Musique : disparition de Jiří Bělohlávek « le chef des chefs tchèques »
L'un des meilleurs chefs d’orchestre contemporains, Jiří Bělohlávek, directeur artistique de la Philharmonie tchèque, est décédé des suites d'une longue maladie ce jeudi matin à Prague à l’âge de 71 ans. Lors de sa longue et belle carrière, il a collaboré avec plusieurs orchestres prestigieux, notamment avec l’Orchestre symphonique de la BBC, dont il a été le chef permanent entre 2006 et 2012.
Quand Jiří Bělohlávek affirmait que la musique était « le sens de sa vie », qu’il éprouvait un vif plaisir ne serait-ce qu’en lisant une partition, cela était vrai, il n'y avait pas de fausse note, aucune banalité dans ces propos.
Natif de Prague, Jiří Bělohlávek a commencé sa carrière musicale en jouant du violoncelle, pour rapidement se tourner vers ce qui allait devenir sa passion, à savoir la direction d’orchestre. Le succès ne se fait pas attendre : déjà pendant ses études à l’école supérieure artistique de Prague, la AMU, il devient finaliste du prestigieux concours de jeunes chefs d’orchestre d’Herbert von Karajan. A l’âge de 24 ans, le jeune chef dirige pour la première fois la Philharmonie de Prague, dont il prendra les rênes pour une période de deux ans en 1990 et ensuite en 2012. En 1995, Jiří Bělohlávek est devenu chef invité de l’Orchestre symphonique de la BBC, puis son chef permanent en 2006. Ambassadeur de la musique tchèque dans le monde entier, notamment de celle de Dvořák, de Martinů et de Janáček, il a collaboré avec des orchestres de Berlin, de New York, de Boston ou encore avec le Covent Garden à Londres, l’Opéra de Bastille à Paris, le Met de New York.
Grand amateur de musique classique, notre collègue Václav Richter ajoute :
« On connaît en général Jiří Bělohlávek en tant que grand chef d’orchestre de la musique symphonique. Mais j’aimerais rappeler qu’il était aussi un ambassadeur de l’opéra tchèque à l’étranger. En France, il a dirigé entre autres Rusalka ou bien Juliette de Bohuslav Martinů. En 2008, j’ai eu la chance d’assister à la représentation de la Fiancée vendue de Smetana à l’Opéra Garnier à Paris. Il a fait redécouvrir au public cet opéra quasiment inconnu à l’époque en France. Mon dernier souvenir de lui date de l’année dernière, lorsque j’ai pu assister à la représentation d’une version concert de l’opéra Jenůfa donné au Rodolphinum avec un plateau brillant de solistes tchèques et slovaques et aussi, dans le rôle de la Sacristine, la grande soprano finlandaise Karita Mattila. Il a fait resplendir toute la palette sonore de la partition orchestrale et une richesse de détails que l’on n’entend presque jamais dans des théâtres lyriques, où il n’y a pas de conditions pour cela.»« J’ai pu suivre Jiří Bělohlávek, de loin, pratiquement pendant toute sa carrière. Il me semble qu’au début, sa façon de diriger l’orchestre était caractérisée par une robustesse de style, par une opulence sonore. Avec le temps, son style est devenu plus léger, plus fin, plus transparent et aussi plus précis. »
Suite à un contrat renouvelé avec la Philharmonie tchèque, Jiří Bělohlávek s’est engagé, en janvier dernier, à diriger l'orchestre jusqu’en 2022. La maladie l’a empêché d’aller à bout de ce projet et même de se présenter, le 22 mai, devant le public du Printemps de Prague. Le festival lui rendra hommage lors de sa clôture, ce vendredi 2 juin.