intervention radiophonique de Miroslav Plzák, le conseiller matrimonial le plus populaire des années 1970 et 1980.
« Une femme découvre l’infidélité de son mari. La femme divorce. Son raisonnement est le suivant : ‘Je ne peux pas supporter l’infidélité de mon mari’. La plupart des gens seront d’accord avec elle parce que la norme inconsciente reste que le mari est coupable du point de vue de la morale. Certaines personnes placent l’amour entre époux au-dessus de l’amour pour ses enfants. La douleur subjective de cette femme est alors plus grande que son amour pour ses enfants. Mais cette attitude ne peut pas être considérée comme morale à l’avenir. La relation entre les parents et les enfants doit passer en premier et seulement ensuite la relation entre les époux. Il est du devoir de la femme d’accepter l’infidélité de son mari. »
En d’autres termes, divorcer à cause de l’infidélité de son partenaire était, selon le régime d’avant 1989, une faute morale bien plus grave que l’infidélité elle-même. Le divorce étant source de souffrance pour les enfants, et la procréation et l’éducation des enfants des tâches fondamentales pour un citoyen de la Tchécoslovaquie communiste.
Un autre aspect de la vie familiale et sexuelle sous le régime totalitaire mérite également d’être mentionné. Le taux de mariage était alors de 96 %.
Voilà ce qu’en pensait le conseiller matrimonial de l’époque, Miroslav Plzák :
« Celui qui évite le mariage est un parasite social. »
Or dans la société tchécoslovaque d’alors, il y avait alors au moins 10 % de personnes qui n’avaient pas la possibilité de contracter une union légale, soit pour des raisons physiologiques dues à un handicap quelconque, soit en raison d’une orientation sexuelle autre qu’hétérosexuelle alors que de mariage pour tous, il n’était pas alors question, pas même théoriquement. Pourtant, le régime communiste a souvent exercé des pressions pour les pousser à se marier, générant un autre groupe de personnes qui ne pouvaient pas être satisfaites de leur vie sexuelle dans le mariage et qui cherchaient à trouver du plaisir ailleurs...
Le premier épisode de notre série sur le sexe à l’époque du régime communiste s’est concentré sur les années 1970 et 1980. Dans le prochain épisode, nous chercherons à savoir pourquoi dans les années 1950, les Tchèques étaient les plus grands experts de l’orgasme féminin au monde.
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