NaFilm, un nouveau musée consacré à l’histoire du cinéma tchèque

Photo: Richard Špůr / NaFilM

C'est une chose qui manquait encore à Prague : un musée national du cinéma y a été ouvert en janvier dernier. Appelé NaFilm, ce musée, le premier du genre en République tchèque, est le fruit de la passion de trois étudiants de l’Université Charles pour l’histoire du cinéma, et tchèque plus particulièrement. Découverte.

Photo: Darya Margolina

Situé à l’entrée du jardin Františkánská zahrada, dans la rue Jungmannova en plein cœur de Prague, NaFilm propose à ses visiteurs de découvrir les coulisses et l’histoire du cinéma tchèque par le biais d’expositions interactives. Terezie Křižkovská est une des responsables du musée :

« Le cinéma tchèque a traversé l’histoire. Dès l’émergence du cinéma, il s’est inscrit dans une réelle tradition, et depuis, il a toujours été présent. Mais il n’y avait pas d’endroit pour approfondir ses connaissances sur le cinéma tchèque à Prague. Même en République tchèque, il y a très peu de livres sur le sujet. Quant aux étrangers, ils n’imaginent pas à quel point le cinéma a une place importante dans notre culture. Certains pays possèdent plusieurs musées alors que leur histoire du cinéma n’est pas très prononcée. On s’est donc demandé pourquoi il n’y en avait pas un chez nous. »

Adéla Mrázová,  Jakub Jiřiště,  Terezie Křížkovská,  photo: Richard Špůr / NaFilM
L’idée d’ouvrir un musée dédié au cinéma et à son histoire en République tchèque est née en 2013. Après avoir d’abord présenté leur projet sous forme d’expositions temporaires à Prague, les étudiants se sont battus pour trouver les financements nécessaires de façon à pouvoir implanter NaFilm définitivement dans la ville. Cependant, c’est l’intérêt porté par les visiteurs aux premières expositions qui a permis à Adéla Mrázová, Jakub Jiřiště et donc Terezie Křižkovská de concrétiser leur projet :

« Nous avons d’abord reçu le prix des ‘jeunes en action’ de la Commission européenne. A partir de là, nous avons cherché des moyens pour financer le projet. En l’espace de cinq ans, nous avons créé trois co-financements et des centaines de personnes ont soutenu notre idée. Grâce à cela, nous sommes désormais soutenus par le ministère de la Culture, la mairie de Prague, le Fonds pour le cinéma tchèque, ainsi que par les universités et les festivals de cinéma comme celui de Zlín notamment. »

Photo: Richard Špůr / NaFilM

Un accès pour tous à la culture tchèque

Photo: Richard Špůr / NaFilM
Avec pour but de « dépoussiérer les archives », NaFilm propose de découvrir l’univers du cinéma tchèque depuis ses prémices. De l’illusion visuelle à l’animation, le musée recouvre une exposition complète qui défend le rôle des réalisateurs tchèques quelque peu oubliés dans l’émergence du 7e art :

« Une des parties de l’exposition est dédiée à l’animation. Dans les années 1940 et 1950, les réalisateurs tchèques ont été très présents et ont produit des films distinctifs qui sont d’ailleurs aujourd’hui encore projetés dans différents pays étrangers. Nous présentons aussi des artistes connus du grand public qui ont étendu leur carrière jusqu’au États-Unis comme Miloš Forman. Mais en réalité, il y a davantage de films qu’il n’est pas possible de visionner si l’on ne se trouve pas en République tchèque. Il est donc nécessaire de donner l’opportunité à ceux qui viennent visiter notre pays, de découvrir une culture plus riche qu’ils ne le pensent. »

Introduire la culture cinématographique tchèque aux touristes… Oui, mais pas seulement. Grâce à son emplacement en plein centre-ville, NaFilm attire aussi les Tchèques qui, selon Terezie, souffrent du manque d’accessibilité à leur propre héritage culturel :

« Il y a environ 60% de visiteurs tchèques contre 40% de touristes. Il y a un énorme fossé entre le cinéma tchèque et sa diffusion. Le musée pourrait combler ce manque car nous collaborons aussi avec plusieurs écoles. Chaque matin, des programmes éducatifs sont mis en place pour les enfants mais aussi pour les plus grands par le biais d’un atelier sur la production notamment. On se rend compte qu’ils apprennent énormément. Il est donc important de commencer à enseigner le langage du cinéma. »

Photo: Richard Špůr / NaFilM
Saviez-vous ainsi par exemple que la réalité virtuelle est apparue pour la première fois au XXe siècle ? Installé sur deux étages, avec l’un consacré à l’histoire du cinéma en général et l’autre à celle du cinéma tchèque, avec une pièce qui sert à la projection de films d’animation et une salle de cinéma, NaFilm a pour ambition d’éveiller de manière ludique l’intérêt des enfants. Le fait que l’exposition soit entièrement interactive, aide à cela… Comme à éveiller aussi l’âme d’enfant qui sommeille en chaque adulte :

« Aujourd’hui, visiter passivement un musée en observant ou en lisant des descriptions n’intéresse plus les gens. Ce qu’ils veulent, c’est participer et essayer de nouvelles choses. Ce n’est donc pas un musée ‘ennuyeux’ mais amusant où l’on ne se rend pas compte que l’on étudie. C’est une réelle expérience. »

Photo: Richard Špůr / NaFilM

Un musée alternatif

Cette « expérience » est rendue possible justement par l’originalité du musée : chaque exposition a été pensée et installée uniquement pour NaFilm grâce à des collaborations avec des étudiants de l’Académie du Film de Prague (FAMU), de l’école des arts appliqués de Prague (UMPRUM) et d’autres bénévoles.

« Nous avons voyagé dans le monde entier pour nous inspirer des musées dédiés au cinéma. Mais comme ils sont généralement plus anciens, la plupart n’exposent que de vieilles installations ou des costumes. Nous voulions vraiment faire quelque chose de différent et laisser les gens toucher et essayer ce que nous présentons. C’est pour ça que nous n’avons rien d’ancien ici. Tout ce qui se trouve dans le musée est le résultat de notre propre travail. Il est donc impossible de le voir ailleurs… »

Photo: Richard Špůr / NaFilM
Exceptionnel et inédit ; trois semaines seulement après son ouverture, les visiteurs sont déjà conquis par le concept de NaFilm, comme nous l’ont confié ces deux étudiants slovaques après leur visite :

« Je pense que c’est un musée différent de ceux que nous avons l’habitude de visiter dans nos pays post-communistes. Ceux-là n’ont pas la chance d’être interactifs ».

« C’est vraiment intéressant, je pense que l’on se souvient mieux de ce que l’on voit grâce au côté interactif de ce musée et aux nouvelles technologies utilisées. »

Ce succès, Terezie et son équipe ne s’y attendaient pas forcément aussi rapidement :

« Nous sommes très surpris par le nombre de gens qui ont déjà entendu parler du musée. Nous sommes très heureux des retours positifs de personnes de différents groupes d’âge ; cela démontre une nouvelle fois que nous avons réussi dans notre entreprise de créer un musée pour tous. Beaucoup d’enfants viennent avec leurs parents et leurs grands-parents. Parfois, un dialogue s’instaure entre les jeunes et les personnes âgées. Elles leur racontent ce qu’était le cinéma lorsqu’elles étaient plus jeunes et les enfants leur expliquent à leur tour comment se servir des nouvelles technologies dans la salle où l’on peut créer son propre film. Enormément de touristes nous trouvent aussi. Nous sommes heureux que notre projet fasse sens et qu’il suscite l’intérêt de toutes les catégories de visiteurs et générations. »

Photo: Richard Špůr / NaFilM
Le musée semble donc avoir d’ores et déjà trouvé sa place dans le paysage et l’offre culturelle de Prague. Pour autant, les trois étudiants ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin. D’autres projets sont déjà prévus pour les mois à venir :

« Nous souhaiterions coopérer avec des musées du cinéma du monde entier…Actuellement, un projet de coopération est en cours avec la cinémathèque allemande de Berlin. Nous allons développer un espace du musée qui sera consacré exclusivement au son. Pour cette année, nous prévoyons aussi d’agrandir le musée et d’ouvrir de nouvelles salles. Et à plus long terme, nous envisageons d’installer des expositions temporaires au second étage. »

Ouvert à partir de 13h00 du mardi au dimanche, NaFilm donne rendez-vous à tous les amateurs de cinéma et autres curieux au Mozarteum, l’entrée se situant au 748 rue Jungmannova.

http://www.nafilm.org/