La première défenestration pragoise
Dans cette page d'histoire, nous remémorerons un événement vieux de 583 ans, entré dans l'histoire en tant que première défenestration pragoise. 583 ans se seront également écoulés, le 16 août, du décès du roi tchèque, Venceslas IV, sous le règne duquel des événements bouleversants ont culminé par la défenestration.
L'histoire tchèque connaît deux défenestrations et bien qu'un espace de deux siècles les sépare, on peut dire que les deux ont un arrière-plan presque identique. Elles ont été une expression de l'opposition anticatholique et antihabsbourgeoise de la population tchèque, plutôt protestante. Si la première défenestration marque le point culminant de la forte influence des idées du réformateur de l'Eglise, Jan Hus, la deuxième, de 1618, est une réaction à la défaite des états tchèques dans la bataille de la Montagne Blanche contre les troupes habsbourgeoises. Le culte protestant ayant été interdit, les Tchèques ont pris leur revanche en jetant les représentants du pouvoir habsbourgeois par les fenêtres du Château de Hradcany. Cet acte a ouvert la guerre de Trente Ans. La première défenestration n'a pas eu, il est vrai, des implications internationales, mais elle a été le premier événement de ce type dans notre histoire.
Quel a été le contexte historique de la première défenestration pragoise? L'époque brillante du règne de Charles IV, dans la seconde moitié du 14ème siècle, allait être remplacée, sous le règne de son fils Venceslas IV, par une période d'agitation et de crise sociale. Prague a perdu son ancien éclat de la plus importante des villes résidentielles. Les réserves d'argent dans les mines de Kutna Hora allaient diminuant, les différends opposaient le roi aux puissants seigneurs et une tension allait se propager pratiquement à tous les niveaux. Le pouvoir central ébranlé par des rébellions et des visées égoïstes de la noblesse n'était plus à même de maintenir l'ordre et la sécurité dans le pays. La tension sociale faisait naître aussi des divergences de caractère nationaliste. Les pays tchèques étaient habités par une minorité allemande nombreuse qui prédominait dans plusieurs villes.
Le mécontentement général a fini par se retourner contre l'Eglise catholique disposant d'énormes richesses et d'une fortune inouïe. Propriétaire aussi des plus vastes domaines du pays, l'Eglise exigeait, en plus, les plus diverses prestations pour différents services religieux, des dons, etc. Des voix de critiques, venant d'abord des milieux universitaires, ont trouvé une large publicité grâce aux prédicateurs populaires. Dans leurs sermons ont été formulées les revendications d'assainir l'Eglise et de revenir à sa mission primitive. A la tête de cet effort s'est placé Jan Hus, recteur de l'Université de Prague, qui prêchait dans la chapelle de Bethléem, dans la Vieille-Ville de Prague. Le haut clergé suivait avec un grand déplaisir l'influence croissante qu'ont eu les prédications de Hus qui, en 1412, s'est ouvertement prononcé contre la vente des indulgences, ce qui lui a valu l'excommunication par le pape. Proclamé par le concile de Constance hérétique et refusant de retracer sa doctrine, Hus meurt brûlé vif sur le bûcher, le 6 juillet 1415.
La mort de Jan Hus n'a pas enterré ses idées, au contraire, elle a provoqué un soulèvement qu'aucune force ne pouvait arrêter: des troubles ont éclaté aussi bien dans les villes qu'à la campagne. A Prague, tous les gens à orientation radicale ont eu, pour centre d'appui, la Nouvelle-Ville de Prague et à leur tête, le prédicateur Jan Zelivsky, continuateur de la doctrine de Jan Hus.
C'est dans la Nouvelle-Ville, en effet, que s'est produit le premier grave conflit au cours duquel se sont déchargées, par un acte de violence, toute l'amertume et toute la colère retenue et accumulée depuis longtemps dans les masses populaires contre les adversaires du Calice, les échevins allemands. Le 30 juillet 1419, une pierre a été lancée contre l'ostensoir porté à la tête d'une procession conduite par Jan Zelivsky, de la fenêtre de l'hôtel de ville de la Nouvelle-Ville de Prague. Cet acte de défi à l'objet sacré a exalté la colère de la foule à tel point que les masses, prenant d'assaut le bâtiment de la mairie, ont jeté par ses fenêtres les échevins détestés contre les lances tournées vers le haut, en achevant impitoyablement les blessés. Dans les rues de Prague, le peuple déchaîné s'emparait des églises détenues par des prêtres catholiques et les premières attaques ont été lancées contre les couvents. L'agitation a atteint un tel degré que les ordres du roi hésitant et faible n'y pouvaient rien. La tension depuis longtemps étouffée et le désespoir de voir la réalité politique changer, a transformé le mouvement en révolution.
Le roi Venceslas, déjà impuissant et frappé d'apoplexie, meurt peu après la défenestration, le 16 août 1419. Sa mort n'a fait qu'élargir les émeutes populaires et l'avalanche ne pouvait plus être arrêtée par personne. Tout le peuple s'est dressé dans ces journées mouvementées contre la succession du frère de Venceslas, Sigismond, roi d'Allemagne et de Hongrie, principalement pour le rôle qu'il avait joué dans les événements de Constance, lesquels ont abouti à la mort de Hus. Avec l'appui du pape, Sigismond a entrepris ensuite une véritable croisade contre les Tchèques rebelles. Au printemps de 1420, les armées des croisés ont pénétré en Bohême et préparé une attaque de Prague. Toutes les forces nationales se sont alors réunies pour assurer la défense du pays en danger. La bataille livrée sur la colline Vitkov, à Prague, a inauguré la série de victoires légendaires des troupes hussites populaires sur les forces du pouvoir.