Nikson Pitaqaj : « Václav Havel utilise très peu de mots, mais qui en disent beaucoup »

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Du 3 au 26 juillet, dans le cadre du festival Off d’Avignon, est présenté un cycle Václav Havel avec quatre pièces de théâtre du dramaturge et ancien président tchèque. Tous les jours, les festivaliers auront l’occasion de découvrir une des pièces mises en scène par Nikson Pitaqaj, de la compagnie Libre d'Esprit. Au micro de Radio Prague, il est revenu sur la genèse de ce cycle Václav Havel.

« Le cycle Václav Havel est né il y a longtemps. Cela fait cinq ans qu’on est dessus. On a commencé par Audience. D’ailleurs ce n’était pas tout-à-fait un projet au début, plutôt une lecture. On était tellement sous le choc de l’écriture de Václav Havel qu’on a continué jusqu’à aujourd’hui. C’est un projet qui nous a pris et qui ne nous lâche plus. »

Vous présentez quatre pièces de Václav Havel : Audience, Vernissage, Pétition et Largo Desolato. Vaclav Havel est l’auteur de nombreuses pièces de théâtre, pourquoi avoir choisi celles-là en particulier ?

« Au début, comme je l’ai dit, ce n’était pas vraiment un projet. On était deux comédiens avec Audience et comme il y a plusieurs autres comédiens dans la troupe qui étaient sous le charme, ils voulaient tous jouer Havel. Du coup, ils me harcelaient pour monter d’autres pièces. On a commencé d’abord par les trois pièces en un seul acte. Ensuite, on s’est attaqués à Largo Desolato qui a plusieurs comédiens sur scène. Ces pièces ont été déjà présentées par le passé au festival d’Avignon. On a joué un peu partout dans toute la France. Mais cette année on a décidé de ramener les quatre pièces. Notre envie, c’est de plonger les spectateurs dans l’univers de Václav Havel. »

Vous parliez de choc et du fait que vos comédiens ont été charmés par l’écriture de Havel. Pourriez-vous nous décrire plus en détails ce qui vous a séduit dans l’écriture de Václav Havel ?

'Largo Desolato',  photo: Site officiel de la Compagnie Libre d'Esprit
« Pour ma part, j’ai des liens très forts avec Václav Havel. Moi-même je suis originaire d’ex-Yougoslavie, plus précisément du Kosovo. Il se trouve que le hasard de la vie a fait qu’à quelques jours près, mon grand-père a fait presque le même temps de prison que Václav Havel. Il y a plein de petites anecdotes comme cela. Il y a un lien très fort pour moi, au point où j’ai l’impression que c’est quelqu’un de ma famille… Je passe mon temps avec lui. Ensuite, par rapport à l’écriture. Ce qui est choquant et terrorisant dans son écriture, c’est qu’il utilise très peu de mots qui disent beaucoup. Au début, c’était difficile à transmettre à mes amis français qui aiment bien les belles phrases. En travaillant, ils se sont rendu compte qu’on a peu besoin de mots. L’écriture de Vaclav Havel est à l’image de ce que nous avons vécu tous dans les pays de l’ex-bloc soviétique. On ne pouvait pas parler beaucoup, il fallait faire attention à tout ce qu’on disait. Václav Havel décrit cela. C’est en cela que c’est terrorisant pour les comédiens mais aussi pour les gens qui viennent voir les pièces. A chaque fois, ils remarquent combien il y a de choses derrière ce qui n’est pas dit. »

Ses pièces sont évidemment empreintes de son expérience sous le régime communiste. Est-ce que son message, ses écrits, sont encore valable aujourd’hui ? Est-ce qu’ils ont une valeur universelle selon vous ?

'Audience',  photo: Site officiel de la Compagnie Libre d'Esprit
« J’ai vécu des choses similaires quand je suis arrivé en France. A l’époque, l’ex-Yougoslavie avait éclaté, j’ai été obligé de partir rapidement. J’ai dû travailler dans une usine à Paris. J’ai vécu pratiquement que ce qu’on voit dans la pièce Audience, et en France ! Par la suite, ces derniers temps, il y a eu beaucoup de suicides dans différentes usines et entreprises françaises. Le public français qui voit ses pièces me dit : c’est terrifiant, Havel nous parle de là-bas, de ce qu’on voyait de loin il y a trente ans, on vous regardait avec de grands yeux en se disant que ce qu’on vivait à l’Est, sous surveillance, c’était terrible. Aujourd’hui ces mêmes personnes se disent qu’elles vivent, c’est la même chose, avec un autre système, avec le système démocratique. Aujourd’hui, on est arrivé à des pratiques similaires… »