« Monsieur Karlin », sauvé des eaux

Photo: Karlin Real Estate Group

Notre invité aujourd'hui dans cette émission est le promoteur immobilier Serge Borenstein. Homme d'affaires belge, il est le co-fondateur de Karlin Real Estate Group, une société qui redonne vie à l'ancien quartier industriel de la capitale tchèque, Karlin, dévasté par les inondations de 2002.

Les médias tchèques vous ont déjà surnommé « Monsieur Karlin », c'est un surnom qui vous fait plaisir ?

« Le surnom... Je m'en tirerais en disant que ça ne me fait pas plaisir... Mais j'aime ce quartier, je suis venu ici pour 'développer' ici à Prague, et je suis tombé plus ou moins par hasard sur ce quartier. Le hasard fait bien les choses, et puis suite à un concours de circonstances au lieu d'acheter un immeuble j'ai fait l'acquisition d'un site industriel. Cela m'a amené avec mes partenaires à devenir propriétaire d'un grand nombre de mètres carrés à Karlin. Et je me suis mis à penser à développer non plus un immeuble ou deux mais un quartier entier. C'était quelque chose de tout à fait nouveau pour moi. Il s'avère que c'est un succès. Je ne l'ai pas fait seul bien sûr, et je crois que tous les habitants de Karlin y ont participé. Mais entre le moment où j'ai commencé à Karlin et aujourd'hui nous avons vécu bien des choses et notamment les inondations de 2002... »

C'était il y a presque cinq ans maintenant, des inondations qui ont été catastrophiques pour Karlin. Est-ce que finalement on peut dire que cela a été un mal pour un bien quand on voit le quartier aujourd'hui, même si ça doit être difficile à entendre...

« Effectivement, ça a été une catastrophe à tel point que j'ai été à deux doigts de prendre la décision de quitter Prague parce que j'avais tout perdu ici. Que ce soit ma maison qui se trouvait dans une zone totalement inondée [Zbraslav] ou mes propriétés à Karlin, tout était sous eaux... La ville avait pris la décision juste après les inondations de laisser cette zone sinistrée, en se disant qu'on ne pouvait rien faire... Et puis grâce à un dernier sursaut, je me suis dit qu'on ne pouvait pas laisser faire ça. J'ai créé une association de propriétaires de Karlin, on est allé voir tout le monde et on les a tellement ennuyés qu'on a fini par obtenir gain de cause et quelques années après la protection de Karlin a été construite par la ville de Prague avec des subventions européennes. »

Il y a donc maintenant des barrières anti-inondations le long de la Vltava. Quel est l'avenir de ce quartier en pleine mutation ?

« Alors sûrement pas un quartier de bureaux. Je suis né à Bruxelles, que j'aime beaucoup mais que je considère comme une ville sinistrée. J'y retourne régulièrement et quand je me promène dans les quartiers des bureaux de l'UE je trouve ce quartier désert à partir de 17h sans âme qui vive... »

« Nous avons décidé de faire de Karlin surtout pas une zone de bureaux mais bien un endroit où il fait bon vivre et où il fait bon travailler en même temps, donc on a décidé d'appliquer cette mixité que la plupart des développeurs refusent parce qu'ils en ont peur. Ici à Karlin cela fonctionne, nous avons ajouté à cette mixité bureau-logement le côté culturel en essayant d'attirer des artistes avec des galeries et en sponsorisant différents endroits comme le théâtre de Karlin et d'autres événements culturels. Donc on essaye d'en faire vraiment un endroit où il fait bon vivre, je n'ai pas d'autres définitions. »

Est-il encore temps, selon vous, d'investir dans l'immobiler à Prague ou est-ce déjà trop tard ?

« Je crois qu'il n'est jamais trop tard, tout dépend de ce que vous voulez faire. J'invite tout le monde à investir à Prague, c'est une ville extraordinaire à vivre et je crois qu'il y a encore de la place pour pas mal de gens. »

L'immobilier n'est pas un métier de tendres, était-ce particulièrement vrai à votre arrivée dans les années 90 dans un pays d'Europe centrale, ex-pays communiste, où l'environnement juridico-légal dans le milieu des affaires n'était pas encore préparé aux gros investissements ?

« Cela n'a pas été facile tous les jours, mais j'ai travaillé en Belgique et un peu en France, et je peux vous dire très sincèrement que je n'ai pas vu une grande différence dans la manière dont les autorités gèrent ces problèmes. Cela n'a pas été vraiment plus difficile qu'ailleurs. Quand vous développez plus qu'un immeuble, un quartier, un district, vous êtes régulièrement en contact avec les autorités. Et à partir du moment où les gens sentent que vous n'êtes pas là pour démolir leur ville mais pour essayer de la rendre plus belle et plus attrayante, ils vous accueillent très bien et vous aident. »