Municipales et sénatoriales : une victoire en trompe-l’œil pour le mouvement ANO

Andrej Babiš, photo: Michal Kamaryt

Les Tchèques étaient appelés aux urnes ce weekend pour désigner leurs conseillers municipaux et renouveler un tiers des sénateurs. Les résultats des élections sénatoriales partielles et communales, auxquelles ont participé seulement 47,34 % des citoyens tchèques, apportent quelques enseignements sur l’état du paysage politique tchèque…

Une victoire amère pour ANO…

Andrej Babiš,  photo: Michal Kamaryt
Ces élections avaient valeur de test pour le mouvement ANO, large vainqueur des législatives il y a un an et principale formation de la coalition gouvernementale aux côtés des sociaux-démocrates et avec le soutien des communistes. A première vue, elles sont un succès pour le parti d’Andrej Babiš, qui arrive en tête dans douze des quatorze capitales régionales, à l’exception notable de Prague, et qui disposera de onze candidats au second tour des sénatoriales, le deuxième meilleur total après le parti civique-démocrate ODS, qui en comptera treize. A l’annonce des résultats, le Premier ministre faisait d’ailleurs montre de sa satisfaction :

« C’est un excellent résultat. Bien sûr, on verra comment se formeront des coalitions municipales. Aussi, les résultats en général devront être évalués quand ils seront définitifs et que seront connues les nouvelles directions des mairies et l’identité des maires. »

M. Babiš restait donc prudent. Et pour cause, son parti espérait mieux. Il est loin d’être assuré de diriger les mairies des villes où les électeurs l’ont placé en première position et, surtout, il est en échec à Prague, où il termine dernier, avec 15,37 %, des cinq formations qui disposeront d’une représentation au conseil municipal de la capitale.

...qui perd Prague

Petr Stuchlík,  photo: Michaela Říhová/ČTK
Prague, enjeu clef avait annoncé Andrej Babiš, était jusqu’alors dirigé par une maire issue du mouvement ANO, Adriana Krnáčová. L’homme d’affaires Petr Stuchlík, investi par le parti, ambitionnait de lui succéder…

« Nous estimons de façon incontestable que ce résultat n’est pas un succès. Nous n’avons pas gagné, c’est sans débat. Nos attentes étaient plus grandes. Après quatre ans à la tête de la municipalité de Prague, nous avons été incapables d’expliquer à nos électeurs nos succès indiscutables. »

Dans la capitale, des discussions sont engagées pour tenter de former une coalition municipale entre le parti des Pirates, le nouveau mouvement Praha Sobě, créé autour de la figure de Jan Čižinský, et l’alliance des « Forces alliées pour Prague » (qui rassemble TOP 09, les chrétiens-démocrates et STAN). Toutes ces formations sont arrivées, dans l’ordre, après le parti ODS, qui a convaincu 17,9 % des électeurs.

Le parti ODS revoit la lumière du jour

Le parti ODS,  photo: Vít Šimánek/ČTK
L’ODS, même s’il risque de rester dans l’opposition à Prague, est un des indiscutables vainqueurs de ces élections. Associé à de multiples affaires, le parti, qui a longtemps été au cœur du paysage politique tchèque, était en perdition depuis quelques années et jusqu’aux dernières législatives. Profitant aussi des faibles résultats des conservateurs de TOP 09, il s’impose comme le principal parti d’opposition à droite. De quoi satisfaire Petr Fiala, le président de cette formation libérale et critique de la construction européenne :

« Presque partout sur le territoire de la République tchèque, nous nous sommes renforcés et nous avons recommencé à croître. C’est une bonne chose, cela va permettre le développement des villes et des villages. Nous avons proposé de bons candidats, des solutions raisonnées, un travail honnête. »

Débandade à gauche

Jiří Zimola,  photo: Michal Krumphanzl/ČTK
Autre parti incontournable de la scène politique tchèque de ces vingt-cinq dernières années, la social-démocratie, au contraire, n’en finit pas de sombrer depuis les élections législatives. La déroute s’est confirmée ce weekend un peu partout. En chute de 15 points à Prague, les sociaux-démocrates ont aussi accusé le coup aux sénatoriales. Ils disposaient de treize sénateurs sortant ; ils ne seront présents au deuxième tour du scrutin que dans cinq circonscriptions. Jiří Zimola, le vice-président du parti, avait la tête des mauvais jours :

« C’est clairement une défaite. Cela me rend très triste. Mais je suis un sportif, parfois on perd, parfois on gagne. Cette fois-ci nous avons mérité cette gifle et il ne dépendra que de nous de savoir si, de cet abîme dans lequel il semble que nous soyons tombés, nous parviendrons à nous relancer. »

La déroute est partagée par les autres partis de gauche. Les communistes sont en recul et les Verts n’ont pas réussi à sortir la tête de l’eau. Des mauvais résultats qui se doublent de l’inquiétude de constater la progression de l’extrême-droite.

Si le SPD, le parti de l’homme d’affaires Tomio Okamura, a finalement convaincu peu d’électeurs, sa rhétorique xénophobe s’est imposée dans la campagne de nombreux autres mouvements. « Havířov sans migrants », promettait par exemple sur une affiche électorale la candidate sociale-démocrate de cette ville moyenne de Moravie-Silésie. A Mladá Boleslav, Raduan Nwelati, le maire ODS réélu, annonçait également la couleur avec un message de bienvenue : « Tolérance zéro pour les étrangers qui ne respectent pas nos lois. Tu veux travailler ici ? Respecte les règles ! Sinon nous ne te voulons pas ! ».

Être candidat à la présidentielle aide aux sénatoriales

Jiří Drahoš,  photo: Roman Vondrouš/ČTK
A noter enfin que certaines candidatures aux sénatoriales faisaient l’objet d’une attention particulière, celles des prétendants malheureux au poste de président de la République lors de l’élection de janvier dernier. La visibilité acquise lors du scrutin leur a visiblement profité : Pavel Fischer et Marek Hilšer se sont qualifiés pour le second tour ; Jiří Drahoš, le finaliste de la présidentielle, a lui été élu dès le premier tour à Prague 4.